Mai 01 2013

Géorgie (28 avril – 1er mai)

Du 28 avril au 1er mai, j’ai participé au 83ème séminaire Rose-Roth de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN qui se tenait à Tbilisi sur la situation géopolitique et les enjeux de l’intégration euro-atlantique pour le Caucase du Sud. Ce séminaire fut aussi l’occasion pour moi de découvrir ce petit pays de 4, 6  millions d’habitants et de rencontrer notre petite communauté française

Pendant ce court séjour, je vais aller de surprise en surprise. Tbilisi d’abord, ville que j’imaginais ressembler à la plupart de ces capitales de ces ex Républiques soviétiques, d’une architecture triste et banale. En fait il n’en est rien, et Tbilisi est un enchantement. Une ville noyée dans la verdure, nichée dans un écrin de collines verdoyantes, de magnifiques bâtiments du 18ème, des églises superbes, et partout une ferveur étonnante (peut-être était-ce lié à mon arrivée  un dimanche des Rameaux orthodoxe, mais il était vraiment impressionnant de voir toutes les églises archi-combles,  et la ferveur incroyable des Géorgiens, faisant la queue patiemment pour acheter une brassée de rameux sur des petits marchés improvisés avant d’aller les faire bénir.

Le peuple géorgien est aussi particulièrement attachant, par sa spontanéité, sa gentillesse naturelle, et, encore plus important à mes yeux, sa francophilie. L’on sent ici cet attachement à une certaine idée de la France, et une vraie reconnaissance à Nicolas Sarkozy qui, en tant que président de l’Union européenne en août 2008 a su jouer le rôle de médiateur permettant de résoudre le violent conflit entre la Géorgie et la Russie sur la question de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie

  1. 1. « Géopolitique, intégration euro-atlantique et défis intérieurs dans le Caucase-Sud »

Mais le plus surprenant pour moi viendra à l’occasion de ce séminaire de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN où j’ai pu observer à la fois le fonctionnement assez innovant de cette cohabitation entre le Président Mikheil Saakachvili et le gouvernement dirigé par Bidzina Ivanishvili, Premier Ministre de nationalité française dont le parti « Rêve Géorgien » avait, avec ses alliés de l’opposition, remporté à la surprise générale, les élections législatives du 1er octobre 2012 avec 54,97% des suffrages. Nous étions alors nombreux à craindre des débordements, un blocage institutionnel et politique, d’autant que la nationalité géorgienne avait été retirée à Ivanishvili 4 jours après qu’il ait déclaré sa volonté d’entrer en politique en octobre 2011. Après tout la Géorgie n’était qu’une toute récente démocratie, indépendante depuis 1991 mais en proie à une certaine anarchie jusqu’à la célèbre Révolution des roses de 2003 qui avait conduit au pouvoir Saakachvili l’année suivante.

Mais  la maturité démocratique dans cette toute jeune démocratie  nous avait agréablement surpris, Saakachvili reconnaissant sa défaite et permettant à Ivanishvili, sinon de recouvrer sa nationalité géorgienne, au moins de gouverner avec sa nouvelle citoyenneté française. Une nouvelle forme de cohabitation qui « commence à marcher » selon plusieurs intervenants au séminaire et qui revivifient la démocratie

(photo avec ministre des affaires étrangères, Madame Maïa Panjikidze)

Certes notre séminaire verra des joutes et affrontements verbaux entre majorité et opposition géorgiennes, mais tous les parlementaires géorgiens présents se retrouveront sur la ligne de l’intérêt général, qui pour eux est le rattachement de la Géorgie à l’OTAN afin de préserver sa stablité et de consolider ses institutions démocratiques. Une ambition aussi louable que légitime, comme l’ont reconnu les chefs d’Etat et de gouvernement des pays membres en 2008 à Bucarest. Après tout la Géorgie, alors que son PIB par habitant est 5 fois inférieur à celui de la moyenne des pays de l’Union européenne est de loin le premier fournisseur de troupes à l’OTAN en Afghanistan, avec 1600 soldats intégrés à la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS), plus  que 22 pays membres de l’OTAN !

