Sep 17 2009

Projet de loi autorisant la ratification de la convention sur les armes à sous-munitions

En tant que rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les armes à sous-munitions ont provoqué, dans tous les pays où elles ont été utilisées, des dommages humanitaires considérables, disproportionnés au regard de leur justification militaire.

En raison notamment de leur manque de fiabilité, elles ont laissé dans les zones de conflits des millions de sous-munitions non explosées qui constituent, pour les populations civiles, des années encore après la fin des hostilités, une source permanente d’accidents graves et souvent mortels, avec malheureusement une forte proportion d’enfants parmi les victimes.

En dépit de la mobilisation croissante de l’opinion publique et de nombreux États, les armes à sous-munitions ont fait de nouvelles victimes au cours de ces dernières années, que ce soit en Irak, en 2003, au Liban – plus de 3 millions de sous-munitions en août 2006 ! – ou en Géorgie, en août 2008. L’adoption d’une convention sur les armes à sous-munitions constitue donc une étape extrêmement importante pour le renforcement du droit international humanitaire.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat était particulièrement sensibilisée à ce sujet, puisque, voilà trois ans déjà, elle avait chargé Jean-Pierre Plancade et moi-même de présenter le premier rapport d’information parlementaire, qui reste d’ailleurs le seul à ce jour, consacré aux armes à sous-munitions et au lourd bilan humanitaire de leur utilisation.

Permettez-moi d’ajouter que l’aboutissement de cette convention représente également pour moi une immense satisfaction personnelle, ayant été témoin des conséquences dramatiques de l’emploi de ces armes ignobles et des différentes étapes qui, depuis la conférence initiale d’Oslo, en février 2007, ont conduit à son adoption par près d’une centaine d’États, le 3 décembre 2008, dans cette même capitale.

L’élaboration d’un instrument international spécifique sur les armes à sous-munitions apparaissait indispensable. Depuis plusieurs années, et en dépit des efforts de pays comme la France, les enceintes internationales traditionnelles chargées du désarmement demeuraient paralysées, sur cette question, par de fortes divergences entre États.

Le mérite du processus d’Oslo aura été de dépasser ces blocages et de déboucher, dans des délais particulièrement rapides, sur un texte qui, même s’il n’est, hélas ! toujours pas signé par un certain nombre d’États, constitue déjà une norme de référence et a suscité une dynamique internationale extrêmement positive.

Les organisations humanitaires internationales ont joué, il faut le souligner et leur rendre hommage, un rôle moteur dans le lancement de ce processus et son aboutissement. Je souhaite saluer, en particulier, les efforts de ICBL et de Handicap international, dont certains responsables se trouvent aujourd’hui dans nos tribunes.

Je ne détaillerai pas les différents points de la convention, qui sont explicités dans le rapport que j’ai soumis avant-hier à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Je voudrais simplement souligner quelques-uns de ses aspects les plus significatifs.

Premièrement, les États signataires se sont accordés sur une définition commune des armes à sous-munitions devant être prohibées. Ce n’était pas chose facile, étant donné la grande variété de ce type d’armements. Je crois que cette définition permet de couvrir toutes les armes qui font courir un grave danger aux populations civiles, notamment après les conflits. Les exceptions demeurent extrêmement limitées et obéissent à des caractéristiques précises et très exigeantes.

Deuxièmement, la convention impose une interdiction immédiate, sans restriction ou possibilité de période transitoire, de la production, de la détention, des transferts et de l’emploi de ces armes.

Troisièmement, l’obligation de destruction dans le délai de huit ans prémunit contre les risques qui résulteraient du maintien de stocks importants et garantit que ces armes ne pourront pas alimenter des circuits parallèles.

Enfin, la convention insiste sur la responsabilité à l’égard des victimes et des zones polluées par des sous-munitions non explosées. Elle pose le principe de l’assistance internationale aux pays touchés, dont nous savons qu’ils ont rarement les moyens de faire face aux lourds problèmes économiques et sociaux engendrés par ces armes.

La France a été un acteur très important de la conclusion de la convention d’Oslo. Nous avions dressé dans notre rapport d’information, en décembre 2006, un état des lieux précis de la politique française en matière d’armes à sous-munitions, qu’il s’agisse de la production, de l’acquisition, de l’emploi de ces armes par nos armées ou de leur exportation vers des pays étrangers. Il en ressortait, pour le passé, un constat de très grande retenue de notre pays dans ces différents domaines, comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre, et, pour le futur, la perspective d’un rôle plus réduit encore de ces armements dans notre appareil de défense, puisqu’aucun de ce type n’était en production ou en projet.

