Déc 05 2008

Projet de loi de finances pour 2009

Monsieur le ministre, permettez-moi tout d’abord de vous dire ma gratitude et de vous féliciter pour le rôle éminent que la France a joué dans l’élaboration de la convention sur l’interdiction des armes à sous-munitions, armes immondes dont 98 % des victimes sont des civils, des enfants pour un tiers.

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. Merci !

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Voilà à peine deux ans, nous étions encore très peu à y croire. Il a fallu la détermination et l’engagement du président Sarkozy, du Gouvernement, de vous-même et d’Hervé Morin pour parvenir à ce progrès remarquable en matière de droit international humanitaire.

Votre présence et votre intervention à Oslo avant-hier, lors de la cérémonie de signature de cette convention, à côté d’une centaine d’autres ministres des affaires étrangères, ont été un signal fort, important pour l’image de notre pays. Je tenais donc à vous en remercier.

Je lance un appel à mes collègues sénateurs pour que la ratification de cette convention par le Parlement français intervienne le plus rapidement possible.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Nous, Français de l’étranger, sommes très fiers de l’action de notre pays à l’étranger. La voix de la France y est de plus en plus écoutée, respectée. Nous nous en réjouissons et, là encore, monsieur le ministre, nous vous en remercions.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Mais nous, parlementaires, avons aussi la responsabilité de contrôler le budget de l’État. Il est de notre devoir et de notre honneur de veiller à ce que l’argent de la nation, l’argent du contribuable, soit dépensé à bon escient. C’est tout particulièrement le cas aujourd’hui dans le contexte de crise grave qui est hélas le nôtre.

En ce qui concerne la mission « Action extérieure de l’État », qui se décline en trois programmes, je tiens à saluer l’excellent travail et la vigilance de notre collègue Adrien Gouteyron, rapporteur spécial de la commission des finances, qui a toujours su, dans un esprit particulièrement constructif, veiller au bon emploi de ces crédits et suggérer des gains de productivité importants.

À ce stade de la discussion, beaucoup a déjà été dit et les chiffres ont déjà été largement commentés. Je me limiterai donc à vous livrer quelques interrogations personnelles.

Le budget du ministère s’élève à 4,6 milliards d’euros pour 2009, soit 1,66 % seulement du budget général. C’est bien sûr très décevant pour un parlementaire représentant les Français de l’étranger, soucieux du prestige de notre pays, car c’est largement insuffisant au regard de nos légitimes ambitions.

Vu la crise actuelle et le déficit des finances publiques, l’élaboration d’un budget aussi resserré est bien évidemment rationnelle, voire indispensable : nous nous devons de faire des économies. Toutefois, cette démarche a des limites.

Le ministère des affaires étrangères est sans aucun doute celui qui, depuis des années, a été le plus vertueux en matière de réduction des dépenses, et sans doute aussi celui qui en a le plus souffert.

Notre personnel diplomatique et consulaire, d’une qualité exceptionnelle, reconnue et enviée, a toujours fait la force de notre réseau. Une très large part du succès de la présidence française de l’Union européenne et de nos avancées aux quatre coins du monde lui est également due.

La baisse constante des effectifs, malgré l’accroissement des charges et la nécessité d’ouvrir de nouveaux postes dans les pays émergents, risque de démotiver ces personnels, d’engendrer une baisse de la qualité du travail et de nuire à l’image de nos postes diplomatiques et consulaires, donc à l’image de la France. Comment, par exemple, répondre à nos obligations morales en proposant un accueil digne et respectueux des demandeurs de visa lorsque les files d’attente s’allongent désespérément à l’extérieur de nos consulats ?

Pour contenir ce budget, ne devrions-nous pas envisager non pas une nouvelle contraction du nombre des personnels, car nous ne pouvons guère aller plus loin, mais une simplification des procédures, une amélioration des conditions de travail et des modes de fonctionnement ? Ne devrions-nous pas développer les procédures sur internet ou installer des systèmes de vidéoconférences dans nos ambassades et consulats ? Cela permettrait de supprimer un grand nombre de déplacements aussi coûteux en temps et en énergie qu’en empreinte carbone.

Ne devrions-nous pas aussi réfléchir à des modes d’emploi des seniors, ces jeunes retraités qui ont encore tant à donner. Beaucoup, sans doute, seraient heureux, avec un encadrement minimum, d’offrir leur expérience et leurs compétences à des pays en voie de développement quelques mois par an ?

Dois-je rappeler que le taux de vaccination dans plusieurs pays d’Afrique est passé de 90 % à moins de 20% en l’espace de dix ans et que le nombre d’assistants techniques est tombé de 30 000 à 700 ?

Et que dire de l’externalisation, qui se révèle parfois beaucoup plus coûteuse que nos placements traditionnels ? Je pense en particulier au remplacement de nos gendarmes dans un certain nombre de postes, et ce en dépit de la qualité de leur travail, de leur mobilisation permanente et, surtout, des garanties qu’ils apportent en termes de sécurité.

