Les entreprises françaises peuvent-elles être tenues responsables des atteintes à la sécurité de leurs personnels expatriés survenant pendant ou en dehors du temps de travail ? La chambre sociale de la Cour de Cassation, dans son arrêt n°10-22875 du 7 décembre 2011, semble pour la première fois répondre par l’affirmative.
La Cour était amenée à se prononcer sur le cas d’une ancienne employée de la société Sanofi Pasteur victime d’une agression alors qu’elle était détachée en Côte d’Ivoire pour le compte de sa société. Sa demande de reconnaissance d’une faute inexcusable de l’employeur en application de la législation des accidents du travail avait dans un premier temps était déclarée irrecevable au motif que la législation professionnelle ne lui était pas applicable dès lors qu’elle était expatriée.
Il avait alors notamment été avancé, en se fondant sur l’article L. 4121-1 du code du travail et l’article 1147 du code civil, que :
– l’employeur n’est tenu d’assurer la sécurité de ses salariés que dans leurs activités ayant un lien direct avec l’exécution de leur contrat de travail et non à chaque instant de leur vie privée,
– qu’à supposer même que l’employeur soit tenu d’une obligation de sécurité en dehors des lieux et horaires habituels de travail, cette obligation ne peut être que de moyens.
L’arrêt de la Cour de Cassation, sans rejeter explicitement ces arguments, souligne la responsabilité des employeurs vis-à-vis de leur personnel expatrié. La culpabilité de l’employeur est appréciée à l’aune de l’absence de réponse mise en œuvre face aux dangers avérés encourus et malgré les craintes exprimées par la salariée :
« Et attendu qu’après avoir relevé que la salariée, qui se trouvait du fait de son contrat de travail dans un lieu particulièrement exposé au risque, avait, à plusieurs reprises, alerté son employeur sur l’accroissement des dangers encourus par les ressortissants français à Abidjan, lui demandant expressément d’organiser son rapatriement et un retour sécurisé en France, la cour d’appel a constaté, sans encourir les griefs du moyen, que l’employeur n’avait apporté aucune réponse aux craintes exprimées par la salariée, qu’il s’était contenté de faire état du lieu contractuel sans prendre en compte le danger encouru par elle et n’avait pris aucune mesure de protection pour prévenir un dommage prévisible ; qu’en l’état de ces constatations, elle a pu en déduire que l’employeur avait manqué à ses obligations contractuelles sans qu’une faute de nature à l’exonérer de sa responsabilité puisse être reprochée à la salariée ».
Quelles seront les conséquences de cette jurisprudence ? Entre une meilleure protection des intérêts des expatriés et le risque de voir les employeurs français contourner leurs responsabilités nouvelles en recourant davantage à des contrats de droit local, un nouvel équilibre devra sans aucun doute être trouvé…