Déc 08 2011

Droit de vote : gare aux dérives liant nationalité et résidence

La nouvelle majorité sénatoriale a souhaité, à moins de six mois des élections présidentielles, inscrire à l’ordre du jour une proposition de loi constitutionnelle visant à étendre aux ressortissants non-communautaires le droit de vote aux élections municipales. Une initiative plus que contestable tant sur le plan de l’éthique (six mois avant des élections présidentielles, cela ne peut que profiter au Front national !) que sur le plan juridique.

La réciprocité est en effet la condition mise en exergue par l’article 88-3 de notre Constitution qui autorise le vote des ressortissants communautaires. Pour satisfaire cette exigence de réciprocité, il faudrait négocier, en bilatéral, avec l’ensemble des États étrangers, pour permettre à nos concitoyens expatriés de pouvoir y prendre part aux élections locales… une option guère envisageable, ne serait-ce que parce que nombre de pays n’organisent pas de tels scrutins. Cela créerait donc d’inacceptables inégalités dans le droit de vote selon les pays d’origine des étrangers.

Sur le plan politique, je récuse aussi l’argument selon lequel la différence en matière de droit de vote entre les européens et les extra-communautaires constituerait une «asymétrie choquante». Les droits politiques accordés aux seuls européens sont le fondement même de la citoyenneté européenne, telle que consacrée par le Traité de Maastricht. A l’heure où la crise de la zone euro met tragiquement en lumière les limites d’une monnaie unique adossée à une Europe trop peu intégrée au plan politique, il importe justement de renforcer cette citoyenneté européenne. Dans cette perspective, il ne semble pas souhaitable d’octroyer aux étrangers les mêmes droits qu’aux ressortissants européens car cela reviendrait à diluer l’une des seules prérogatives traduisant en termes de citoyenneté l’appartenance à l’Union.

En tant que représentante des Français établis hors de France, j’ai enfin tenu à souligner les risques d’une extension du concept de citoyenneté, qui affaiblirait la condition de la nationalité au profit de l’argument de la résidence… voire de la résidence fiscale !

Octroyer le droit de vote aux étrangers extra-communautaires au motif de leur résidence en France ou du fait qu’ils s’y acquittent d’impôts risquerait d’ouvrir la porte à un affaiblissement voire une perte des droits civiques des Français établis à l’étranger. S’il est essentiel que les étrangers établis durablement en France puissent prendre part à notre vie sociale et civique, leur accorder un droit de vote déconnecté de l’ensemble des attributs de la citoyenneté ne me semble pas souhaitable. Il me semblerait infiniment plus opportun que ceux qui souhaitent rejoindre notre communauté politique puissent le faire par la voie d’une naturalisation plutôt que par l’octroi d’un droit de vote reflétant une citoyenneté amputée.

-> Lire mes interventions sur l’article 1 et l’article 2 de la proposition de loi constitutionnelle