Nov 25 2011

Budget de l’Audiovisuel Extérieur de la France (PJLF 2012)

Extrait du compte-rendu intégral du 25 novembre 2011 :

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour l’audiovisuel extérieur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais saluer l’initiative de la commission des affaires étrangères d’instituer un binôme pour les rapports budgétaires.

Je me réjouis d’avoir pu travailler en parfaite intelligence avec mon corapporteur pour avis Yves Rome. Nos points de vue ont d’ailleurs convergé sur un grand nombre de points, même si nos prises de position se sont séparées au moment de la décision finale. En effet, la commission des affaires étrangères a émis, vous le savez, un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

L’absence de conclusion du contrat d’objectifs et de moyens entre l’État et la holding en charge de l’audiovisuel extérieur de la France a été, à mon sens, la pierre angulaire du raisonnement qui a conduit à ce rejet. Le président d’AEF a tenté devant nous de minimiser l’ampleur de ce désaccord en le résumant à de petites difficultés ponctuelles. Pourtant, après avoir écouté le point de vue de l’État, on peut se demander si l’absence de contrat d’objectifs et de moyens ne doit pas être imputée à une divergence bien plus profonde sur la stratégie et la trajectoire financière de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France.

Beaucoup de critiques, parfois injustes, ont ainsi été adressées à AEF et à l’État. Je tiens cependant à rappeler plusieurs éléments de contexte que l’on ne peut pas, et que l’on ne doit pas, ignorer.

On recense aujourd’hui plus de 27 000 chaînes de télévision dont 57 chaînes d’information. Qui pourrait croire qu’une nouvelle réorganisation de l’audiovisuel extérieur pourrait permettre, par un simple « coup de baguette magique », de diminuer une pression concurrentielle inédite, qui rend plus difficile que jamais l’accès aux ressources publicitaires ? Ces réalités s’imposent non seulement à l’AEF, mais aussi à l’audiovisuel extérieur de nos principaux partenaires européens.

J’ajoute qu’il faut être attentif aux réflexions en cours, menées notamment à l’Assemblée nationale : ne risquent-elles pas de nous faire revenir en arrière en dispersant des entités que l’on a légitimement voulu regrouper pour leur donner une cohérence d’ensemble et une véritable lisibilité ?

Enfin, le rôle de l’État dans cette affaire est difficile. Voyez le tollé qui s’élève lorsqu’il est soupçonné d’intervenir dans l’audiovisuel, alors que, dans le même temps, nous le savons, il serait totalement irresponsable de laisser indéfiniment croître les financements publics.

Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis, à titre personnel, favorable au vote de ce budget. L’arrêt de l’augmentation des crédits accordés à AEF me paraît légitime et raisonnable, l’institution devant entrer aujourd’hui dans un rythme de croisière après plusieurs années d’investissements très importants liés au lancement de France 24. Pour autant, j’estime nécessaire de réfléchir à certains ajustements.

Je commencerai par relever ce qu’il ne faut pas faire.

Il est impératif de veiller à ce que les économies budgétaires ne portent pas préjudice au cœur de métier d’AEF. En particulier, le budget de diffusion doit être maintenu. Je réfute donc la préconisation de l’Inspection générale des finances de diminuer les crédits de diffusion de TV5 Monde.

M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis. Très bien !

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur pour avis. Il ne faut pas de bouleversement institutionnel non plus, mais il nous faut veiller à ce que TV5 Monde et RFI ne sortent pas affaiblies de la réforme en cours. Je voudrais d’ailleurs appeler votre attention sur un amendement que je présenterai visant justement à défendre TV5 Monde face à certaines dispositions nocives. Je rappelle que cette chaîne, généraliste et francophone, est un atout considérable pour l’influence de notre pays et de notre culture. En Asie, par exemple, si TV5 Monde est la seule chaîne francophone à être diffusée, c’est parce qu’elle est internationale et généraliste.

S’agissant de France 24, autant il me semblait essentiel d’avoir une chaîne arabophone, dont l’impact a été aussi important que positif pendant ce qu’on a appelé les « printemps arabes », autant je suis un peu plus dubitative quant à la nécessité de la diffuser en anglais, surtout si, comme j’ai pu le constater à de nombreuses reprises, le rôle de la France n’y est pas suffisamment valorisé. Pourtant, cela devrait être sa mission première.

