Avr 10 2013

Ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe (3/3)

Prise de parole sur l’article 1 bis du projet de loi, relatif à l’adoption :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, autant il est légitime, et même urgent, d’améliorer la sécurité juridique des enfants élevés par un couple de personnes de même sexe, autant nous devons prendre en considération l’intérêt supérieur de l’enfant et la problématique de la construction de son identité. Je regrette d’ailleurs beaucoup que cette notion juridique précise, qui correspond aux engagements internationaux de la France, ne soit pas prise en compte par le projet de loi ni par son étude d’impact.

Je vous en prie, mes chers collègues, ne faisons pas fi des droits de l’enfant au nom d’un droit absolu à l’adoption. L’adoption doit avoir pour objectif non pas de donner un enfant à une famille, mais de donner une famille à un enfant. Vous faites exactement le contraire de ce qu’il faudrait faire, puisque vous instaurez un droit à l’enfant. Un enfant, ce n’est pas un bien de consommation. Avoir un enfant, c’est une chance qui n’est hélas ! pas donnée à tout le monde, mais c’est surtout une immense responsabilité qui ne doit pas être prise à la légère, a fortiori par les législateurs que nous sommes.

Beaucoup de couples homosexuels risquent d’ailleurs d’éprouver de grandes déceptions. Les belles promesses électorales s’effaceront devant la réalité des faits. Nombreux sont les pays qui ne peuvent concevoir la cellule familiale sans le critère de l’altérité sexuelle. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est l’Agence française de l’adoption, l’AFA, un organisme indépendant, comme vous le savez.

L’adoption se fait aujourd’hui à 80 % auprès de pays étrangers, dans la mesure où, en France, nous avons la chance de connaître une diminution importante du nombre d’enfants adoptables. Or l’AFA relève que le volume d’adoptions internationales connaît lui aussi une décroissance importante depuis près de dix ans ; seuls 1 589 enfants ont été adoptés à l’étranger l’an dernier. Ce phénomène s’explique notamment par la diminution des abandons pour cause économique et le développement de structures sociales permettant de prendre en charge les enfants privés de famille dans les pays en voie de développement.

Parallèlement, le nombre de demandes émanant des pays d’accueil n’a cessé de croître.

Dans ce contexte, les pays concernés par l’adoption de leurs ressortissants ont dû faire en sorte de rééquilibrer l’offre et la demande, en mettant en place une politique de quotas – c’est le cas de la Thaïlande, du Cambodge et du Burkina Faso – ou en renforçant les critères de sélection, qui portent notamment sur la situation financière, le niveau d’éducation, l’état de santé ou encore l’engagement religieux des postulants à l’adoption. L’ouverture de l’adoption aux couples homosexuels s’inscrit donc dans un contexte particulier, où chaque pays fixe des critères de sélection toujours plus restrictifs en fonction de ses codes sociaux, culturels ou religieux.

La plupart des pays qui autorisent l’adoption de leurs enfants par nos concitoyens ne reconnaissent pas la structure familiale organisée autour de l’homoparentalité. Même si, en France, l’homosexualité relève de la vie privée et ne peut constituer un critère pour la sélection des dossiers, cette position n’est pas partagée par l’ensemble de la communauté internationale. Il faut savoir qu’une soixantaine de pays pénalisent encore l’homosexualité, que beaucoup d’autres pratiquent une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et que la plupart manifestent explicitement, comme vous pourrez le lire dans la fiche relative à la convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, leur refus de proposer des enfants à des couples de personnes de même sexe : c’est le cas par exemple de la Colombie, du Burkina Faso, du Mali et de la Chine.

Certains pays – je pense notamment à la Chine et au Vietnam – demandent même à l’adoptant de rédiger une attestation sur l’honneur indiquant qu’il est hétérosexuel.

Le dernier élément du raisonnement est l’origine des enfants étrangers adoptés par des Français. Plus de 60 % de ces enfants proviennent de pays refusant explicitement l’adoption par les couples homosexuels ; seuls deux enfants étaient originaires du Royaume-Uni, qui autorise ce type d’adoption.

De tous ces éléments, on peut tirer deux conclusions. La première est évidente : sur la base d’une promesse électorale irresponsable, vous faites croire aux couples homosexuels qu’ils auront le droit à un enfant, alors que, en réalité, l’offre d’adoption est extrêmement réduite, voire quasi inexistante, pour eux. La seconde apparaît subrepticement : si les couples homosexuels ne peuvent satisfaire leur besoin d’enfant par le biais de l’adoption, ils se tourneront vers la gestation pour autrui, la GPA, et la procréation médicalement assistée, la PMA, ou encore, comme l’a souligné le Défenseur des droits lors de son audition, vers l’accouchement sous X, c’est-à-dire une forme de GPA qui ne dit pas son nom.