Nov 11 2012

Commission Jospin : l’autre révolution de la représentation des Français de l’étranger ?

Alors que le gouvernement devrait d’ici un mois, à l’occasion du bureau de l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE) nous éclairer sur ses intentions en matière de réforme de l’AFE (cf mon billet du 10 septembre dernier), un nouveau vent de « changement » vient souffler sur la représentation des Français établis hors de France : la commission Jospin propose de modifier en profondeur les modalités d’élection de leurs parlementaires les représentant.

La proposition n°8 du rapport tend à « réformer les modalités de l’élection des députés représentant les Français de l’étranger » en fusionnant les 11 circonscriptions actuelles en 2 circonscriptions, l’une représentant les Français de l’étranger établis en Europe et l’autre, le reste du monde. Cette proposition, justifiée par le caractère prétendument « illusoire » du lien entre des électeurs et un député dans une vaste circonscription, me paraît aussi être paradoxale : les circonscriptions géographiques actuelles, même trop vastes, permettent un ancrage territorial minimal du député. Les Français des États-Unis et ceux du Canada partagent bien des problématiques communes, tout comme ceux des différents États d’Amérique du Sud. Même dans les plus vastes circonscriptions, un député peut se déplacer dans les différents pays, y entretenir des liens privilégiés avec  les élus locaux (les conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger) et y développer une expertise spécifique à sa zone. Il ne serait d’ailleurs pas aberrant que les 12 sénateurs des Français de l’étranger représentent eux aussi des circonscriptions géographiques différentes : cela permettrait une meilleure répartition des tâches et une meilleure représentativité géographique.

Le rapport Jospin préconise par ailleurs que ces députés des Français de l’étranger soient désormais élus au scrutin proportionnel : ce mode de scrutin faciliterait certes la représentation des « petits partis », mais il aurait pour effet pervers de priver de représentation nos compatriotes établis dans des pays où les communautés françaises sont moins nombreuses. Car tous les partis optimiseraient leur  stratégie électorale en présentant des listes de candidats issus des communautés démographiquement plus importantes (hors UE, des députés issus des États-Unis, du Canada et du Maghreb auraient donc  à représenter les très nombreux Français d’Afrique, d’Asie et d’Océanie…). Loin de renforcer la légitimité démocratique des députés, cette proposition, si elle était mise en œuvre, diluerait encore le lien entre électeurs et élus !

La proposition n°10 vise, elle, à « Assurer une représentation plus juste des collectivités territoriales au Sénat par une pondération des voix des grands électeurs et retirer les députés du collège électoral ». Elle suggère d’élargir le collège électoral des sénateurs représentant les Français établis hors de France (cette idée a déjà été retenue par l’AFE, dans le cadre de la résolution relative à sa réforme, votée à l’unanimité en septembre dernier), de retirer les députés des Français de l’étranger du collège électoral des Français établi hors de France… voire de supprimer purement et simplement la représentation des Français de l’étranger au Sénat ! Cette dernière proposition ouvrirait évidemment la voix à une suppression de l’AFE, puisque le même prétexte – l’existence de députés – s’appliquerait bien évidemment aussi à elle ! Poussant la logique de la commission Jospin jusqu’au bout, il faudrait même tout simplement supprimer le Sénat lui-même… puisque tous les territoires français ont également une représentation à l’Assemblée nationale. Alors même que l’élection en juin dernier des députés des Français de l’étranger venait parachever la représentation institutionnelle des expatriés, un tel revirement constituerait une véritable erreur historique !

Enfin, si je me réjouis que la proposition n°15 tende à « Rendre incompatible le mandat de parlementaire avec tout mandat électif autre qu’un mandat local simple à compter des prochaines élections locales » et que la proposition n°31 vise à « Renforcer le régime des incompatibilités professionnelles applicable aux parlementaires », je regrette l’absence de toute proposition visant à limiter le cumul des mandats dans le temps.

Lire le rapport de la Commission Jospin