Le recours accru au sous-titrage d’émissions me paraît devoir être exploré. À cet égard, je m’interroge sur l’idée reçue selon laquelle les Anglo-Saxons ne regardent pas les émissions sous-titrées.

France 24 doit proposer une analyse et un regard français sur le monde, mais elle doit aussi favoriser la diffusion de notre langue et l’envie de la pratiquer. La défense du plurilinguisme est essentielle ; elle s’inscrit aussi dans la perspective de la défense de la diversité culturelle, valeur phare de la francophonie et de la construction européenne.

M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis. Très bien !

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur pour avis. Ainsi, si les contraintes budgétaires ont conduit à une diminution du nombre de langues utilisées par RFI, il semble important d’arrêter ces suppressions et de nous donner les moyens de lancer rapidement une diffusion dans une nouvelle langue, si celle-ci peut nous aider à faire passer certains messages et certaines valeurs.

La limitation à cinq minutes du temps de parole qui m’est accordé m’oblige à terminer mon propos par une remarque qui m’est personnelle, mais qui a fait l’objet d’un accord quasi unanime au sein de la commission des affaires étrangères.

Manifestement, la conduite de l’audiovisuel extérieur n’est pas simple. Il faut retenir les leçons du passé : la multi-tutelle s’accompagne souvent d’effets contre-productifs.

Monsieur le ministre, cela me gêne de dire cela devant vous – j’espère que vous ne m’en voudrez pas –, mais, pour clarifier la mission de l’audiovisuel extérieur de la France, la priorité doit à mon sens être accordée au ministère des affaires étrangères et européennes, afin d’inscrire AEF dans une modernité attentive et réactive, notamment en matière de cohérence, de lisibilité, d’adaptabilité et de choix stratégiques. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

Réponse du Ministre :

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, dotée de 4,6 milliards d’euros pour 2012, la mission « Médias, livre et industries culturelles » se veut réaliste et à même d’accompagner les objectifs du secteur. Il s’agit ainsi de mener des chantiers majeurs, comme la réforme des aides à la presse, les nouveaux contrats d’objectifs et de moyens de France Télévisions et d’Arte, ou encore la réforme de l’audiovisuel extérieur de la France.

Le budget de la culture et de la communication participe bien évidemment aux mesures d’économies supplémentaires de 1,5 milliard d’euros annoncées par le Premier ministre. L’effort dans le secteur des médias s’élève ainsi à 20 millions d’euros de crédits budgétaires et à 2 millions d’euros sur les taxes affectées. La contribution des organismes de l’audiovisuel public se répartit entre France Télévisions – 15 millions d’euros –, Radio France – 2 millions d’euros –, l’INA – 1 million d’euros –, AEF – 1 million d’euros – et Arte – 1 million d’euros. J’ai veillé à ce que la participation de ces organismes à l’effort national d’économies ne remette en cause – j’insiste sur ce point, madame Cukierman et monsieur Assouline – ni l’économie de leur contrat d’objectifs et de moyens ni la mise en œuvre de leurs missions.

Le secteur culturel et audiovisuel est par ailleurs concerné, comme la plupart des secteurs de notre économie, par le relèvement du taux réduit de TVA. Je veillerai à ce que nous soyons très attentifs aux effets de cette mesure sur les industries et entreprises concernées, et d’autant plus présents auprès d’elles. Je pense en particulier à la librairie, qui ne doit pas pâtir de cette hausse, car ses marges sont déjà faibles. Nous allons donc, chers Catherine Morin-Desailly et Jacques Legendre, accompagner la filière dans la mise en place du nouveau taux réduit. Je reviendrai ultérieurement sur les modalités de cet accompagnement.

Avant de répondre en détail à vos questions, je voudrais souligner que le projet de budget pour 2012 clôt une période de cinq années au cours de laquelle les efforts faits par l’État pour accompagner et moderniser ces secteurs ont été soutenus. Ainsi, entre 2007 et 2012, les crédits ont progressé de 1 milliard d’euros. Nous nous sommes consacrés à ces grands chantiers que représentent le passage à la télévision tout numérique, les états généraux de la presse, la réforme de l’audiovisuel extérieur de la France et la réforme de France Télévisions. Jamais un Gouvernement et sa majorité n’auront autant réformé et accompagné financièrement le secteur des médias au cours d’une législature.