Ce pays, dans des circonstances et un environnement géopolitique difficiles, a su faire preuve d’une maturité et d’une bonne gouvernance exceptionnelles. Les progrès sont aussi réels qu’exemplaires, avec une réduction significative de la corruption, de la délinquance et de la criminalité organisée, une consolidation des institutions étatiques, et un arsenal de réformes innovantes.

En matière économique, la crédibilité géorgienne est incontestable. Comme je le soulignais en introduction de la Table-Ronde que j’ai eu l’honneur de présider, et à laquelle participaient le ministre de l’économie actuel, son prédécesseur au gouvernement Kakha Bendukidze,  ainsi que la présidente de la Chambre de commerce américaine en Géorgie Sarah Williamson,  ce pays pourrait servir de modèle à beaucoup d’autres : avec une progression annuelle de 6à 7%, un programme ambitieux de privatisations, de diminution de la bureaucratie et des charges fiscales, le pays est passé de la 112ème place à la 16ème dans les rapports « Doing Business » de la Banque mondiale entre 2005 et 2012, cette dernière l’ayant déjà désigné à deux reprises, en 2006 et 2008 comme « premier réformateur de l’année »

Les tensions avec la Russie semblent s’apaiser, Ivanichvili, de par sa longue expérience en Russie étant plus propice au dialogue que Saakachvili. Il a ainsi annoncé sa volonté de rouvrir la ligne ferroviaire qui reliait la Russie et la Géorgie via l’Abkazie et les restrictions portées aux exportations géorgiennes vers la Russie sont peu à peu levées, même si cette dernière continue à s’opposer à une extension des missions de l’OSCE et de l’ONU en Géorgie.

Mais la situation de la Géorgie, au cœur du Caucase Sud, coincée entre les deux adversaires historiques et apparemment irréductibles que sont l’Azerbaïdjan et l’Arménie (dont les députés présents passeront beaucoup à s’invectiver sur la question du Haut-Karabagh pendant ce séminaire) reste fragile. Si l’union sacrée semble prévaloir aujourd’hui entre opposition et majorité (au moins pour faire bonne figure dans l’espoir d’une entrée proche dans l’OTAN), l’approche des élections présidentielles, prévues en octobre 2013, risque de voir le climat se détériorer. Certaines institutions, notamment judiciaires, souffrent d’un déficit de transparence, ce qui obère naturellement la confiance des Géorgiens, la corruption de haut-niveau semble encore présente,  le sous-emploi demeure (taux de chômage officiel : 14%)  et de très grandes inégalités subsistent, voire s’accroissent, ce qui pourrait entraîner  des troubles et manifestations.

  1. 2. La Présence française en Géorgie

Notre communauté française, bien qu’ayant un très éminent représentant en la présence du Premier Ministre Bidzina  Ivanichvili, que j’aurais l’occasion de remercier de sa générosité envers notre l’école française lors de l’ouverture du séminaire OTAN, est toute petite. (photo : avec le Premier Ministre Bidzina Ivanishvili)

282 personnes seulement sont enregistrées au Consulat, un chiffre très modeste au regard des 6000 Géorgiens qui vivent en France, mais aussi des immenses opportunités qu’offre ce pays.

Je profiterai de mon bref séjour à Tbilissi pour visiter, en compagnie de l’Ambassadeur et du Conseiller culturel Gilles Carasso et du Consul  les principaux centres auprès desquels se concentre notre communauté française, la médiathèque, bien fournie et située au cœur de l’imposante  bibliothèque nationale géorgienne, l’Institut français et l’école, avant de terminer ma mission par une réception très sympathique organisée à son domicile par l’Ambassadeur.

L’Institut Français de Géorgie, ouvert à l’automne 1998, est doté de l’autonomie financière depuis le 1er janvier 2002. Centre pilote pour l’expérimentation du rattachement au réseau Institut français (sur lequel nous parlementaires devrions nous prononcer d’ici l’été) il parraine de très belles expositions, comme la rétrospective sur la remarquable peintre franco-géorgienne Vera Pagava