En ratifiant la convention d’Oslo, la France devra renoncer à deux armements : le lance-roquette multiple, dont notre rapport avait préconisé le retrait et dont le remplacement est prévu par la loi de programmation militaire, et l’obus d’artillerie OGR. Le missile de croisière Apache et l’obus Bonus sont, en revanche, conformes à la convention.

Je crois qu’il faut souligner l’effort important que représente la mise en œuvre de la convention, puisque le coût des opérations de destruction est évalué entre 30 millions et 60 millions d’euros.

Je voudrais, à cet instant, rendre hommage au rôle de la France, de son Président, qui avait pris position sur ce sujet avant même son élection, de son Gouvernement. Je salue plus particulièrement, monsieur le ministre, votre implication personnelle, votre volontarisme et votre détermination sans faille dans l’élaboration de cette convention. Ce fut un plaisir et un honneur d’être à vos côtés lors de la signature de cette convention à Oslo, en décembre dernier.

La France est traditionnellement très attachée au respect du droit international humanitaire. Toutefois, dans cette négociation, sa crédibilité tenait également à son statut de pays militairement significatif, tenu à des responsabilités internationales particulières et engagé sur de nombreux théâtres d’opérations extérieurs. Comme l’a souligné le Gouvernement, notre pays a ainsi pu jouer un rôle utile de liaison entre les préoccupations diverses qui animaient les participants au processus d’Oslo et favoriser un large consensus autour d’un texte équilibré. Il a démontré que l’on pouvait concilier les obligations de défense et les exigences humanitaires.

Comme je l’indiquais en introduction, la convention sur les armes à sous-munitions représentera une avancée majeure pour le droit international humanitaire. Néanmoins, la tâche restant à accomplir est considérable.

Tout d’abord, cela a été souligné, une quarantaine de pays militairement importants n’ont pas signé cette convention. C’est le cas des États-Unis, de la Russie, de la Chine, de l’Inde, du Pakistan, de la Turquie, de plusieurs pays d’Asie, d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient. Hélas, huit pays de l’Union européenne restent également, pour l’instant, hors de la convention.

Il ne faudra ménager aucun effort pour convaincre ces pays de se rallier au nouvel instrument international. Je sais, monsieur le ministre, que notre diplomatie s’y emploiera. Je pense qu’à travers nos contacts avec nos homologues étrangers, par exemple dans des enceintes telles que l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, nous pouvons également, en tant que parlementaires, agir dans le même sens.

Je suis néanmoins convaincue que, comme la convention d’Ottawa pour les mines antipersonnel, la convention d’Oslo constituera une norme humanitaire de référence, et que nombre d’États non signataires seront de ce fait dissuadés de recourir aux armes à sous-munitions.

Le second grand défi concerne l’assistance aux pays affectés et aux victimes. Du fait de la lenteur et du coût des opérations de dépollution, des menaces continuent de planer sur les populations civiles dans de nombreuses zones où des armes à sous-munitions ont été employées dans le passé. Le traitement et la réinsertion des victimes blessées ou handicapées représentent également une lourde charge. La mobilisation internationale ne peut se limiter à la condamnation des armes utilisées, elle doit aussi s’exercer en faveur de l’assistance et de la coopération.

Enfin, plus largement, les dégâts provoqués par les armes à sous-munitions ne doivent pas faire oublier toutes les autres circonstances dans lesquelles, malheureusement, les populations civiles sont aujourd’hui touchées par les conflits armés, menés par des forces régulières ou de guérilla. Il y a là aussi matière à rechercher, à l’échelon international, de nouveaux instruments de protection des populations civiles.

En conclusion, je voudrais me féliciter de la priorité donnée par notre pays à la ratification rapide de la convention d’Oslo. Déposé au mois de juin, ce projet de loi a pu être adopté par l’Assemblée nationale le 20 juillet, et figure à l’ordre du jour du Sénat dès le début de la session extraordinaire du Parlement. Si, comme je le souhaite ardemment, nous approuvons ce projet de loi aujourd’hui, cela permettra à la France de déposer d’ici à la fin du mois de septembre son instrument de ratification auprès du secrétaire général des Nations unies, à New York, et de contribuer ainsi à l’entrée en vigueur rapide d’une convention internationale qui marquera un très grand progrès pour la protection des populations civiles dans les conflits armés.

Mes chers collègues, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donné son approbation unanime à la convention sur les armes à sous-munitions. Elle vous demande, par mon intermédiaire, d’adopter ce projet de loi. (Applaudissements.)