Venons-en maintenant aux différents sujets que vous avez abordés, mesdames, messieurs les sénateurs.

En ce qui concerne tout d’abord la presse, nous accompagnerons étroitement en 2012 les mutations du secteur, afin de préserver et de favoriser son pluralisme, dans le cadre d’une gouvernance rénovée. Cette réforme de la gouvernance est indispensable pour consolider l’investissement réalisé par l’État en faveur de la presse depuis 2009.

En 2012, nous consacrerons 390 millions d’euros aux aides à la presse. Le plan exceptionnel mis en œuvre à l’issue des états généraux de la presse touche à sa fin : les crédits de soutien à la presse inscrits dans le projet de loi de finances pour 2012 amorcent donc une baisse. Mais je me suis mobilisé pour que ces crédits soient maintenus à un niveau acceptable pour tous. Ils demeurent ainsi à un niveau historiquement élevé, puisqu’ils sont nettement supérieurs, de plus de 40 %, aux crédits alloués avant mon arrivée à cette politique publique. Je me suis par ailleurs engagé auprès des éditeurs de presse à rester vigilant sur les impacts de ces évolutions.

S’agissant plus particulièrement de la baisse des aides au portage, je veux répondre à André Gattolin que cette évolution tient compte du développement même du dispositif, qui concerne désormais plus de 25 % des ventes totales, et qu’elle s’accompagne d’une modification de leur répartition entre aide au stock et aide au flux, conformément aux souhaits des éditeurs.

Le premier bilan qui peut être dressé aujourd’hui des états généraux de la presse est positif.

Tous les engagements de l’État ont été tenus, comme vous l’avez souligné, cher Claude Belot. Entre 2009 et 2011, plus de 580 millions d’euros de crédits complémentaires ont été consacrés à la presse. Cet effort s’est traduit par une hausse de plus de 60 % des crédits. Les mesures prises par l’État ont permis à la presse française de préserver ses équilibres économiques, alors qu’elle était confrontée à sa plus grave crise depuis l’après-guerre, et d’accélérer sa reconversion vers un modèle économique équilibré tenant compte des enjeux du numérique.

En particulier, en matière de portage, nous tenons notre objectif de créer une offre structurante. Ainsi, le nombre d’exemplaires portés a progressé de 50 millions en trois ans, pour atteindre 850 millions en 2010. Aujourd’hui, le portage à domicile représente plus du quart des ventes totales de la presse, contre 21 % en 2005.

Je tiens par ailleurs à souligner que la politique de conquête de nouveaux lecteurs initiée dans le cadre des états généraux de la presse est un vrai succès. L’opération d’abonnement « Mon journal offert » a ainsi permis d’amener, en deux ans, plus de 560 000 jeunes à la lecture de la presse quotidienne d’information générale, soit plus de 5 % des dix-huit–vingt-quatre ans. L’objectif d’abonner gratuitement 200 000 jeunes par an a donc été largement dépassé.

À la suite des états généraux de la presse, la gouvernance des aides sera profondément rénovée. C’est une réflexion que j’ai souhaité mener en lien étroit avec la profession et qui sera mise en œuvre à partir du 1er janvier 2012. Elle a pour objectif une gouvernance des aides à la presse écrite plus efficace pour les éditeurs et fidèle à ses principes fondamentaux.

Je voudrais ajouter, pour répondre à MM. Assouline et Gattolin, que la question du ciblage des aides, singulièrement pour la presse d’information politique et générale, est un principe directeur de l’intervention publique.

Je souhaiterais maintenant aborder deux questions essentielles : le défi du numérique et l’application du taux super réduit de TVA à la presse en ligne, disposition que le Sénat vient d’adopter.

L’État entend bien que le défi du numérique soit relevé. Nous soutenons ainsi le développement de nouvelles pratiques professionnelles et de nouveaux modèles économiques adaptés à l’ère du numérique.

S’agissant de l’adaptation de la presse à l’ère du numérique, que vous avez soulignée, madame Laborde, la création d’un statut d’éditeur de presse en ligne, assorti d’un régime de responsabilité adapté, a ouvert la voie à une harmonisation des aides publiques à la presse, permettant à la presse en ligne de bénéficier d’un soutien identique.

