Nov 01 2012

Rencontre avec le roi des Chakma, Raja Devasish Roy

Après de difficiles réunions budgétaires cette semaine,  cela a été un vrai plaisir que d’accueillir au Sénat hier,  en compagnie de mon collègue Ronan Kervraon, sénateur du Finistère, le roi des Chakma,  Raja Devasish Roy. Les Chakma sont un groupe ethnique essentiellement établi au Bangladesh, dans la région des Chittatong Hill Tracts, aux confins de l’Inde et de la Birmanie, où ils seraient un million environ et où se trouvent également une dizaine d’autres ethnies, regroupées sous le nom de Jummas

Victimes indirectes de la partition de 1947 entre l’Inde et le Pakistan et d’une répression souvent violente ces dernières décennies par les Bangladais musulmans (eux sont boudhistes), les peuples Jummas durent subir après la déclaration d’indépendance du Bangladesh des tentatives de « recolonisation » de la part des Bangladeshi, auxquels s’opposaient une guerilla tribale, les Shanti Bahini. Des décennies d’affrontement aboutirent à transformer cette région en zone militarisée, et à en contraindre un très grand nombre à l’exil, essentiellement vers l’Inde ou la Birmanie .

Après  l’arrivée de la démocratie parlementaire en 1991, un accord de paix mit fin, le 2 décembre 1997 à 25 ans de conflit. Nombre de promesses furent alors  proférées, très peu ont été tenues en dehors de la mise en place d’un Conseil, le Chittagong Hill Tracts Regional Council chargé de l’administration des 3 districts constituant la région. Le Premier Ministre Sheikh Hasina Wajed, à l’origine de ce traité de paix un an après son élection, est aujourd’hui de retour au gouvernement. Sa bonne volonté envers la situation des minorités m’avait semblé intacte lorsque je l’’avais rencontrée  en avril dernier à Dacca, mais l’on doit reconnaitre que peu de choses ont été faites pour mettre fin aux discriminations qu’endurent ces peuples jummas. Pas de démilitarisation de la zone, pas d’inscription du traité de paix ou de la non-discrimination envers les minorités dans la constitution bangladaise, pas de terme à la politique de « colonisation » et de spoliation de leurs terres.

Leur Roi, Raja Devasish Roy, est une personnalité charismatique dont l’engagement aux côtés de son peuple force le respect.  Avocat à la Cour suprême du Bangladesh, il a été proclamé roi à sa majorité, le 25 novembre 1977, et se bat pour mettre fin à cette discrimination dont souffrent les minorités au Bangladesh et  a servi comme adjoint spécial du chef du gouvernement militaire, avec rang et statut d’un ministre d’Etat pendant la crise politique du Bangladesh en 2006-2008, en charge du ministère des Chittagong Hill Tracts et du Ministère des Forêts et de l’environnement. Il est aujourd’hui le représentant  élu d’Asie  au Forum permanent des peuples indigènes des  Nations Unies et se bat pour la préservation de leur identité culturelle et le rétablissement de leurs droits

Venu en Europe pour plaider à Paris, Bruxelles et Genève la cause de ces populations oubliées, il a également tenu à rencontrer la petite diaspora chakma, et en particulier ces 72 enfants  adoptés par des familles françaises en 1987 pour les protéger d’un éventuel génocide. Lui se bat pour la non-discrimination sur une base ethnique ou religieuse, principe fondamental du droit international public, pour une meilleure gouvernance, la protection de l’environnement et pour un sécularisme multiculturel qui s’affirmerait à travers une reconnaissance constitutionnelle des minorités. Aujourd’hui en effet la Constitution du Bangladesh ne reconnait aucunement les peuples autres que les Bengalis et la religion d’Etat est l’Islam.