Question écrite n° 04067 adressée à Mme la ministre du commerce extérieur, publiée le 17 janvier 2013 au Journal Officiel :
Mme Joëlle Garriaud-Maylam attire l’attention de Mme la ministre du commerce extérieur sur les difficultés rencontrées par les consommateurs de l’étranger pour acheter des biens proposés via des sites internet français.
De nombreux sites marchands utilisent la géolocalisation des adresses IP pour empêcher des consommateurs de l’étranger d’acheter par leur intermédiaire : soit la livraison est refusée à l’étranger, soit seules les cartes bancaires françaises sont acceptées.
Ces pratiques sont pénalisantes pour le commerce extérieur français et pour les consommateurs – et notamment les Français vivant à l’étranger et les francophiles. Ces restrictions sont d’autant plus surprenantes lorsqu’elles concernent des biens immatériels, pour lesquels le problème de la livraison ne se pose pas.
La difficulté rencontrée par les francophones souhaitant acquérir des livres numériques via les plateformes françaises est particulièrement dommageable – d’autant que certaines restrictions semblent avoir été mises en place tout récemment.
Cette situation est particulièrement problématique au sein de l’Union européenne, qui devrait être une zone favorisant la libre circulation des biens et des personnes.
Le ministère du commerce extérieur a-t-il pu réaliser un état des lieux de ces obstacles au développement de notre commerce extérieur via internet, en identifiant le nombre et l’ampleur des sites internet concernés ainsi que l’ensemble des difficultés juridiques et pratiques expliquant ces restrictions ? Ne serait-il pas opportun d’envisager un plan d’action pour y remédier ?
Réponse du Ministère du commerce extérieur publiée dans le JO Sénat du 04/04/2013 – page 1075 :
Les difficultés liées aux transactions électroniques transfrontalières ont déjà été l’objet d’un certain nombre de travaux et études et la Commission européenne a notamment publié une communication sur « le commerce électronique transfrontalier entre entreprises et consommateurs » fin 2009. Ces travaux ont en effet mis en évidence une série de pratiques restrictives et d’obstacles à la conclusion transfrontalière d’achats en ligne par les consommateurs : limites des zones de livraison, exigences relatives aux moyens de paiement…
Pour progresser dans ce domaine, la Commission européenne avec les États membres ont engagé un plan d’action comportant plusieurs volets. Le principal volet vise à rendre l’offre transfrontalière plus simple et plus praticable pour le e-commerçant. Les règles de protection du consommateur qui gouvernent la relation entre le vendeur et l’acheteur sont longtemps restées fragmentées et variables d’un pays à l’autre, ce qui rendait plus complexe les transactions à l’export des commerçants. La directive n° 2011/83/UE « droits des consommateurs » adoptée en octobre 2011 et construite sur le principe d’une harmonisation maximale a permis d’unifier les règles applicables (c’est ainsi que désormais le délai de rétractation appliqué sur tout le marché européen est uniforme et égal à 14 jours). La directive a également renforcé l’information du consommateur : s’agissant des zones de livraison du commerçant ou des moyens de paiement acceptés, une information claire et lisible doit être fournie au consommateur.
Il n’était toutefois pas envisageable d’imposer aux commerçants une obligation générale de livraison quel que soit le lieu de destination sans risquer de remettre en cause leurs modèles économiques.
La transposition de la directive n° 2006/123/CE « services dans le marché intérieur » a également permis, par l’intermédiaire de son article 20 (interdiction des discriminations fondées sur la nationalité ou le lieu de résidence) d’assurer une meilleure protection des consommateurs de services, qu’ils soient des particuliers ou des professionnels.
Dans le cadre des travaux européens de la directive n° 2006/123/CE auxquels participe activement la France, la question de la discrimination fondée sur la géolocalisation de l’adresse IP a été soulevée et devrait faire l’objet de discussions très prochainement.
Il est vrai que la livraison en ligne de biens numérisés ne suscite pas de réelles difficultés de coûts mais s’agissant, par exemple, de la vente de livres numériques, d’autres facteurs peuvent intervenir : la loi n° 2011-590 du 26 mai 2011 relative au prix unique du livre numérique dispose que le régime du prix unique est valable uniquement pour les acheteurs situés en France. Les conditions dans lesquelles un distributeur peut vendre des livres numériques à des non-résidents français dépendent ainsi à la fois des opportunités que ces ventes représentent et du contrat passé le cas échéant avec l’éditeur sur cet aspect.