D’autres dispositifs, comme ceux sur lesquels nous sommes en train de travailler avec les éditeurs dans le cadre des investissements d’avenir, devraient compléter cet arsenal.

Enfin, je répondrai à Mme Catherine Morin-Desailly et à M. David Assouline, qui m’ont interrogé sur l’application du taux super réduit de TVA aux services de presse en ligne, que j’y suis, bien entendu, favorable. La situation actuelle affecte directement les perspectives de croissance d’un secteur qui a connu plus de bouleversements en un an que dans les dix dernières années, notamment avec l’arrivée massive des tablettes. Aussi, je ne ménage pas mes efforts pour obtenir à l’échelon européen une révision de la fiscalité appliquée aux services de presse en ligne. À ce titre, je constate des avancées, tant parmi nos partenaires européens – l’Espagne s’est ralliée à notre position – qu’au sein de la Commission et du Parlement européens.

S’agissant des relations financières entre l’État et l’Agence France-Presse, je répondrai qu’une clarification est nécessaire compte tenu du risque que la nature de ces relations fait peser sur l’avenir économique et financier de l’Agence. C’était l’un des objets de la proposition de loi relative à la gouvernance de l’Agence France-Presse, que vous aviez déposée, monsieur Legendre, en mai dernier. Ce projet ayant suscité de vives réactions de la part des représentants des personnels de l’Agence, le président de l’AFP a annoncé qu’une plus large concertation avec le personnel serait organisée sur la voie retenue pour sécuriser la situation financière et l’indépendance de l’Agence.

La direction de l’AFP et l’État examinent donc actuellement d’autres voies de réforme, notamment l’hypothèse d’une modification a minima de la loi de 1957, légitime au regard des règles constitutionnelles sur l’indépendance des médias et cohérente face aux attentes des salariés de l’Agence.

Je voudrais conclure sur la presse en rappelant que tant les réformes de fond mises en place dans le cadre des états généraux que la réforme des aides publiques en cours ont pour objectif d’accompagner les éditeurs, alors que l’heure n’est plus aux ajustements destinés à retarder une évolution inéluctable du métier.

L’activité du secteur s’est redressée en 2010, après une année 2009 catastrophique. Nous confirmons maintenant l’engagement en faveur de la rénovation de fond du secteur. C’est indispensable pour contrer la crise de l’été 2011. Qu’il s’agisse de France Soir ou de La Tribune, qui nous préoccupent au plus haut point actuellement, mais dont je rappelle que les situations sont très différentes. Je veux dire à Mme Cukierman et à M. Gattolin que notre mission est avant tout de préserver le pluralisme de la presse française. Aussi nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour pérenniser l’activité de ces titres.

Abordons maintenant la politique en faveur du livre et de la lecture. Les crédits qui y seront consacrés en 2012 augmentent de 4 %, pour atteindre 263 millions d’euros. Cette enveloppe est complétée par les moyens mobilisés par le Centre national du livre.

Il s’agit de poursuivre dans de bonnes conditions nos grands objectifs : accompagner les mutations liées au numérique, tant pour la structuration de la filière économique du livre que pour l’adaptation des bibliothèques aux nouveaux usages en matière de lecture, et assurer les missions de valorisation et de diffusion du patrimoine écrit. À cet égard, la proposition de loi portée par M. Legendre est fondamentale pour la diffusion des centaines de milliers d’ouvrages indisponibles, projet par ailleurs porté par les investissements d’avenir.

Le soutien aux librairies est une priorité. Il se traduit par la mobilisation constante de moyens budgétaires, mais prend bien d’autres formes. J’ai ainsi réformé le dispositif de labellisation afin de permettre de distinguer un plus grand nombre d’établissements de qualité jusqu’alors inéligibles.

J’ai vivement encouragé l’adoption de la loi du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique, qui vise à créer un cadre favorisant l’accès de toutes les formes de commerce à la distribution des livres numériques. Cependant, la situation des librairies n’en est qu’au début de modifications nouvelles.

