Juil 02 2013

Convention OSPAR pour la protection du milieu marin de l’Atlantique Nord-Est

Mon intervention dans la discussion générale, au nom du groupe UMP :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons en ce début de soirée autorise l’approbation des amendements aux annexes II et III de la convention OSPAR pour la protection du milieu marin de l’Atlantique du Nord-Est, relatifs au stockage des flux de dioxyde de carbone dans des structures géologiques.

Nous allons donc nous prononcer sur ce qui semble être, de prime abord, une simple convention internationale. Pourtant, et notamment à la vue des enjeux introduits par les amendements aux annexes II et III de la convention, il s’agit d’un sujet majeur, et ce moins par la dimension diplomatique que par l’impact environnemental que ces amendements sont susceptibles d’engendrer.

Si l’on peut se réjouir que cette convention soit examinée dans le cadre d’une procédure normale – et non simplifiée –, je regrette qu’elle n’ait été abordée que sous l’angle du ministère des affaires étrangères – avec tout le respect que je lui dois – et, aujourd’hui, en présence de Mme la ministre déléguée chargée des Français de l’étranger.

En effet, cette convention touche d’abord et avant tout la protection du milieu marin de l’Atlantique du Nord-Est. Cette zone de 13,5 millions de kilomètres carrés est aussi sensible – c’est un euphémisme – que stratégique, et ce à plus d’un titre.

Tout d’abord, géographiquement, les pays riverains de cette zone, tels le Canada, le Danemark, la Norvège, la Russie et les États-Unis, sont engagés dans une coopération destinée à empêcher toute internationalisation des enjeux arctiques.

De son côté, l’Union européenne a défini une politique fondée sur ces trois axes majeurs que sont la protection et la préservation de l’Arctique, la promotion de l’exploitation durable, en accord avec les populations locales, et la contribution à une meilleure gouvernance.

Stratégiquement parlant, il n’aura échappé à personne qu’en termes de ressources énergétiques l’Arctique est et sera de plus en plus convoitée, à mesure que les ressources en énergies fossiles diminueront. Les réserves pétrolières de cette zone représenteraient 13 % des ressources mondiales encore non découvertes, et les réserves de gaz naturel atteindraient 30 % de ces ressources mondiales. Elles sont situées essentiellement en Russie et en Alaska.

En matière environnementale, l’Arctique est unique sur le globe, de par sa composition physique qui fluctue entre l’hiver et l’été. L’hiver, la moitié de sa superficie est composée de la banquise. Or, depuis les années 2000, on observe que la fonte des glaces augmente considérablement et que la banquise se réduit considérablement. Entre 1979 et 2000, la superficie de la banquise est passée de 6,5 à 3,4 millions de kilomètres carrés. Aussi, la fonte des glaces en été se révèle désormais plus importante que la reconstitution de la banquise en hiver.

Au sujet de ce phénomène, on a assisté à de nombreuses polémiques, opposant de nombreux experts. Certains d’entre eux vont jusqu’à prétendre que ces bouleversements sont totalement indépendants des émissions de gaz à effets de serre.

Certes, nous ne sommes pas là pour consacrer un débat de fond à cette question, car nous ne sommes ni des scientifiques, ni des climatologues ni des océanographes. Mais nous n’en devons pas moins assumer les responsabilités qui résultent des choix politiques que nous soutenons.

Pour ma part, je me contenterai d’observer les faits, car eux sont là : on ne peut nier que cette résorption importante de la banquise est plus qu’inquiétante. À cet égard, je me référerai au discours, si souvent cité, qu’a prononcé Jacques Chirac en septembre 2002 lors du Sommet de la Terre à Johannesburg : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. »

Cette fonte de la banquise met en péril un écosystème des plus fragiles, unique par sa diversité végétale et animale. Rappelons-nous que c’est pour lutter contre ces phénomènes qu’a été conclue, en 1972, la convention d’Oslo pour la prévention de la pollution marine par les opérations d’immersion. En 1974, son champ d’action a été élargi aux rejets d’origine tellurique et à l’industrie pétrolière par la convention de Paris.

