Madame le ministre d’État, permettez-moi tout d’abord de vous exprimer à mon tour ma satisfaction de voir pour la toute première fois une femme à la tête du Quai d’Orsay.
Votre nomination constitue un beau témoignage de l’évolution de votre ministère, qui s’emploie à tous les échelons à diffuser l’image d’une France dynamique, ouverte sur le monde et pionnière sur tous les grands enjeux de notre temps.
Nous comptons sur vous pour aider notre pays à développer son action en préservant au mieux son budget et pour défendre au mieux les intérêts de nos compatriotes expatriés.
Je note beaucoup d’éléments positifs dans le projet de budget qui nous est présenté cette année. Malgré les indispensables restrictions budgétaires, le budget global de la mission « Action extérieure de l’État » progresse de près de 5 % et la dotation du programme 151 augmente de près de 5,5 %.
Cet accroissement permettra de développer le service public en faveur de nos compatriotes expatriés, ce qui s’inscrit parfaitement dans la volonté du Gouvernement de rapprocher les citoyens de leur administration, ainsi que l’a récemment rappelé M. le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale.
L’enjeu est de taille. En expatriation, plus encore qu’en métropole, l’accès à l’information est vital. Je pense bien sûr aux situations de catastrophe naturelle ou de crise politique, mais aussi, comme cela a été rappelé lors du débat sur les retraites, à l’importance pour les expatriés d’être informés des conséquences de leur expatriation en matière de droits sociaux, afin de mettre en place des stratégies de prévoyance, ou encore aux parents confrontés à un conflit avec leur ex-conjoint au sujet de l’attribution de l’autorité parentale. En l’occurrence, la méconnaissance du droit international et des dispositifs institutionnels peut conduire à des erreurs dramatiques.
Une véritable campagne de communication doit être menée sur le sujet. À cet égard, je salue l’engagement du personnel du Quai d’Orsay.
Je voudrais souligner aussi le rôle encore trop méconnu, y compris parmi nos communautés expatriées, des élus de l’Assemblée des Français de l’étranger, l’AFE. Ils constituent un maillon essentiel pour assurer la transmission des informations au sein des multiples réseaux qui structurent notre diaspora, dont de nombreux membres n’entretiennent – hélas ! – pas ou peu de relations avec les consulats.
L’enveloppe allouée à l’AFE, à la télé-administration et aux services administratifs ne représente que 3,9 % des crédits du programme 151. Son renforcement pourrait permettre d’accroître l’efficacité de ces ressources, encore insuffisamment mobilisées.
Il nous faut absolument mobiliser nos réseaux à l’étranger, car ils constituent un vivier de compétences et d’expertise qui mériterait d’être mieux utilisé au service du rayonnement économique, stratégique et culturel de la France, et ce pour un coût quasi nul.
Les conseillers à l’AFE constituent le support irremplaçable de la mobilisation de ces ressources, mais ils ont besoin que leur rôle soit mieux accepté et promu localement par le réseau diplomatique et consulaire.
La double échéance électorale de 2012 constitue un bon levier pour mobiliser et stimuler nos compatriotes, mais c’est dès maintenant que nous devons y travailler. Je me réjouis qu’un vrai budget de près de 600 000 euros soit enfin alloué à la mise à jour des listes électorales, au financement de campagnes d’information et à l’amélioration des procédures de vote par correspondance. Par ailleurs, une somme d’un million d’euros sera consacrée à l’amélioration des conditions de mise en œuvre du vote électronique.
L’enseignement est évidemment un autre enjeu majeur pour nos compatriotes vivant à l’étranger. L’AEFE joue un rôle essentiel dans la formation des élites internationales et françaises et consolide notre influence dans plus de 130 pays. Il est indispensable de lui donner les moyens de poursuivre cette double mission. Nous y reviendrons lors de l’examen des amendements.
Mais deux tiers des élèves français résidant à l’étranger et nombre d’étrangers francophones n’ont pas accès à ces établissements d’excellence. Notre stratégie de diffusion de l’enseignement en français et « à la française » doit mieux les intégrer.
Cela passe par un appui renforcé aux petites écoles de français langue maternelle, ou FLAM, par la labellisation de cursus francophones au sein d’établissements étrangers, par l’envoi de volontaires internationaux dans ces structures en soutien à la francophonie et par le développement de la diffusion audiovisuelle en français dans les médias étrangers.
Le financement de telles actions est actuellement dispersé entre de multiples lignes budgétaires, et il est notamment menacé par la diminution de 17,4 % des crédits d’intervention du programme 185.
Madame le ministre d’État, je voudrais vous exhorter à travailler avec nos partenaires francophones dans les pays étrangers – je pense bien sûr au Québec – pour coordonner nos actions en la matière.
La proposition que j’avais formulée à cette même tribune au mois de décembre 2005 me semble plus que jamais d’actualité : une fondation pour la présence française à l’étranger favoriserait le développement des initiatives et de financer ces actions, que le budget de l’État ne peut plus réellement prendre en charge dans divers domaines. Cette structure pourrait s’appuyer sur des branches de droit local permettant aux expatriés de profiter de conditions de fiscalité avantageuses sur les dons et legs dans différents pays.
Ma principale réserve sur le budget qui nous est présenté aujourd’hui concerne l’aide sociale. En effet, si les crédits du pôle social augmentent très légèrement, c’est surtout du fait d’un élargissement de son périmètre.
La troisième catégorie de la CFE, la Caisse des Français de l’étranger, qui concernait 3 744 adhérents en 2009, est indispensable. Pour autant, le débat sur son financement ne doit pas éluder la réflexion sur les autres dispositifs d’aide sociale.
Alors que la population française à l’étranger continue d’augmenter de 3 % à 4 % par an, les crédits dévolus aux sociétés françaises de bienfaisance, centres médico-sociaux et autres organismes d’assistance diminuent. Pourtant, nous devrions soutenir ces structures et les encourager à accroître la portée de leur action avec des partenariats privés. Je pense par exemple à une maison de retraite qui a été ouverte au Paraguay.
Les 16 millions d’euros d’aide aux personnes alloués via les comités consulaires pour la protection et l’action sociales ne suffisent pas à couvrir les besoins de nos compatriotes de l’étranger âgés ou handicapés ou confrontés à des situations de détresse ponctuelle. Nous devons y remédier.
Je rappellerai que le coût mensuel moyen est de 258 euros par bénéficiaire, à comparer aux 677 euros mensuels versés au titre de l’allocation de solidarité aux personnes âgées en France.
La réticence à permettre à la solidarité nationale de s’étendre à nos compatriotes de l’étranger est profondément ancrée en métropole, comme en atteste la récente polémique sur la fiscalité des Français de l’étranger.
(…)
Il est de notre devoir de faire évoluer les mentalités, afin que nos expatriés soient considérés comme des membres à part entière de la nation.
Nonobstant cette mise en garde, je voterai ce budget, qui va dans la bonne direction, même si je souhaiterais qu’il soit plus important.