Ses  locaux sont mal adaptés, les salles se répartissant en deux étages sans rez-de-chaussée et sans accès ascendeur, ce qui obère bien sûr son fonctionnement et son développement. Conscient de la nécessité de trouver un autre local mieux adapté au rayonnement de notre culture dans le centre-ville, l’Ambassadeur avait approché le gouvernement qui nous propose de reprendre une ancienne école, magnifiquement située au plein centre ville, juste derrière l’opéra. Mais il faudrait pour cela procéder à un certain nombre de travaux d’aménagement, travaux que notre gouvernement, dans un contexte de restrictions budgétaires, ne semble pas voir d’un très bon œil, alors même que l’investissement (130 000 Euros environ) est infime par rapport aux bénéfices que nous pourrions retirer d’un meilleur positionnement de l’Institut français pour le développement de la francophonie dans ce pays. Bien évidemment je m’emploierai à suivre très attentivement ce dossier. .

Notre coopération culturelle, scientifique et technique se concentre sur la formation des élites géorgiennes, par un développement de filières universitaires francophones, de formation des journalistes et administrative, en coopération avec l’ENA, la médecine, la démographie, la paléontologie et l’archéologie.

L’Ecole Française du Caucase (EFC) , joyau de notre présence institutionnelle, a été créée en 2006. Ecole privée de droit local, hébergée lors de sa création dans les locaux du Centre Culturel Français, elle a bénéficié pour sa relocalisation d’un très important don (13 millions d’Euros) d’une personnalité géorgienne de premier plan, M. Ivanishvili l’actuel Premier Ministre. Ses nouveaux locaux, construits sous la direction d’un architecte français et ouverts à la rentrée 2010, sont exceptionnels. Située en bordure du Parc Vake, l’école prévue pour accueillir les enfants de 3 à 18 ans, dispose de magnifiques infrastructures, dont une piscine couverte de taille olympique. D’une capacité de plusieurs centaines d’élèves, elle en accueillait à la rentrée 2012 184, dont 48% de géorgiens, 25% de Français et 27% de pays tiers, qui suivent des cours de Français langue étrangère dès la moyenne section de maternelle, des cours de géorgien étant également dispensés. La majorité sont en maternelle et en élémentaire, mais le lycée accueille les élèves de seconde avec le CNED et des assistants pédagogiques pour chaque matière Elle a été homologuée (une semaine avant mon passage en ce qui concerne le collège) par le Ministère de l’Education nationale.

(Avec Gilles Carasso, conseiller de coopération et d’action culturelle, l’ambassadeur Renaud Salins, Karine Bobier, présidente du comité de gestion et des parents d’élèves et Dramane Coester, consul de France. )

Nos relations économiques présentent elles une marge certaine de progression, dans ce pays stratégique, corridor entre mer Caspienne et Europe et porte d’entrée potentielle sur l’ensemble du Caucase. Ce pays est aussi fait de paradoxes et il est surprenant d’apprendre que ce pays est un très grand exportateur de voitures alors même qu’il ne s’en produit pas sur son territoire..

Parmi les accords bilatéraux entre la Géorgie et la France, nous pouvons noter un accord de protection des investissements entré en vigueur en 2000 et un accord visant à éviter les doubles impositions de 20007. Le mécanisme assurance-crédit Coface a été ouvert au profit de la Géorgie en 2009.

Le cadre de sécurité juridique est donc là pour encourager nos échanges commerciaux, mais ils ne sont toujours pas au niveau qu’ils me semble devoir occuper. La France n’a qu’une part de marché d’environ 2%, et avec des exportations françaises à moins de 90 Millions d’Euros (essentiellement produits pharmaceutiques – 28%, biens d’équipements – 25% produits agroalimentaires -14% et cosmétiques 12%. De son côté la Géorgie importe à hauteur de 30 millions d’Euros (chiffres 2011) essentiellement (53%) des produits chimiques et, pour un montant de 12%, de produits agricoles.

Certes le marché géorgien est de petite taille, avec 4 millions et demi d’habitants seulement, avec un revenu par habitant d’environ 3100 USD, mais ce marché représente un potentiel important pour nos entreprises, ne serait-ce que pas sa situation stratégique. D’autant que nous y jouissons d’une excellente image, et que nos politiques d’assurance-crédit et d’aide-projet, tout comme les financements de l’AFD devraient encourager nos investisseurs, en particulier dans les secteurs des transports, de tourisme et d’agriculture.

Annexe : Programme du 83ème séminaire Rose-Roth de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN