Juil 13 2011

Vote de la loi sur l’utilisation des réservistes en cas de crise majeure

Dans le cadre du vote de la loi sur l’utilisation des réserves civiles et militaire en cas de crise majeure, je suis intervenue en séance pour défendre ce texte dont je suis co-auteur avec le sénateur socialiste Michel Boutant. Le Sénat a adopté ce texte à l’unanimité moins les voix communistes.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais moi aussi remercier chaleureusement M. Josselin de Rohan pour son action, son immense travail à la tête de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, ses engagements toujours désintéressés au service de l’État ainsi que pour sa rigueur, sa finesse d’analyse et son humanité.

Je tiens à le remercier plus spécifiquement aujourd’hui pour le soutien et les encouragements qu’il a toujours prodigués à mon excellent collègue Michel Boutant et à moi-même lors de la préparation de notre rapport sur l’utilisation des réserves civiles et militaires en cas de crise majeure, rapport ayant abouti à cette proposition de loi, qui, je l’espère en tant que coauteur, sera définitivement adoptée à l’issue de notre séance, en cette fin de session parlementaire et à la veille de notre fête nationale.

Je voudrais également remercier l’ensemble de nos nombreux interlocuteurs, aux profils extrêmement riches et variés, à l’image des réservistes : responsables du SGDSN – je les remercie tout particulièrement –, membres de l’administration et d’associations, officiers supérieurs, réservistes citoyens, mais aussi plus largement tous ces réservistes qui s’engagent au quotidien au service de notre pays avec un désintéressement qui les honore.

Dix ans après la réforme des réserves militaires, ce rapport s’imposait pour dresser un état des lieux des dispositifs des réserves, qui sont aujourd’hui multiples et, reconnaissons-le, pas toujours aisés à appréhender.

Notre objectif était donc double : d’une part, analyser les dispositifs existants en vue d’améliorer leur articulation et, in fine, leur efficacité et leur réactivité en cas de crise majeure ; d’autre part, réfléchir aux moyens d’une montée en puissance des réserves, outils indispensables de la gestion des crises.

Faute d’avoir réellement intégré les réserves à sa planification stratégique, la France est aujourd’hui très en retard, nous le savons, sur d’autres pays comme les États-Unis.

L’actualité de ces dernières années illustre l’évolution des risques et l’impérieuse nécessité d’adapter nos méthodes pour y faire face. Ce constat est déjà présent dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, mais celui-ci a surtout insisté sur le renforcement des capacités militaires de réaction. Or qu’il s’agisse de risques terroristes, de pandémies, de catastrophes naturelles, de crises politiques et humanitaires ou d’accidents technologiques majeurs, comme l’explosion d’AZF à Toulouse il y a dix ans ou une catastrophe nucléaire du type de Fukushima, il est indispensable de compter sur d’autres ressources que l’armée professionnelle. Pourquoi ?

Premièrement, parce qu’il est indispensable, pour une réaction rapide et efficace à la crise, de mobiliser un large nombre de personnes compétentes, en appui de notre armée, qui, en se professionnalisant, est devenue moins nombreuse.

Dans les toutes premières heures, le risque de saturation des capacités de réaction est important et, à condition que les réservistes aient été formés en conséquence, leur implication peut être décisive. La contribution des réservistes peut également être précieuse lorsque la gestion de la crise s’étend dans le temps et qu’une relève devient nécessaire. D’autant que l’enjeu n’est pas seulement de remédier rapidement aux conséquences directes d’une crise majeure, il est aussi de permettre à l’État de continuer à fonctionner malgré ces circonstances difficiles.

Deuxièmement, parce que les réservistes sont susceptibles d’apporter des compétences spécifiques pointues dont ne dispose pas forcément l’armée, ou pas en nombre suffisant. Je pense, par exemple, à la réserve sanitaire, composée de professionnels de santé retraités et d’étudiants des filières médicales et paramédicales, dont le rôle pourrait être déterminant pour gérer les conséquences d’une épidémie. Mais celle-ci demeure pour l’instant trop embryonnaire.

Troisièmement, parce que le développement d’une réserve civile nationale permettra un meilleur maillage géographique de notre territoire ainsi que de nos communautés à l’étranger. En cas de crise majeure, il est essentiel de pouvoir mobiliser des réservistes non seulement formés aux méthodes et aux systèmes français de réaction, mais disposant aussi d’une excellente connaissance du terrain et des ressources humaines et matérielles locales. Cela facilitera l’interaction avec la population civile sur place. De la coopération de ces personnes – ressources locales – avec les autres forces de réaction professionnelles, notamment militaires, dépend donc très largement l’efficacité et la réactivité de la gestion de la crise.

Cette dimension me semble particulièrement importante en matière de gestion des crises à l’étranger, qui exigent de la France à la fois de protéger et d’aider ses propres ressortissants et, le cas échéant, d’aider l’État étranger à faire face à la crise.

Le centre de crise placé sous l’égide du ministère des affaires étrangères a fait de très importants progrès dans le renforcement des dispositifs de sécurité et d’îlotage, mais beaucoup reste encore à faire. Cela pourrait notamment se traduire par la mise en place d’un dispositif de réserve citoyenne. Ce dispositif pourrait inspirer l’évolution des réserves sur le territoire français ; il gagnerait aussi à s’articuler à une réserve de sécurité nationale réformée.

Nous avons aujourd’hui à la fois trop de réservistes au regard de leurs temps effectifs consacrés à la réserve et trop peu de capacité à mobiliser en urgence des réservistes suffisamment entraînés. Ce décalage est largement lié au manque de reconnaissance de l’engagement dans les réserves. Ce don de temps, ce don de compétences professionnelles, ce don de soi, se vit pour l’instant quasiment dans la clandestinité !

Il est urgent de trouver des moyens pour que la réserve bénéficie d’autres promotions ou encouragements au sein de notre société que celle du « label », qui, du reste, n’a pas donné de résultats probants. À cet égard, je regrette, moi aussi, que le dispositif relatif au mécénat n’ait pas été retenu pour les entreprises qui emploient des réservistes, même si j’en comprends les raisons.

Mettre l’accent sur la formation, instaurer des rendez-vous périodiques, mieux valoriser les actions réalisées est aujourd’hui indispensable.

Alors que certaines réserves sont désormais accessibles à tout civil, il importe aussi d’informer nos concitoyens de cette possibilité de concrétiser leur soif de civisme et d’engagement, car, pour l’instant, l’existence des réserves demeure encore trop confidentielle.

Il est enfin nécessaire de mieux identifier les réservistes de manière à pouvoir à tout moment reconnaître les talents et les compétences disponibles en un point géographique précis.

L’actualité nous y presse ; il est urgent de mettre en place une véritable politique favorisant l’essor de réserves opérationnelles.

L’aboutissement de la proposition de loi est le fruit du leadership de notre président ainsi que d’un consensus au sein de notre commission et avec les députés. Ce texte est l’illustration du travail de concertation réalisé en amont, mais surtout de la prise de conscience de l’impérieuse nécessité de légiférer en la matière.

C’est un premier pas que nous franchissons aujourd’hui. En réponse à votre appel, cher président de Rohan, je voudrais prendre ici l’engagement personnel, si je suis réélue au Sénat au mois de septembre, de tout mettre en œuvre pour que les conditions soient réunies et les instruments mis en place au plus vite, afin que nos concitoyens puissent disposer d’une réserve et de réservistes qui soient pleinement engagés, réactifs, reconnus et efficaces. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – MM. Jean-Marie Bockel et Michel Boutant applaudissent également.)