Une proposition de loi tendant à autoriser les consommateurs finals domestiques d’électricité et les petites entreprises à retourner au tarif réglementé d’électricité a été présentée aujourd’hui. Je l’ai cosignée.
L’article 1er de la loi du 21 janvier 2008 a donné au consommateur final domestique d’électricité ayant exercé son éligibilité, c’est-à-dire ayant fait le choix de la concurrence pour son approvisionnement énergétique, de revenir sous certaines conditions au tarif réglementé de vente d’électricité.
Ce dispositif, malgré sa complexité, a permis d’instaurer une certaine confiance dans le marché. Le consommateur qui change de fournisseur pour une offre à prix de marché a le confort de savoir qu’il peut revenir à un système connu. C’est le principe de réversibilité.
La réversibilité est définie par l’ERGEG (groupe des régulateurs européens pour l’électricité et le gaz) comme la possibilité pour les consommateurs qui ont opté pour une offre à prix de marché de revenir à une offre à un tarif réglementé, qu’il s’agisse ou non du même site de consommation, avec ou sans période minimale pendant laquelle ce retour ne serait pas autorisé.
En l’état actuel de la loi, la réversibilité totale en électricité pour les consommateurs finals domestiques prendra fin le 30 juin 2010. Or, cette date est de facto avancée par le délai minimal de six mois entre deux changements, ce qui risque de freiner le développement des offres de marché en début d’année 2010. Ce délai avait été instauré à l’origine afin d’éviter une instabilité juridique et des effets d’aubaines. Il doit d’ailleurs être maintenu toujours dans l’optique de garantir de la visibilité et de la stabilité, tant du côté des entreprises publiques de distribution que des fournisseurs d’électricité.
Cependant, la fin de la réversibilité au 1er juillet 2010 pèse tant sur la visibilité des opérateurs que sur le choix des consommateurs. Dans son rapport d’activité pour 2008, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) a ainsi attiré l’attention du législateur « sur la nécessité, à l’instar de ce qui se pratique dans les autres États membres concernés, de maintenir le principe de réversibilité sur le segment des consommateurs résidentiels tant que coexisteront des offres à prix de marché et des offres aux tarifs réglementés de vente ».
Selon un rapport de l’ERGEG publié en mars 2009, au 1er juillet 2008, la réversibilité totale était en vigueur dans presque tous les États membres de l’Union européenne où coexistent des tarifs réglementés et des prix de marché en électricité et en gaz pour les clients résidentiels. Jusqu’en janvier 2008, la France constituait une exception en Europe en n’appliquant pas le principe de réversibilité pour les clients résidentiels, ni en électricité, ni en gaz. La loi du 21 janvier 2008 a permis de remédier en partie à cette situation.
Si les tarifs réglementés de vente font aujourd’hui l’objet de procédures contentieuses de la part de la Commission européenne, le droit communautaire n’évoque toutefois à aucun moment la réversibilité. La Commission européenne n’a d’ailleurs engagé aucune procédure à l’encontre des États membres qui pratiquent la réversibilité totale. Le troisième paquet Énergie récemment adopté laisse d’ailleurs la possibilité du maintien des tarifs réglementés, dès lors qu’ils sont justifiés, notamment à l’adresse des clients vulnérables et des PME, comme le prévoient les directives européennes.
Enfin, tant que coexisteront des offres au tarif réglementé et des offres de marché, la possibilité de revenir aux tarifs réglementés après avoir fait jouer la concurrence, permet de lever le frein psychologique qui pèse sur le choix des consommateurs lorsqu’ils décident de souscrire une offre au prix de marché auprès d’un fournisseur alternatif. Le consommateur peut ainsi aller et venir à sa guise entre le secteur réglementé et le marché concurrentiel. En élevant le degré de concurrence sur le marché, les effets de la réversibilité sont clairement en phase avec les exigences communautaires.
La réversibilité est donc bénéfique pour les consommateurs, et propice au développement de la concurrence sur le marché, et à la multiplication des offres innovantes, avec de nouveaux services, pour des catégories de consommateurs spécifiques.
Une telle amélioration ne pourrait que rendre plus satisfaisante la situation du marché français aux yeux de la Commission européenne lors des négociations avec la France sur l’organisation de son marché de l’électricité dans les prochains mois. Reste que pour être euro-compatible, la réversibilité totale doit être limitée aux seuls consommateurs résidentiels et aux petites entreprises et accompagnée de conditions qui permettent le développement d’offres concurrentielles, à l’instar des recommandations émises par la Commission Champsaur sur l’organisation du marché de l’électricité.
Pour ces motifs, il est proposé à la fois de pérenniser l’existence de tarifs réglementés de vente d’électricité et de stimuler la concurrence, au bénéfice des petits consommateurs, en maintenant et simplifiant l’exercice de la réversibilité sur le marché de l’électricité.
L’article unique de la présente proposition de loi, dans son I, posera désormais le principe que les clients résidentiels et les entreprises employant moins de 50 personnes et dont le chiffre d’affaires annuel ne dépasse pas 10 millions d’euros, pourront à leur demande bénéficier des tarifs réglementés.
Le choix de fixer un plafond au chiffre d’affaires des entreprises pouvant bénéficier de nouveau du tarif réglementé de vente vise directement à prendre en compte la spécificité économique de ces structures et la nécessité de les protéger, en leur faisant bénéficier des règles de protection du consommateur identiques à celles des particuliers.
Le II de cet article leur permettra également de bénéficier des tarifs réglementés pour un nouveau site de consommation et le III leur permettra, sous réserve de l’expiration d’un délai de six mois, de revenir aux tarifs réglementés de vente d’électricité.