C’est la quatrième fois depuis mon entrée au Sénat que je me rends en Tunisie. J’y étais allée la première fois, en septembre 2008, dans le cadre d’une mission conduite par Jean-Pierre Raffarin pour une série de réunions économiques, avec en particulier un long entretien avec Mohamed Ghannouchi, alors Premier Ministre depuis neuf ans. Sa sagesse, sa sincérité et son engagement au service du progrès économique et social de son pays m’avaient très favorablement impressionnée.
Ma deuxième visite eut lieu à l’occasion des cérémonies du 11 novembre 2009 dans le magnifique cimetière français de Gammarth. J’avais profité de cette visite pour tenir de nombreuses réunions, tant avec la communauté française, et notamment l’UFE qu’avec les ministres tunisiennes de la famille et des femmes. Je m’étais également rendue en compagnie de notre élue Madeleine Ben Naceur à Sfax pour notamment y tenir une permanence et rencontrer la communauté française de cette ville.
Mon dernier déplacement eut lieu l’an dernier (27 avril au 3 mai 2012) à l’occasion de la fête du Muguet dont j’étais l’invitée d’honneur. J’avais profité de ce déplacement pour aller voir la communauté française de Djerba et là encore tenir diverses réunions.
Cette fois-ci ma visite s’est effectuée dans le cadre d’une mission de la Commission des Affaires étrangères sur les évolutions au Maghreb après les Printemps arabes. Ma collègue sénatrice du Nord, et ancienne ministre du tourisme Michèle Demessine (PC) et moi-même étions en effet chargées plus particulièrement du dossier Tunisie dans ce groupe de travail. Nos interrogations portaient plus particulièrement sur la capacité d’Ennahda et du gouvernement formé par ce parti islamiste de sortir la Tunisie de la crise politique et morale, de relancer l’économie, finir de rédiger la Constitution et organiser des élections démocratiques d’ici la fin de l’année. Le contraste était en effet frappant entre les déclarations rassurantes des responsables Ennahda et les accusations portées par la société civile de complicité avec les islamistes durs, voire les terroristes. La fracture est très profonde, et nous avons été surprises de voir la manière dont un ministre d’Ehnada se faisait huer lors d’une soirée d’humour et de poésie consacrée à la « Tunisie éternelle » dans le plus grand théâtre de Tunis..
L’Ambassadeur François Gouyette, que j’avais eu le privilège de rencontrer il y a trois ans en Libye, huit mois seulement avant le soulèvement de février 2011 contre le régime de Khadafi, nous avait préparé un très riche et intense programme de rencontres, inauguré par un petit-déjeuner matinal pour faire le point sur tous les dossiers du pays avec les différents chefs de service de l’ambassade.
Nous pûmes ainsi avoir de longs échanges à la fois avec le Premier Ministre Ali Larayedh et des membres éminents de son gouvernement, dont le Ministre des Affaires étrangères Othman Jarandi et le Ministre de la Défense Rachid Sabbagh, mais aussi avec le Président de l’Assemblée nationale constituante (ANC) Moustapha Ben Jaafar, la première vice-présidente de l’ANC Maherzia Labidi et les dirigeants des principaux partis (Nejib Chebbi pour le Parti républicain, Hamma Hammami pour le Front populaire, Béji Caïd Essebsi pour l’Appel de la Tunisie et Rached Ghannouchi pour Ennahda)
La société civile n’avait bien sûr pas été oubliée et nous eûmes là encore de passionnantes discussions avec nombre d’intellectuels, politologues, analystes, juristes constitutionnalistes, responsables d’ONG, avant de terminer notre court et très intense programme par la rencontre des syndicalistes d’UGTT (Union Générale Tunisienne du Travail).
Mon principal regret, en quittant le pays était de n’avoir pu me rendre au à Kairouan pour participer à la commémoration du 8 mai 1945, au cimetière musulman de Haffouz. Des questions d’agenda et de sécurité nous avaient en effet interdit ce déplacement.
L’agenda très dense de ce déplacement ne m’a non plus pas permis, cette année, de rencontrer la communauté française de Tunisie, mais j’ai pu évoquer les dossiers en cours de notre communauté (éducation, visas des conjoints, aide sociale etc..) lors d’un point matinal avec les chefs de service de l’ambassade.
J’espère pouvoir revenir bientôt dans ce pays passionnant, francophile et francophone dont les rapides évolutions politiques, sociales et économiques auront une influence décisive dans toute la région. La Tunisie avait toujours été un modèle, un fer de lance des idées progressistes, notamment en termes de protection et de soutien aux femmes, pour toute la région. J’ose espérer qu’elle saura, grâce à une société civile dynamique, jeune, bien éduquée, laïque et ouverte sur le monde, redevenir un catalyseur de progrès dans la région. La France se doit de l’aider sur cette voie. Il nous faudra pour cela éviter toute naïveté face à une situation d’une grande complexité et surtout toute complaisance avec le pouvoir en place.
(Vous pourrez avoir accès au rapport de la commission des affaires étrangères consacré aux Printemps arabes dès sa mise en ligne en cliquant ici)