Vous m’avez interrogé, chère Catherine Morin-Desailly et cher Jacques Legendre, sur les modalités d’application du relèvement du taux réduit de TVA à 7 % dans le cas particulier des librairies. Après avoir consulté les professionnels et reçu les représentants des librairies, Valérie Pécresse et moi-même avons chargé Pierre-François Racine, conseiller d’État, d’accompagner la filière du livre. Les caractéristiques techniques propres au secteur du livre – importance des stocks qui constituent les fonds des librairies, détermination du prix de vente par l’éditeur, en application de la loi sur le prix unique du livre, et système d’information interprofessionnel – rendent nécessaires une attention particulière des pouvoirs publics sur la mise en place de cette hausse de la TVA. La mission s’attachera en particulier à faciliter, en concertation avec l’ensemble de la filière, la mise en place des modifications du prix des ouvrages décidées par les éditeurs. Un soutien financier spécifique sera par ailleurs mis en place par le Centre national du livre à l’intention de la librairie indépendante, pour faire face aux éventuelles difficultés liées à la transition.

Enfin, je voudrais préciser à Jacques Legendre que la mesure de plafonnement des taxes affectées au Centre national du livre n’aura pas d’impact sur l’activité du Centre.

Vous le savez, les principales industries culturelles sont aujourd’hui confrontées aux défis de la numérisation et de l’internet, qui représentent non seulement une grande opportunité de diffusion pour les artistes et les créations culturelles, mais aussi une menace pour la rémunération des créateurs et de l’ensemble de la chaîne de valeur, du fait du piratage de masse des contenus culturels. Dans ce domaine, la politique de mon ministère repose sur deux volets indissociables : protéger le droit d’auteur sur les réseaux numériques et favoriser le développement d’une offre légale diversifiée et attractive.

Le volet « protection des œuvres » s’appuie sur la mise en œuvre de la loi HADOPI. S’agissant du développement d’une offre légale diversifiée, une mesure innovante de soutien à la consommation légale, la carte musique pour les jeunes, a été lancée en octobre 2010 pour une durée de deux ans. Le budget alloué à cette opération est de 25 millions d’euros. La version physique de la carte musique est distribuée depuis quelques jours dans les grandes surfaces et un nouveau site internet fonctionnant sur les smartphones a été mis en place. Par ailleurs, une vaste campagne de communication a été lancée afin de mieux faire connaître le dispositif, qui, il faut bien le reconnaître, pour sa première édition n’avait pas bien fonctionné. Pour répondre à votre question, cher Jacques Legendre, sur la suppression, votée à l’Assemblée nationale, des crédits destinés à la carte musique en 2012, j’indiquerai que je souhaite qu’il y soit remédié.

Malgré les mesures prises, l’impact de la crise sur les acteurs du secteur, en particulier les plus fragiles, les petites et moyennes entreprises et les indépendants, reste patent. Aussi, sur ma proposition, le Président de la République a décidé de la création, en 2012, d’un centre national de la musique.

Pour répondre à l’ensemble des interrogations que vous avez formulées, Jacques Legendre, je tiens à souligner que la création de ce nouveau centre est une grande opportunité non seulement pour accompagner la sortie de crise, une crise absolument dramatique de toute la filière musicale, mais également pour fédérer l’ensemble des acteurs de cette filière et des dispositifs de soutien existants autour d’une institution pivot. C’est aussi une formidable opportunité pour financer la diversité musicale à l’ère numérique, en mobilisant des financements nouveaux, issus des acteurs du numérique, notamment les fournisseurs d’accès à internet, sans accroître la pression fiscale.

La réflexion est donc aujourd’hui en cours sur le véhicule législatif qui permettra la création du centre et qui précisera ses modalités de financement. J’ai confié une mission de préfiguration à M. Didier Selles, qui devra rendre ses premières conclusions très rapidement, d’ici à la mi-janvier, sur les modalités de mise en œuvre opérationnelles et budgétaires de l’établissement public, les conditions de sa gouvernance ainsi que les différents régimes d’aides administrés par le futur centre.

Enfin, en ce qui concerne le crédit d’impôt phonographique sur lequel vous m’avez interrogé, Jacques Legendre, l’intérêt pour la mesure est croissant : le nombre de nouvelles entreprises sollicitant l’agrément est passé de quarante en 2006 à plus de cent cinquante aujourd’hui. Cette augmentation concerne principalement les PME et les très petites entreprises et concerne tous les répertoires. Les réflexions sont en cours sur l’évolution du dispositif, en lien avec la création du centre national de la musique.

