Sep 19 2013

Interdiction du cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur

A l’occasion de l’examen du projet de loi sur l’interdiction du cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur, j’ai défendu – et fait adopter – un amendement visant à interdire aux parlementaires de se présenter aux élections consulaires. Voici l’extrait du compte-rendu intégral correspondant :

L’amendement n° 29, présenté par Mme Garriaud-Maylam, est ainsi libellé :

Alinéa 16
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 13° Les fonctions de conseiller consulaire.

La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Cet amendement vise à corriger les vices rédactionnels d’une disposition votée par l’Assemblée nationale qui instaure une incompatibilité entre le mandat de parlementaire et ceux de président de l’Assemblée des Français de l’étranger, de membre du bureau de l’Assemblée des Français de l’étranger et de vice-président de conseil consulaire.

Étendre le principe du non-cumul des mandats aux Français de l’étranger, à condition bien sûr que ce projet de loi organique soit adopté, me semble essentiel, mais la rédaction adoptée à l’Assemblée nationale est à la fois trop restrictive dans ses effets et peu cohérente sur le plan juridique.

La distinction entre simple conseiller consulaire et vice-président de conseil consulaire n’a guère de sens. La loi n’alloue en effet aux vice-présidents des conseils consulaires aucun statut juridique spécifique, aucune prérogative propre. Ils ne peuvent même pas présider une réunion du conseil consulaire en l’absence de leur président, dont la loi exige qu’il s’agisse d’une personnalité non élue – en pratique, le chef du poste consulaire.

Les références à l’Assemblée des Français de l’étranger n’ont pas leur place dans un texte relatif aux fonctions exécutives locales. Ce sont les conseils consulaires, et non l’AFE, qui sera leur émanation parisienne, qui sont l’instance se rapprochant désormais le plus d’un conseil municipal.

Cette disposition est par ailleurs redondante. En effet, interdire le cumul d’un mandat de parlementaire avec celui de conseiller consulaire se traduirait de toute façon par un non-cumul à l’AFE, dans la mesure où l’ensemble des élus à l’AFE sont aussi par obligation légale des conseillers consulaires.

Surtout, c’est l’esprit même de la toute récente loi relative à la représentation des Français établis hors de France qui est menacé par la rédaction actuelle de cet alinéa. On prétend accroître la démocratie de proximité ? Autoriser un parlementaire à se présenter à l’élection consulaire, c’est tout l’inverse !

Les conseillers consulaires sont censés réaliser un travail quotidien de terrain dans leur circonscription consulaire. Le cumul entre une fonction locale et un mandat national ne se pose pas dans les mêmes termes à l’étranger et en métropole. La participation aux travaux parlementaires parisiens ne peut qu’empêcher une présence suffisante dans une circonscription consulaire dont la taille varie pour aller d’une unique ville à une petite dizaine de pays. Cet ancrage local des conseillers consulaires est la condition de leur complémentarité avec le travail plus global réalisé par les députés et les sénateurs.

Permettre aux parlementaires de se présenter aux élections consulaires contreviendrait aussi au principe constitutionnel d’égalité des candidats.

La loi n’octroie aucun moyen de campagne aux futurs candidats aux conseils consulaires, tandis que les parlementaires, eux, sauront mobiliser leur notoriété et les avantages matériels que leur confèrent leurs fonctions en termes de communication et de déplacement, d’autant qu’aucun compte de campagne n’est exigé pour les élections des conseils consulaires.

Le poids que pourraient avoir les parlementaires dans un conseil consulaire ou au sein de l’AFE serait d’autant plus disproportionné que le nombre d’élus de terrain dans ces instances est désormais réduit à la portion congrue : de un à neuf élus dans des conseils consulaires accueillant pléthore de personnalités non élues !

Dans la configuration juridique actuelle, le seul moyen pour un parlementaire de participer à l’AFE est de se faire élire comme conseiller consulaire. Si le cumul n’est pas interdit, des parlementaires, même ceux qui sont hostiles par principe au cumul, seront contraints de se présenter aux élections consulaires pour conserver une voix dans cette AFE.

Quel dévoiement du système, mes chers collègues ! D’autant que si les vingt-trois parlementaires représentant les Français de l’étranger deviennent membres de l’AFE, ils représenteront alors plus du quart des membres de cette instance.

J’attire enfin votre attention sur le risque de conflit d’intérêt. Les 444 conseillers consulaires constitueront désormais 85 % du corps électoral des sénateurs représentant les Français de l’étranger. Dès lors, permettre à des sénateurs d’intégrer ce collège me semblerait malsain, surtout au vu de son étroitesse. Le risque de manipulation serait alors patent.

