En 2010, 700 000 personnes environ, soit plus de 1 % de la population française, étaient placées sous un régime de protection juridique. Il faut ajouter à ce chiffre les 67 000 adultes relevant d’une mesure de tutelle aux prestations sociales. La forte croissance du nombre des majeurs protégés (+ 100 000 entre 2007 et 2010) s’explique notamment par l’allongement de l’espérance de vie et le vieillissement corrélatif de la population.
La protection des majeurs est reconnue à l’article 415 du code civil comme « un devoir de la famille et de la collectivité publique ». Ainsi, 55 % des mesures de protection civile sont exercées par les familles, 36 % par les associations tutélaires et 9 % par les mandataires judiciaires à la protection des majeurs.
Depuis le 1er janvier 2009, date d’entrée en vigueur de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, le juge peut confier l’exercice des mesures de protection à un mandataire judiciaire à la protection des majeurs inscrit sur une liste établie par le préfet de département. Cette nouvelle profession de mandataire judiciaire a remplacé celle de gérant de tutelle privé.
Un des objectifs de la loi de 2007 était de créer un statut véritablement homogène pour tous les mandataires judiciaires à la protection des majeurs, au moins en ce qui concernait l’exercice de leur activité, la qualité de leurs prestations et les droits de leurs usagers. La loi a ainsi défini le rôle des mandataires judiciaires à la protection des majeurs (article L. 461-1), innovation importante dans la mesure où aucune définition générique de la profession n’existait jusque là.
Lors des travaux préparatoires de la loi de 2007, certains magistrats ont exprimé leur désaccord sur l’exclusivité laissée aux préfets de département pour la centralisation des demandes d’agrément ou d’autorisation des personnes ou services désireux de devenir mandataires judiciaires à la protection des majeurs. Ils estimaient en effet qu’il aurait été préférable de prévoir un agrément au niveau national, afin d’assurer un meilleur contrôle et un traitement égal des demandes.
Cette proposition vise à répondre à cette attente en créant un ordre professionnel des mandataires judiciaires à la protection des majeurs.
L’ordre professionnel est, selon les termes de Gérard CORNU dans son Vocabulaire Juridique, un « organisme de caractère corporatif institué par la loi au plan national et regroupant obligatoirement les membres d’une profession libérale qui exerce, outre une fonction de représentation, une mission de service public consistant dans la règlementation de la profession et dans la juridiction disciplinaire sur ses membres ».
Ainsi en France, l’exercice de certaines professions est soumis à la possession d’un diplôme. Il revient aux ordres professionnels de les contrôler et d’établir la liste des titulaires habilités à exercer les professions relevant de leur ordre.
Ce contrôle de la capacité d’exercice est la première mission d’un ordre professionnel et il semble indispensable que l’accès à une profession telle que celle de mandataire judiciaire à la protection des majeurs soit justement validé par des professionnels. Ce contrôle se justifie par l’importance des enjeux en question : santé publique, droit à se défendre devant une juridiction, aménagement du territoire.
La seconde mission des ordres professionnels consiste en un arbitrage des conflits internes à la profession, ce qui leur permet d’acquérir une compétence juridictionnelle. Dans un souci de transparence, et parce qu’ils agissent auprès d’une population vulnérable, il serait important que l’activité des mandataires judiciaires à la protection des majeurs puisse faire l’objet de contrôles réguliers.
L’absence de statut officiel de la profession de mandataire judiciaire à la protection des majeurs, alors même que ces mandataires effectuent une mission de service public, obère leur représentativité au plan national et auprès des pouvoirs publics. Doter cette profession d’une représentation et d’une déontologie dignes de son rôle central semblerait donc particulièrement opportun. Une première étape serait une reconnaissance claire par l’État de la mission de service public exécutée par les mandataires judiciaires à la protection des majeurs.
La création d’un ordre professionnel des mandataires judiciaires à la protection des majeurs permettrait en outre d’accroitre leur visibilité auprès du public concerné, en structurant une profession jusque-là peu organisée et divisée. Se prenant en charge elle-même, la profession optimiserait son efficacité, sa déontologie et sa représentativité.