Nov 09 2012

Le souvenir de la guerre d’Algérie divise encore les parlementaires (La Croix)

La Croix, n°39426, vendredi 9 novembre 2012, p. 5 (par Antoine FOUCHET)

Les dates de commémoration font, traditionnellement en France, l’objet d’un consensus au sein de la représentation nationale avant d’être officialisées. Il en fut ainsi, par exemple, du 11-Novembre et du 8-Mai. Mais force est de constater qu’il n’en va pas de même avec le 19 mars, destiné à entretenir le souvenir des morts de la guerre d’Algérie et inscrit dans une proposition de loi PS, qui était débattue hier au Sénat.

Ce texte aura eu un parcours surprenant, puisqu’il a été voté à une courte majorité en première lecture à l’Assemblée nationale, le 22 janvier 2002, voilà un peu plus de dix ans. Le délai s’explique : Lionel Jospin, alors premier ministre, constatant qu’il n’y avait pas de consensus parlementaire, avait gelé la poursuite de la discussion. Un tel décalage dans le temps n’a pas échappé aux sénateurs de droite et du centre : sur cette base, Joëlle Garriaud-Maylam (UMP, sénatrice des Français de l’étranger) a annoncé un recours devant le Conseil constitutionnel.

Mais c’est bien sûr la date même du 19 mars qui a le plus opposé hier les sénateurs, alors que des représentants des associations de pieds-noirs et de harkis manifestaient leur refus du texte devant les grilles du Palais du Luxembourg. Cette date fait référence au cessez-le-feu prévu par les accords d’Évian, signés le 18 mars 1962. Elle ravive des souffrances, car elle a été en réalité suivie de meurtres de pieds-noirs, de harkis et d’appelés comme cela a été souligné plusieurs fois lors de la discussion sénatoriale.

Ces exactions ont aussi été évoquées à gauche, notamment par Alain Néri, sénateur socialiste du Puy-de-Dôme qui était député PS en 2002. Mais, selon lui, « cette date est la seule qui s’impose sur le plan historique, car elle est celle du cessez-le-feu » et « cinquante ans après, il est temps de la reconnaître ». D’autres intervenants de gauche ont tenté de rassurer sur la portée de la date commémorative du 19 mars, telle qu’ils la conçoivent. Didier Guillaume, sénateur PS de la Drôme, a expliqué qu’« il ne s’agit pas de commémorer le fin de la guerre d’Algérie, mais de rendre hommage à toutes les victimes civiles et militaires ».

Les sénateurs de droite et du centre ont, de leur côté, défendu le maintien du 5 décembre comme jour commémoratif. Cette date correspond à l’inauguration, en 2001, par Jacques Chirac, du Mémorial aux victimes de la guerre d’Algérie, quai Branly à Paris. L’ancien président avait choisi ce jour, inscrit dans la loi du 23 février 2005 sur les rapatriés, dans le souci de désamorcer les passions. Louis Nègre, sénateur UMP des Alpes-Maritimes, a en conséquence demandé le retrait de la proposition de loi socialiste, estimant qu’elle est « un texte clivant, diviseur, inopportun ». Hervé Marseille, sénateur centriste (UDI-UC) des Hauts-de-Seine, a, pour sa part, demandé qu’« on laisse aux historiens le temps de travailler ».