Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vous permettrez tout d’abord à la sénatrice des Français de l’étranger que je suis de faire part à ceux qui n’en auraient pas encore été informés d’une excellente nouvelle, à savoir la libération, après sept ans de détention au Mexique, de notre compatriote Florence Cassez.
Je remercie mes collègues de ces applaudissements, qui témoignent du soutien que le Sénat a apporté et apporte encore à cette jeune femme. J’exprime également ma gratitude à la Cour suprême du Mexique.
Pour en revenir à notre débat sur la place des PME dans notre économie, nous avons déjà largement évoqué les facteurs qui handicapent leur développement en France. Je souhaiterais quant à moi insister sur l’enjeu de leur internationalisation, véritable levier de croissance, encore trop négligé par nos entreprises et notre administration, mais indispensable pourtant à l’essor et à la compétitivité de notre pays.
En 2012, la France comptait 95 000 PME exportatrices, et l’Allemagne 350 000 ! Un quart des PME allemandes réalise 20 à 30 % de leur chiffre d’affaires auprès de clients étrangers, quand seulement 8 % des PME françaises ont une activité, même minime, à l’export. Plus inquiétant encore, le nombre de PME exportatrices françaises a chuté de 20 % en dix ans, et la crise internationale ne suffit certainement pas à expliquer ce recul.
Face à ce défi, quelle a pour l’instant été la réponse du Gouvernement ? Le regroupement d’OSEO, du Fonds stratégique d’investissement, le FSI, et d’une filiale de la Caisse des dépôts et consignation en une pharaonique Banque publique d’investissement, officiellement en vigueur depuis le 1er janvier dernier. Celle-ci est censée offrir aux PME un guichet unique dans chaque région française, y compris en matière d’aide à l’export.
Toutefois, de quel guichet unique parle-t-on ? Apparemment, d’une simple centralisation des instruments de financement, alors même que l’accès au crédit n’est pas, loin de là, le principal obstacle au développement des PME à l’international.
Les principaux freins à l’export sont liés à nos traditions bureaucratiques pénalisantes, à une fiscalité dissuasive, à la complexité des procédures administratives et douanières, mais aussi, et surtout, à la difficulté de développer rapidement une connaissance du marché convoité. Risque d’impayés ou de contrefaçons, instabilité politique ou, tout simplement, compréhension des comportements de consommation, de l’état de la concurrence et du cadre juridique local sont autant de paramètres difficiles à évaluer depuis la France.
Ce manque d’accès à de telles informations stratégiques explique d’ailleurs largement la propension de nos PME exportatrices à ne se risquer que dans un seul pays étranger et à se concentrer sur les États européens au détriment des pays émergents, pourtant principaux réservoirs de croissance en cette période de crise. C’est donc moins de financements que d’accompagnement et de retour d’expérience et d’expertise qu’ont besoin nos PME.
La ministre du commerce extérieur a annoncé que la BPI « assurerait un rôle de conseil auprès des entreprises qui souhaitent exporter ». Outre que ce n’est pas le métier d’une banque, le projet de doter la BPI d’équipes de « développeurs à l’international » issus des effectifs d’Ubifrance ne me semble pas – pardonnez-moi – constituer un progrès significatif par rapport au dispositif de « l’équipe de France de l’export » lancé par Anne-Marie Idrac voilà cinq ans.
Les modalités concrètes du rapprochement entre les différents opérateurs de l’appui à l’export me semblent encore bien floues, et je vous serais reconnaissante, madame la ministre, si vous pouviez nous apporter quelques clarifications à cet égard.
Oui, nous avons besoin de mettre en place des synergies. Toutefois, cela passe peut-être moins par la constitution d’une entité administrative tentaculaire que par la mise en cohérence et en réseau des multiples intervenants, comme le préconise d’ailleurs un récent rapport du Conseil économique, social et environnemental, le CESE.
Surtout, ne faudrait-il pas mieux mobiliser l’expertise des entrepreneurs français déjà présents sur le marché local ? Le concept de diplomatie économique est un serpent de mer, vieux de plus de vingt ans. Pour donner du corps à ce slogan, la seule option consiste à véritablement mobiliser les réseaux et les acteurs économiques français sur le terrain. Laurent Fabius avait annoncé, en août dernier, la création de conseils économiques dans les ambassades. Où en sommes-nous ? Qui en fera partie ? Les conseillers du commerce extérieur, les élus de l’Assemblée des Français de l’étranger, tous les entrepreneurs français souhaitant y être associés ? Et comment évaluer les résultats, en particulier ceux de cette BPI ?
On oublie trop souvent que les PME créées par des Français à l’étranger contribuent aussi à la mise en valeur des produits et du savoir-faire de la France et constituent une ressource pour les entreprises françaises, en matière tant de compréhension du marché que d’entretien d’un réseau local.
Sur ces questions – les Allemands l’ont bien compris –, nous avons besoin de suivi, de continuité. La relation de confiance ne se décrète pas, elle se construit sur le long terme. Il s’agit de l’un des facteurs essentiels de la réussite de nos amis allemands.
Nos PME, souvent de statut juridique et fiscal local, sont trop largement ignorées par les autorités françaises, mais aussi pénalisées. Mes chers collègues, je vous en donnerai un seul exemple. Nous ne cessons d’appeler à l’implantation d’entreprises dans des pays comme l’Algérie – très bien ! –, mais alors, comment accepter que le fils d’une famille ayant créé une entreprise, l’ayant développée, l’ayant fait prospérer au service du pays d’accueil, se voie maintenant, alors qu’il était appelé à reprendre cette entreprise, refuser un contrat de travail et contraint à l’expatriation ?
En contrepartie de leur contribution à l’enrichissement du tissu industriel français à l’étranger, il pourrait être pertinent de collaborer avec les pays d’accueil afin de mettre en place une véritable sécurité juridique et de garantir à ces entrepreneurs le bénéfice d’une protection en cas de crise, par exemple via la création d’un fonds d’indemnisation français ou européen.
Après les printemps arabes, l’actuelle guerre au Mali donne une nouvelle actualité à cet enjeu.
Pour conclure, je voudrais souligner que le défi de l’internationalisation des PME est aussi celui de la réduction de notre chômage et celui du recrutement. À cet égard, je ne peux que me réjouir de la volonté du Gouvernement de renforcer et d’élargir le dispositif du volontariat en entreprise.
Toutefois, au-delà de ce système, il est essentiel de favoriser la coopération universitaire et les passerelles entreprises-écoles à l’international. Les potentialités sont immenses. Nous devons aussi penser à la question de la reprise des sociétés, qui constitue un gros problème pour nos PME en France. Là encore, nous pourrions solliciter des investisseurs étrangers.
Tout récemment, lors d’un déplacement au Mexique, j’ai pu constater le dynamisme d’un programme de coopération entre écoles d’ingénieurs françaises et mexicaines, et celui de partenariats entre entreprises françaises et programmes locaux de formation professionnelle.
Les facteurs concourant à la réussite de nos PME à l’international sont nombreux ; il est essentiel de n’en négliger aucun !