Je m’interroge toujours sur notre politique en matière de patrimoine immobilier. Plutôt que de vendre les bâtiments que nous ont laissés nos prédécesseurs, ne devrions-nous pas plutôt penser aux futures générations et investir dans les pays où les prix de l’immobilier sont encore au plus bas, notamment dans certains pays d’Asie, mais qui sont appelés à croître de manière considérable dans un futur proche ?

Monsieur le ministre, ainsi que j’ai déjà eu l’occasion de vous le demander, ne devrions-nous pas réfléchir à un meilleur contrôle de l’utilisation de l’aide internationale ? Des centaines de millions d’euros partent vers des organismes et fonds internationaux à vocation humanitaire et caritative, certes remarquables, et il est du devoir de la France de continuer à les soutenir – je pense en particulier à ceux qui interviennent en Afrique ou au Fonds alimentaire mondial –, car nous nous devons d’honorer nos engagements. Mais on entend ici ou là qu’un pourcentage important des aides versées s’évapore au profit d’intermédiaires, de consultants ou autres officines, qui se sont multipliées du fait de l’externalisation et de la suppression de nombreux postes d’assistants techniques.

Monsieur le ministre, pourriez-vous nous garantir que ces fonds sont bien utilisés ? Comment apporter plus de transparence au processus ? Comment nous assurer que ces fonds vont vraiment à ceux qui en ont le plus besoin ? Nous avons souvent l’impression que des sommes considérables sont attribuées à certains programmes sans véritable contrôle, alors que des initiatives extrêmement modestes – je pense, par exemple, en matière d’enseignement, aux tout petits programmes d’enseignement du français langue maternelle – voient leur budget constamment érodé et subissent un relatif harcèlement en matière de contrôle de leurs dépenses.

Au regard de ces énormes flux, l’aide sociale apportée à nos communautés françaises est dérisoire et elle n’a fait l’objet d’aucune revalorisation depuis plus de dix ans. Je puis pourtant vous garantir qu’aucun euro attribué à nos consulats ou à nos sociétés françaises de bienfaisance n’est gaspillé. Or les demandes ne cessent et ne cesseront de s’amplifier, du moins au cours des quelques années de crise qui nous attendent.

Comme je l’ai indiqué lors de la réunion de la commission des affaires étrangères, il est indispensable d’augmenter le fonds d’action sociale qui est destiné à aider nos compatriotes les plus démunis à l’étranger.

Monsieur le ministre, permettez-moi de vous féliciter d’avoir ouvert un centre de crise au Quai d’Orsay. La sécurité de nos compatriotes est une préoccupation croissante. Il était indispensable d’améliorer notre réactivité.

J’en profite pour vous demander où en est le projet de création d’un fonds de solidarité destiné à aider nos compatriotes qui doivent être rapatriés en France du fait d’événements géopolitiques.

En ce qui concerne les lycées à l’étranger, je salue l’initiative généreuse du Président de la République, qui a répondu au vœu d’équité que formulent nos concitoyens de l’étranger depuis des dizaines d’années, à savoir l’obtention de la gratuité de l’enseignement dans nos établissements français. Beaucoup avaient promis cette gratuité. Le président Nicolas Sarkozy a été le seul à tenir son engagement, et nous ne pouvons que lui en être très reconnaissants.

Force est cependant de constater l’émoi suscité par cette mesure dans un grand nombre de communautés expatriées. Cet émoi est dû non pas à l’octroi en lui-même de la gratuité de l’enseignement, mais à certains comportements. Je tiens à souligner que quelques-uns de nos compatriotes ont eu l’élégance d’en refuser le bénéfice parce qu’ils estimaient que le niveau de leurs revenus leur donnait le devoir de participer à l’effort d’éducation de leurs enfants. L’émoi est dû au fait que, paradoxalement, les charges qui pèsent sur les familles se sont considérablement alourdies : celles-ci ne comprennent pas que de grosses entreprises, qui payaient la scolarisation des enfants de leurs employés, profitent de cette aubaine sans contribuer pour autant aux caisses ou aux fonds sociaux des lycées.

Enfin, dois-je le rappeler, nos établissements scolaires n’accueillent qu’une petite partie des enfants de nos ressortissants. Et, en dehors de ces établissements, c’est souvent le grand désert !

Ainsi, en Grande-Bretagne, un des pays où la présence française est la plus forte – 300 000 personnes et plus de 100 000 inscrits dans les consulats –, il n’y a aucun lycée français en dehors de Londres. Comment les familles françaises qui n’ont pas la chance d’habiter le centre de la capitale britannique peuvent-elles accepter que tous les crédits soient concentrés sur moins de 3 % des enfants, alors que les petits établissements de soutien linguistique hors de Londres perçoivent des aides dérisoires, de l’ordre de quelques milliers d’euros ?

Nous devons également penser aux effets pervers potentiellement induits par cette mesure. Si nos lycées de l’étranger ont un tel niveau d’excellence, avec des taux de réussite atteignant presque toujours 100%, c’est aussi grâce au mixage des nationalités et des cultures. On pourrait craindre que, du fait de cette gratuité, il n’y ait plus de places pour tous.