Lors du vote de la réforme de l’AFE, le rapporteur comme le Gouvernement n’avaient pas exprimé de réserve sur le fond quant au principe du non-cumul, se contentant d’indiquer que la mesure relevait d’une loi organique. (Marques d’agacement sur les travées du groupe socialiste.)

C’est donc le moment, mes chers collègues, de traduire les idées en actes, et j’espère que sur toutes les travées de cet hémicycle, vous saurez reconnaître le bien-fondé de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Simon Sutour, rapporteur. L’amendement n° 36 vise à interdire le cumul du mandat parlementaire avec tout autre mandat local, même non exécutif, à l’exception de celui de conseiller municipal dans les communes de moins de 100 000 habitants. Je crois que l’on a trouvé un équilibre en permettant l’exercice d’un mandat local non exécutif à un parlementaire. La commission des lois a émis un avis défavorable. […] Enfin, la commission des lois a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 29.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Concernant l’amendement n° 36, je rappelle que le Gouvernement a souhaité réaliser une avancée importante en interdisant le cumul de fonctions exécutives avec un mandat parlementaire, mais il considère que l’interdiction d’exercer un mandat simple, comme ceux de conseiller départemental ou régional, n’est pas souhaitable. Il n’y a pas de seuil à instaurer en l’espèce et exprime donc un avis défavorable.

Concernant l’amendement n° 29, j’indiquerai que le Gouvernement a souhaité, pour ces mandats, réaliser la même avancée.

Les raisons pour lesquelles le Gouvernement propose d’interdire le cumul d’une fonction exécutive avec un mandat parlementaire tiennent notamment à la nécessité de dégager, pour les parlementaires et les titulaires des fonctions exécutives concernées, le temps nécessaire à l’exercice de leurs fonctions. En revanche, le Gouvernement n’estime pas souhaitable d’interdire aux parlementaires d’être candidats à un mandat simple comme celui de conseiller consulaire. C’est pourquoi le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

[…]

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote sur l’amendement n° 29.

M. Jean-Yves Leconte. En tant que rapporteur de la loi relative à la représentation des Français établis hors de France, je devrais me réjouir que Mme Garriaud-Maylam, qui ne l’a pas votée, en appelle, quelques mois plus tard, à l’esprit de ce texte !

Mais je voudrais, malgré les longues explications que vous avez données, madame, au soutien de votre amendement, souligner, en particulier à l’intention de vos collègues et de ceux qui voudraient conserver la possibilité de cumuler un mandat exécutif local avec un mandat de parlementaire, que votre argumentation va beaucoup plus loin dans le non-cumul que le projet de loi, dans la mesure où elle pourrait s’appliquer à tous les mandats de la République, à tous les mandats locaux…

Votre raisonnement revient à interdire le cumul de tout mandat local, même un simple mandat de conseiller municipal ou de conseiller général, avec un mandat parlementaire.

C’est donc tout à fait autre chose. Comme il n’y a aucune raison de traiter un mandat de conseiller consulaire différemment des autres mandats locaux, je ne comprends pas cet amendement…

M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour explication de vote.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. J’avoue que je suis assez amusée, et en même temps assez attristée, par ce que j’entends. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.) D’une part, j’ai l’impression très nette que l’on n’a pas écouté la présentation de mes arguments, qui me paraissait pourtant assez claire.

Que le rapporteur de cette loi socialiste soit contre mon amendement ne m’étonne pas. Je sais bien qu’il y a malheureusement des questions de principe : avec la logique gauche contre droite, on n’acceptera pas un amendement venant de ce côté-ci de l’hémicycle.

Mais il y a tout de même une hypocrisie absolument incroyable ! Nous participons à une véritable parodie ! Le rapporteur de cette loi est en train de nous dire que le mandat de conseiller consulaire serait le même que celui de conseiller municipal. Mais de qui se moque-t-on ? Je vous invite, mes chers collègues, à lire cette loi, au demeurant une très mauvaise loi – si mauvaise que, même sur les travées de gauche, la plupart des élus en sont très mécontents et reconnaissent eux-mêmes qu’elle constitue une aberration !

Alors, si j’ai voté contre le projet de loi relatif à la représentation des Français établis hors de France – et j’en suis fière –, je voudrais simplement souligner l’incohérence de cette position de la gauche, qui nous dit aujourd’hui vouloir le non-cumul, mais surtout pas sur ce sujet-là !

Pourtant, mes chers amis, la gauche nous institue un conseil consulaire qui n’a absolument aucun moyen, dont le président est un non-élu, où les vice-présidents n’ont même pas le droit de représenter le président…

Excusez-moi, mais c’est une parodie qui, selon moi, fait honte à la démocratie et à la gauche ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 29.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l’amendement.) – (Rires et applaudissements sur les travées de l’UMP.)