La convention OSPAR de 1992, c’est – passez-moi l’expression – la fusion et l’actualisation de ces deux conventions. C’est la coopération de quinze États du bassin versant de l’Atlantique du Nord-Est et de l’Union européenne destinée à protéger cette zone. Toutefois, selon moi, il est important de nous rappeler que cette zone représente non pas un « poumon vert » de la planète mais un « poumon blanc » pour l’humanité, parce que l’Atlantique nord absorbe le dioxyde de carbone atmosphérique, en particulier les émissions issues des activités humaines. En effet, l’Atlantique nord constitue une zone de stockage naturel du CO2 anthropique.

Selon une récente étude franco-espagnole menée conjointement par le CNRS et l’Instituto de Investigaciones Marinas, l’Atlantique nord constitue aujourd’hui l’un des principaux réservoirs de CO2 anthropique.

Pour comprendre le mécanisme de « stockage naturel », il est impératif de prendre en compte la circulation océanique entre les hémisphères Nord et Sud. L’absorption du CO2 s’opère grâce aux courants qui transportent en surface les eaux chaudes vers les hautes latitudes, et en profondeur les eaux froides vers le sud. Les scientifiques nomment « circulation atlantique méridienne » ce mécanisme qui crée un puits océanique de carbone.

Or cette circulation permettant l’absorption de nos émissions de CO2 subit un fort ralentissement, ce qui contribue au réchauffement climatique.

Ainsi, mes chers collègues, vous me permettrez d’exprimer une certaine perplexité quant à ce projet de loi, qui amende une convention censée à l’origine protéger ce « poumon blanc » qu’est cette zone de l’Atlantique Nord-Est.

En effet, initialement, l’annexe II de la convention tendait à supprimer les pollutions produites par les opérations d’immersion ou d’incinération en mer de déchets et d’autres matières, et l’annexe III tendait à supprimer les pollutions de source offshore. Enfin, l’ajout à l’annexe V interdisait l’immersion de déchets en mer.

Or, depuis 2007, des négociations ont été engagées quant à la possibilité de stocker les flux de CO2 d’origine anthropique dans les structures géologiques du sous-sol sous-marin. Ces discussions se fondent sur les avancées technologiques concernant les possibilités de stockage du CO2. La première méthode repose sur le transport par canalisations à l’état liquide nécessitant des installations de compression sur le site d’émission et de captage avant expédition du CO2 capté par canalisation. Aussi, la qualité du flux doit être majoritairement constituée de dioxyde de carbone.

Le transport est effectué par navire à l’état liquide du CO2 après son acheminement par canalisation vers un terminal portuaire. Ce mode est utilisé pour les très longues distances.

Or il est capital que ces navires, de types semi-pressurisé et dont les caractéristiques sont proches de grands pétroliers, offrent des garanties maximales en matière de sécurité.

Les exemples de pollutions marines suite à des naufrages ne manquent pas. Cela doit nous inspirer la plus grande prudence et la plus grande rigueur. Le naufrage du navire indien MOL Comfort, le 20 juin dernier, alors qu’il transportait 1 700 conteneurs, dont 1 500 tonnes de fioul de propulsion, en constitue un exemple de plus, illustrant la vétusté de bon nombre des porte-conteneurs ou des supertankers affrétés par des armateurs qui ne respectent pas toujours les normes et la législation en matière de sécurité et de contrôle.

Moins récemment, mais de manière plus catastrophique, le naufrage de l’Erika et le procès qui a suivi nous rappellent que les risques écologiques méritent que l’on travaille véritablement à mettre en place des politiques rigoureuses, notamment en matière de sécurité.

