Sénatrice des Français établis hors de France, élue 16 ans représentante des Français du Royaume-Uni au Conseil supérieur des Français de l’étranger (aujourd’hui AFE), membre du Conseil franco-britannique et Secrétaire national de l’UMP en charge des relations franco-britanniques, je ne pouvais, malgré les contraintes de mon agenda (je décorais hier soir au Sénat Frédéric Garcia de l’ONM et présente ce soir un rapport à la Commission des Affaires étrangères du Sénat) être absente de Londres à l’occasion de la première visite officielle du Président français en Grande-Bretagne.
C’est donc à un Aller-Retour très rapide que je me suis livrée dans la journée. Premier petit sourire (mais pas de surprise) en montant dans l’Eurostar. Le « Président normal » n’y était pas alors que l’Eurostar est tellement plus pratique que l’avion pour se rendre au centre de Londres et qu’il nous avait dit – normalité oblige – vouloir se déplacer désormais en train..
Je ne sais pas encore si cette première visite du Président Hollande permettra de réchauffer les relations franco-britanniques et l’entente cordiale avec le Premier Ministre David Cameron sensiblement refroidies lors du récent sommet du G20, mais la relation franco-britannique est trop importante pour que des efforts substantiels ne soient pas faits en ce sens.
Comme l’ont toujours fait ses prédécesseurs, le Président Hollande s’est livré, dans les jardins de l’Ambassade heureusement recouverts d’une tente (on n’est jamais trop prudent avec la météo en Angleterre) à l’exercice obligé du discours aux Français.
Après avoir indiqué qu’il avait souhaité venir en délégation restreinte avec la nouvelle ministre aux Français de l’étranger, mon ancienne et nouvelle collègue au Sénat (élue en septembre dernier) Hélène Conway, il saluera, non sans humour, la toute nouvelle députée PS d’Europe du Nord Axelle Lemaire (celle qui aurait dû être ministre mais qu’il n’arrivait pas à joindre et qui a finalement refusé de l’être…). Petit impair qui ne peut bien sûr être dû au hasard (mais on lui pardonne), il se gardera bien de mentionner, en infraction aux règles élémentaires du protocole, l’autre parlementaire présente (il est vrai que je suis UMP..).
Son discours était certes un peu convenu, mais il a eu le mérite de souligner la force de notre présence française dans ce pays (118 000 inscrits au Consulat de Londres, sans doute trois fois plus de Français dans le pays !), le travail du Consulat et du Centre Charles Péguy en matière des jeunes en recherche d’emploi, « les oubliés de Saint Pancras » , et la Chambre de Commerce franco-britannique (plus de 600 membres), le Royaume-Uni étant notre premier excédent commercial : 6 milliards d’euros quand nous faisons 70 milliards de déficits. En matière spatiale, le Président envisagerait des coopérations prometteuses tout en luttant contre la prolifération nucléaire.
Beaucoup de bonnes intentions affichées donc, mais comment ne pas être par contre déçu par l’absence de véritables annonces en ce qui concerne l’ annulation de la PEC ?
Moins d’une semaine après l’annonce en Conseil des Ministres d’une suppression brutale et immédiate (dès septembre prochain, dans moins de 3 mois…) de la Prise en Charge (PEC) des frais de scolarité des jeunes français inscrits dans un lycée étranger, on s’attendait en effet à ce que le Président profite de cette rencontre avec la communauté de nos expatriés, directement impactée par cette mesure, pour s’expliquer et, autant que faire se peut, rassurer et proposer de vraies solutions. Mais François Hollande a préféré esquiver, se félicitant plutôt des excellents résultats des bacheliers du Lycée Charles de Gaulle à Londres (100% de réussite dont 38% de mentions « Très Bien ») et du projet de 3e lycée français à Londres…
Certes, les Français de l’étranger ne peuvent pas dire qu’ils n’étaient pas prévenus, la suppression de la prise en charge (PEC) des frais de scolarité était inscrite noir sur blanc dans le programme présidentiel de François Hollande et reprise dans celui des candidats de la gauche qui ont emporté 8 des 11 circonscriptions législatives des Français de l’étranger. Certes, cette mesure de prise en charge n’était peut-être pas la plus opportune en temps de crise, et sa dénonciation systématique, véhémente et outrancière par la gauche a sans doute joué en leur faveur lors des élections présidentielles et législatives outre-frontières.