Pour compléter ce tour d’horizon des industries culturelles, je voudrais dire un mot du jeu vidéo. J’attends la remise prochaine, par Patrice Martin-Lalande, de ses conclusions sur le statut juridique du jeu vidéo.

Par ailleurs, nous travaillons actuellement avec le Commissariat général à l’investissement et le CNC, le Centre national du cinéma et de l’image animée, afin de faciliter l’accès des PME et des très petites entreprises du jeu vidéo au crédit bancaire.

S’agissant de l’audiovisuel, la législature a donc été particulièrement riche en réformes, qu’il s’agisse du passage à la télévision tout numérique, des nouvelles stratégies mises en place par France Télévisions et Arte, ou encore de la réforme de l’audiovisuel extérieur de la France. Nous avons ainsi accompagné, monsieur Domeizel, une évolution du paysage audiovisuel marquée par les défis technologiques et économiques.

La nécessaire évolution du paysage audiovisuel face aux défis technologiques ne s’arrête pas là. Ainsi, début octobre, d’importantes décisions pour préparer l’avenir ont été prises, sur ma proposition, par le Gouvernement : l’abrogation du dispositif des canaux compensatoires, le lancement d’un appel à candidature pour de nouvelles chaînes et la préparation, à plus long terme, à un changement de norme de diffusion de la télévision. Ainsi, six nouvelles chaînes seront prochainement lancées, que les Français pourront recevoir avec leur équipement actuel. L’enjeu est de donner une orientation claire à l’avenir de la télévision numérique terrestre : celle d’une télévision gratuite, pour tous les Français. Ces valeurs ont fait le succès du passage à la télévision numérique terrestre, dont nous pouvons tous être fiers.

Les bouleversements que traverse le paysage audiovisuel rendent d’autant plus centrales les missions assumées par le service public audiovisuel, dans un paysage qui s’atomise, où la logique qui prévaut est non plus celle de la rareté de l’offre de programmes, mais au contraire l’hyper-choix.

En 2012, les crédits publics alloués aux organismes de l’audiovisuel public progresseront de 1,4 %, pour atteindre 3,9 milliards d’euros. Je le répète, les 20 millions d’euros que chacun de ces organismes consacrera aux efforts d’économies annoncés par le Premier ministre ne remettent en cause ni l’économie de leur contrat d’objectifs et de moyens ni la mise en œuvre de leurs missions.

Pour France Télévisions, les objectifs fixés dans le contrat d’objectifs et de moyens pour 2011-2015, qui a été signé mardi dernier, sont ambitieux : fédérer tous les publics, en bénéficiant de la complémentarité des antennes du bouquet France Télévisions, investir massivement dans la création originale, la seule à même d’exister et de rassembler dans un univers où l’offre de programmes s’est démultipliée. Ces objectifs ne sauraient être remis en cause au motif des audiences de quelques programmes, sur lesquels tous les commentateurs portent leur attention, sans même relever les succès importants enregistrés par le groupe, notamment en termes d’information, de fiction ou de sport.

Afin de permettre à France Télévisions de remplir ces objectifs, le projet de contrat d’objectifs et de moyens prévoit une croissance de la ressource publique de 2,2 % par an en moyenne. Cette progression reflète l’engagement fort de l’État pour accompagner dans la durée la mise en œuvre d’une stratégie visant à fédérer tous les publics, orientée prioritairement vers la création audiovisuelle et cinématographique. France Télévisions investira ainsi chaque année un minimum de 420 millions d’euros dans les œuvres audiovisuelles dites patrimoniales – fiction, documentaire, animation, spectacle vivant – et 60 millions d’euros dans le cinéma.

Je souhaite également appeler votre attention sur la rigueur qui a été la nôtre dans l’élaboration du contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions. Les objectifs de recettes publicitaires de France Télévisions sont réalistes, tout en restant puissamment incitatifs. La période instable de 2008-2010, marquée par la crise et le bouleversement du marché publicitaire, rendait très difficile la prévision des revenus publicitaires, mais cette époque est aujourd’hui certainement derrière nous. En particulier, le groupe France Télévisions est conscient de la part qu’il doit prendre à l’effort national d’économies. Aussi, sa dotation publique pour 2012 est réduite de 15 millions d’euros et la répartition des éventuels excédents publicitaires de France Télévisions est aujourd’hui en débat.