Le premier amendement à la convention concerne l’annexe II de la convention relative à la prévention et à la suppression de la pollution par les opérations d’immersion ou d’incinérations. À l’article 3, paragraphe 2, les flux de CO2 résultant des processus de captage du CO2 en vue de son stockage sont ajoutés à la liste des déchets ou autres matières pouvant faire l’objet d’une autorisation d’immersion.

Le second amendement porte sur l’annexe III de la convention OSPAR relative à la prévention et la suppression de la pollution provenant de sources offshore. Est ajouté à l’article 3, paragraphe 2, le stockage de CO2 à partir d’une exploitation offshore.

Parallèlement, le texte précise que des autorisations spécifiques seront accordées, et que les opérateurs seront tenus de vérifier la qualité des flux de CO2 injectés dans les structures géologiques. Nous ne pouvons que nous en féliciter, car c’est un minimum compte tenu des risques d’infiltration et de fuites qui pourraient intervenir.

Je sais, mes chers collègues, que certains pays parties à la convention, en particulier le Royaume-Uni et les Pays-Bas, développent des programmes de stockage en mer du Nord. L’Union européenne finance également, depuis 2000, 49 projets dans le cadre de ses programmes de recherche et développement. Des projets similaires ont reçu le feu vert de l’administration Obama, lesquels promettent un stockage équivalant à 500 années d’émission de CO2.

Je suis consciente que ces programmes sont aussi des moteurs pour l’innovation et de futurs marchés, dont nous ne pouvons nous désintéresser.

Toutefois, je souhaite que ces nouveaux procédés de stockage de déchets ne soient pas un « bon à polluer davantage ». Ces technologies nous offrent aujourd’hui un sursis. Un sursis qui doit nous conduire à nous engager chaque jour un peu plus non dans le développement d’énergies renouvelables, mais dans la production effective d’énergies non polluantes.

Cependant, alors que, dans cette assemblée, nous avons adopté en mai dernier l’inscription du préjudice écologique dans notre droit commun, il ne s’agirait pas de jouer aux apprentis sorciers, pour reprendre l’expression de l’un de mes collègues lors du vote en commission.

Aussi, vous me permettrez d’exprimer quelques regrets. Alors que notre assemblée législative a accueilli, en 2011, un groupe parlementaire animé par la défense de l’écologie et que, par ailleurs, nous avons désormais une commission dédiée au développement durable, peut-être aurait-il été judicieux que cette commission soit saisie pour avis, même s’il s’agit d’une convention internationale, d’autant plus que » ce texte n’était pas soumis à la procédure simplifiée.

Sur un tel sujet, lourd de tels enjeux, il me paraît primordial que le Parlement puisse être informé le mieux possible. Notre commission travaille beaucoup, sur de multiples sujets, et je tiens en remercier le président Carrère. Elle ne peut cependant couvrir et traiter tous les enjeux de ce texte. Je trouve donc dommageable que les spécialistes de la commission du développement durable de notre assemblée ne se soient pas saisis des questions que pouvait soulever ce projet de loi.

Bien sûr, beaucoup me répondront qu’une étude d’impact a été réalisée par le ministère des affaires étrangères et européennes en 2012, et que les ordres du jour sont saturés. Mais, quitte à débattre, nous aurions pu le faire d’une façon différente, qui aurait fait honneur à la Haute Assemblée.

Enfin, si le groupe UMP votera ce texte, nous souhaiterions obtenir quelques informations complémentaires du Gouvernement. Madame la ministre, pouvez-vous nous dire dans quelle mesure ce texte souscrit au principe de précaution qui prévaut dans notre droit commun ? De même, dans quelles mesures ces futurs stockages seront-ils contrôlés par les instances internationales ? Enfin, et parce que, pour les responsables politiques que nous sommes, il importe autant de prévoir que de guérir, quelles sont les modalités prévues en cas de fuite de CO2 dans les structures géologiques ?

Je vous remercie dès à présent de vos réponses et vous confirme le vote positif du groupe UMP.