« Intégrer pleinement l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes dans tout cadre de développement international pouvant être adopté dans l’avenir, y compris en tant qu’objectif de développement distinct et en incluant des cibles et indicateurs sensibles au genre dans tous les autres objectifs ». Telle était la première des six recommandations des femmes chefs d’Etat et de gouvernement, dans leur appel à l’action relayé par ONU Femmes à l’occasion du Sommet Rio +20.
Bien que l’égalité des sexes ait été identifiée comme un levier essentiel de développement dès le Sommet de la terre de Rio de 1992, trop peu de progrès ont été enregistrés au cours des vingt dernières années. Il est toujours tentant de pointer les facteurs culturels de résistance dans les pays « du Sud ». Mais force est de constater le manque d’engagement des financeurs de l’aide publique au développement (APD) sur les enjeux de genre.
Il s’agit bien sûr de prendre conscience de la féminisation de certains fléaux tels que la pauvreté, la faim, la vulnérabilité aux conflits et aux catastrophes naturelles, la maladie et l’absence de reconnaissance du travail de soins non rémunéré. Mais le véritable enjeu est de cesser de se contenter de voir dans les femmes des « victimes ». Elles sont aussi et surtout un formidable levier potentiel de développement. Comme le souligne Michelle Bachelet, Directrice exécutive d’ONU Femmes, « lorsque les femmes jouissent de leurs droits et bénéficient d’opportunités égales, la pauvreté, la faim et les problèmes de santé diminuent et la croissance économique se renforce. La progression des droits des hommes et des femmes permet de créer des sociétés et des économies plus saines et durables ».
Le Président de la Banque mondiale, Robert Zoellick, reconnaît également que « l’investissement dans les adolescentes est précisément le catalyseur dont les pays pauvres ont besoin pour briser le cycle intergénérationnel de la pauvreté et parvenir à une meilleure répartition des revenus. Cet investissement n’est pas seulement équitable, c’est une décision intelligente au plan économique ».
D’après l’ONG PLAN, le coût économique de la non scolarisation des filles dans 65 pays en développement représenterait à lui seul 92 milliards de dollars, soit quasiment le montant total des 103 milliards de dollars alloués par l’ensemble des Etats finançant l’APD ! Alors que la crise économique mondiale limite les possibilités d’augmentation de l’enveloppe accordée à la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement, l’urgence est à l’optimisation de la gestion des aides existantes. C’est d’ailleurs ce que vient de préconiser la Cour des Comptes, dans un rapport recommandant une meilleure hiérarchisation des priorités stratégiques de l’APD et une amélioration de ses outils de pilotage.
Pourtant, notre APD demeure aveugle au genre. Si le document-cadre sur la stratégie française de coopération reconnaît que la promotion du statut de la femme se révèle un puissant moteur de développement, cette « priorité » peine à être traduite en termes opérationnels et budgétaires. L’ayant déjà déploré lors de l’examen des crédits APD du projet de loi de finances de l’année dernière, j’ai souhaité cette fois agir en amont, par le dépôt d’une question écrite à l’attention du Ministre délégué au Développement, Pascal Canfin.
J’attire son attention sur la nécessité d’intégrer à la maquette budgétaire de l’APD les enjeux de genre. Cela pourrait passer par l’intégration d’indicateurs sexo-spécifiques aux outils de pilotages existants, ou par le fléchage de certaines lignes budgétaires vers des programmes « genrés ».
Je lui ai également suggéré le lancement d’une consultation entre le ministère des affaires étrangères et européennes, le ministère de l’économie et des finances, l’Agence française de développement et les parlementaires concernés, afin d’étudier les modalités concrètes de mise en œuvre d’une véritable budgétisation de l’APD sensible au genre. Une telle consultation serait essentielle pour sensibiliser à cette démarche l’ensemble des acteurs de l’APD, dans les ministères et au siège de l’AFD comme au sein du réseau en charge, sur le terrain, de l’action extérieure de l’Etat.
L’évaluation en cours du Document d’Orientation Stratégique « Genre » par le Ministère des Affaires étrangères de 2007, en concertation avec les ONG, constitue une étape importante. Pour éviter qu’elle constitue une énième déclaration d’intention, il est maintenant indispensable que le consensus se fasse autour de cette question. Espérons que la récente décision de l’ONU de faire du 11 octobre, dès 2012, une journée internationale de sensibilisation aux droits des jeunes filles et des adolescentes, y contribuera.