S’agissant enfin du contentieux en cours relatif à la taxe sur les opérateurs de communications électroniques, sur lequel vous m’avez justement interpellé, cher monsieur Assouline, je voudrais rappeler – quelle que soit l’issue de ce contentieux – que cette taxe est non pas affectée au financement de France Télévisions, mais au budget général de l’État. Il importe d’autant plus de bien distinguer les enjeux que la Commission européenne a clairement validé, il y a plus d’un an, le dispositif de financement du groupe France Télévisions.

Concernant la réforme de l’audiovisuel extérieur, sur laquelle Mmes Garriaud-Maylam, Lepage, Laborde et Morin-Desailly et MM. Rome, Duvernois et Belot m’ont légitimement interrogé, je veux souligner qu’elle est en voie d’achèvement.

De nombreuses étapes ont été franchies au cours de ces cinq dernières années. La société holding et le groupe AEF ont été créés. La montée en puissance de France 24, qui est, depuis 2010, distribuée mondialement, est indéniable : à la mi-2011, cette chaîne pouvait ainsi être reçue par 160 millions de foyers dans le monde.

Par ailleurs, depuis le mois d’octobre 2010, France 24 est diffusée vingt-quatre heures sur vingt-quatre en langue arabe, et elle dispose désormais de trois canaux, en français, en anglais et en arabe. On a d’ailleurs vu, lors des récents événements qui sont intervenus dans le monde arabe, que la notoriété de France 24, notamment en Tunisie, était un acquis, ce qui est un réel succès pour une chaîne aussi jeune.

Je n’ignore pas les troubles qu’a connus AEF, et qui se sont manifestés jusque dans mon bureau, d’autant plus que j’ai œuvré autant que possible à leur résolution. Mais je ne doute pas de l’achèvement, en 2012, de la réforme voulue, en 2008, par le Président de la République. Les différents chantiers restants avancent, en effet, désormais de façon satisfaisante. Surtout, les négociations relatives au contrat d’objectifs et de moyens viennent de reprendre de manière active. Un calendrier a été défini : le plan d’affaires associé au contrat d’objectifs et de moyens 2011-2014 sera arrêté au tout début de l’année 2012.

S’agissant de l’exercice de la tutelle, un sujet qu’a plus particulièrement abordé M. Duvernois, la remise en cause de son organisation n’est pas à l’ordre du jour et n’est pas souhaitable. Que je sache, le corps diplomatique n’est pas à même de réaliser des émissions de télévision.

Sur le plan budgétaire, sur lequel vous m’avez également interrogé, cher Louis Duvernois, la dotation publique d’AEF s’élève à un peu moins de 320 millions d’euros dans le projet de budget pour 2012 : elle enregistre une baisse par rapport à l’an dernier, qui tient compte des premiers effets des synergies engendrées par la réforme. Toutefois, AEF devrait bénéficier d’une ouverture de crédits de 45 millions d’euros dans le collectif de fin d’année, afin de couvrir notamment les coûts liés au déménagement de RFI et de Monte Carlo Doualiya à proximité de France 24. Cette décision est salutaire en ce qu’elle assure les conditions d’une meilleure mutualisation. Ainsi, AEF disposera, en 2012, j’en suis intimement persuadé, des moyens nécessaires à son activité et à l’achèvement de sa réforme.

Enfin, concernant, l’Institut national de l’audiovisuel, la dotation publique proposée en 2012 s’élève à près de 95 millions d’euros, soit une progression de 2 %, ce qui lui permettra de réaliser les objectifs stratégiques que sont la poursuite du plan de sauvegarde et de numérisation de ses archives menacées, la consolidation de l’activité de formation continue, la valorisation des collections notamment par la croissance du site « ina.fr » et l’élargissement des activités du dépôt légal à internet. La nouvelle présidence de l’INA devrait mener à bien ce programme de la manière la plus satisfaisante qui soit.

Comme j’ai eu l’occasion de le souligner, chère Catherine Morin-Desailly, la mise en œuvre par l’INA de ses missions n’est pas remise en cause par sa participation à l’effort national d’économies.

Tels sont les points que je souhaitais aborder avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, et qui sont, je l’espère, des éléments de réponse aux questions légitimes que vous m’avez posées. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)