Oct 06 2009

Pour la création d’une délégation parlementaire aux droits de l’enfant

Dans le but d’instituer au Sénat une délégation aux droits de l’enfant, en charge d’une veille législative et d’un suivi de toutes les questions ayant trait à l’évolution du statut des enfants et à leur protection, j’ai présenté aujourd’hui une proposition de loi.

La création d’une telle délégation répondrait à la préconisation du Comité des droits de l’enfant des Nations Unies, encore réitérée dans son rapport du 22 juin 2009, de voir la France se doter d’une « commission chargée des droits de l’enfant dans les deux chambres du Parlement ».

En effet, ni l’Assemblée nationale ni le Sénat ne disposent à ce jour d’un organe permanent dont la mission serait d’évaluer de façon systématique les politiques publiques et l’application des lois relatives à la promotion et à la protection de l’enfance, en proposant de nouvelles avancées en ce domaine. De surcroît, aucune des six commissions de l’Assemblée nationale ou du Sénat n’est véritablement en mesure de traiter de la question des droits de l’enfant dans sa globalité. Du fait de la nature transversale de ces questions et de la nécessité de porter sur elles un regard pluridisciplinaire, seule une délégation parlementaire serait à même de remplir cette fonction.

À titre de comparaison, la cause des femmes et de l’égalité des chances fait l’objet d’une délégation spécifique, alors même que de très nombreuses associations se sont depuis longtemps organisées pour défendre leurs intérêts. Les mineurs se trouvent, eux, dans une situation de vulnérabilité quasi absolue puisque, dans la plupart des cas, ils ne peuvent pas faire entendre directement leur voix, seuls les adultes étant véritablement en position de les défendre.

L’institution d’une délégation parlementaire aux droits de l’enfant est rendue d’autant plus urgente que le projet de loi organique relatif au Défenseur des droits est susceptible – s’il est accepté en l’état – de bouleverser le dispositif institutionnel en charge de la protection de l’enfance et de la promotion des droits des enfants. La création d’une délégation parlementaire aux droits de l’enfant permettrait de s’assurer que de l’intégration des responsabilités du Défenseur des enfants dans le périmètre du Défenseur des droits ne résulte pas une dilution des approches des problématiques liées à l’enfance. Les modalités de saisine du Défenseur des droits risquent en outre de l’amener à examiner et traiter en priorité des cas individuels, au détriment d’une vision plus globale des politiques ayant des conséquences sur les mineurs. Les enjeux de défense des intérêts des enfants ne peuvent être réduits à des recours a posteriori suite à la violation de leurs droits.

Ils comprennent une dimension importante de promotion de ces droits et de réflexion sur les mesures adéquates à prendre à cet égard. Une délégation parlementaire contribuerait également à veiller à la bonne application du cadre légal existant, ce qui apparaît essentiel à l’heure où la Cour des Comptes s’alerte d’une mauvaise application de la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance et où se profile une réforme de la justice des mineurs. Elle pourrait aussi pousser à une meilleure coordination des nombreux acteurs en jeu, notamment en ce qui concerne le recueil d’informations statistiques sur l’enfance en danger.

De surcroît, une telle délégation permettrait de mieux prendre en compte la dimension de plus en plus internationale de la protection de l’enfance. La concertation entre parlementaires de plusieurs pays serait notamment essentielle pour lutter plus efficacement contre les trafics d’enfants et les déplacements ou rétentions illicites d’enfants à l’étranger. Elle pourrait également contribuer à la réflexion sur les problématiques des familles binationales et à la protection de nos jeunes concitoyens établis hors de France et pouvant eux aussi être victimes de pauvreté et de maltraitance.

Plusieurs propositions de loi visant à la création d’une délégation parlementaire ont été déposées dans les législatures précédentes, et l’une d’elles fut adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale en 2003 (texte transmis au Sénat n° 180, 2002-2003). Le Sénat avait alors refusé d’accepter cette idée, de peur de trop accroître le nombre des commissions et délégations. Le contexte institutionnel français et international a évolué et les problématiques liées aux droits de l’enfant n’ont jamais été aussi prégnantes et complexes. Tout cela rend indispensable la création d’une commission, ou tout au moins d’une délégation, qui puisse se consacrer à ces questions avec un maximum d’efficacité.

En cette année du 20e anniversaire de la Convention des droits de l’enfant – que la France avait été l’un des premiers pays à ratifier – ce serait une occasion de prouver la réalité de l’engagement de la France en faveur des droits de l’enfant. Cela constituerait aussi un grand pas vers la systématisation de l’évaluation de tous les projets politiques du Gouvernement à l’aune de l’intérêt supérieur de l’enfant et de la conception de l’enfant en tant que sujet de droit. Si l’enfant est incontestablement l’élément fondamental de notre société, en ce qu’il en incarne l’avenir, il mérite assurément que lui soit voué un égard tout particulier.