Mais nos Français de l’étranger doivent-ils pour autant, accepter sans rien dire la brutalité, la précipitation et le manque de concertation qui a prévalu à la suppression de cette mesure qui bénéficiait aux enfants d’expatriés scolarisés dans des établissements étrangers.
Instaurée en 2007 pour les élèves de classe de terminale, puis étendue progressivement aux élèves de première puis de seconde, cette mesure permettait une participation de l’Etat qui pouvait atteindre jusqu’à 70% des sommes engagées par les familles pour la scolarité de leurs enfants. Certes cette mesure n’était peut-être la plus opportune en temps de crise financière sévère, mais elle correspondait à un souci d’équité et permettait de raccrocher à notre système d’enseignement des familles moyennes et beaucoup de familles nombreuses n’ayant pas accès aux bourses.
La décision de suppression représentera donc une économie substantielle de plus de 30 millions d’Euros dans le budget de l’Etat mais elle va laisser pas mal de familles expatriées dans l’obligation de s’adapter brutalement à des dépenses qu’elles n’avaient pas forcément prévues dès cette rentrée, voire de retirer leurs enfants de notre système français d’enseignement, avec de lourdes conséquences budgétaires en matière de gestion de nos lycées.
La volonté de Nicolas Sarkozy qui envisageait d’étendre cette mesure aux collégiens, était clairement de réduire la disparité de traitement et le manque d’équité qui prévaut entre un élève inscrit sur le territoire national et qui peut bénéficier d’une scolarité gratuite jusqu’au bac et celui dont les parents participent au rayonnement de la France dans le monde et que la République française ne considère pas avec autant d’égards. Faut-il le rappeler, la promesse de gratuité figurait en 1981 dans le programme de François Mitterrand, mais personne, avant Nicolas Sarkozy, n’avait eu le courage de l’appliquer…
L’argument de l’équité sociale brandi par la gauche n’est donc pas acceptable, sauf à remettre en cause, en France aussi, la gratuité des études au prorata des revenus déclarés…
Sinon, comment expliquer que la gratuité des études jusqu’au Bac puisse être considérée comme un acquis social sur le territoire français et qualifiée de privilège lorsqu’elle s’applique aux Français de l’étranger ? Il s’agit là d’une vraie rupture dans notre contrat social d’égalité et de solidarité, particulièrement gênante dans la mesure où elle répond à des critères géographiques, selon le lieu d’études qui s’impose à un jeune français.
Avec mes collègues parlementaires UMP du Sénat et de l’Assemblée nationale nous tâcherons donc de rappeler à la gauche, dans le cadre du débat budgétaire qui vient de s’ouvrir, un certain nombre de principes qui distinguent notre République et notre modèle social du reste du monde et que la gauche aurait bien tort de fragiliser avec une telle décision.
Surtout, comme je l’ai dit, samedi dernier, à l’assemblée générale de la FAPEE (Fédération des associations de Parents d’Elèves à l’étranger) nous attendons des informations et des mesures concrètes. La somme allouée à la PEC sera-t-elle entièrement reversée au budget de l’enseignement français à l’étranger ? Les familles moyennes- et/ou – nombreuses ne continueront-elles pas à être écartées du programme des bourses, constat qui avait été à la base de la décision de Nicolas Sarkozy. Une partie de ces 32 millions pourra-t-elle également être utilisée pour le parc immobilier de nos lycées qui a bien besoin d’être étendu et rénové ?
A moins que le Président Hollande ne revienne de Londres avec une conception plus libérale de l’organisation du système scolaire et de son financement ?
Nous attendons des réponses précises et concrètes…