Nov 15 2013

Prostitution : les hésitations de Valls sur le délit de racolage (JDD)

Le ministre de l’Intérieur n’est pas parvenu à trancher, jeudi, sur la suppression du délit de racolage proposée par la députée Maud Olivier dans son projet de loi. Pourtant, les chiffres peu probants parlent d’eux-mêmes.

Il n’est pas contre, mais il n’est pas tout à fait pour non plus. Manuel Valls a donné un avis mitigé, jeudi, sur la suppression du délit de racolage voulue par la loi contre la prostitution, alors qu’il était interrogé par la commission de l’Assemblée nationale chargée d’examiner le texte. Pour le ministre de l’Intérieur, cette idée « peut paraître logique », mais ce délit permet d’obtenir des renseignements sur les réseaux de proxénétisme et aide à la gestion de l’ordre public. Avant de nuancer son propos, déclarant qu’il était « difficile aujourd’hui d’affirmer un lien certain entre le nombre de faits de racolage public constatés et le démantèlement des réseaux de proxénétisme. »

A l’époque, cette proposition du candidat Hollande avait été vivement critiquée par la droite : le député du Nord UMP Sébastien Huyghe la jugeait en mars 2012 « naïve et laxiste », se demandant si « les filières mafieuses de prostitution auraient le droit de prospérer sans aucune inquiétude à l’avenir. » En mars dernier, la sénatrice UMP Joëlle Garriaud-Maylam évoquait un délit de racolage « certainement insuffisant, mais qui a le mérite d’exister. » Les sénateurs UMP ont d’ailleurs voté contre le projet de loi. En vain.

« Toucher les proxénètes au porte-monnaie »

Quoiqu’il en soit, comme l’évoque Manuel Valls, les chiffres traduisent bien l’inefficacité de cette loi votée en 2003 : pour l’année 2009, 2.315 personnes ont été mises en cause pour racolage actif et passif. Seulement 465 personnes l’ont été pour proxénétisme, sans qu’aucune d’entre elles ne soient condamnées. « Nous avons auditionné les services de police et de la gendarmerie, qui font également part de leur réserve », explique au JDD.fr Maud Olivier, la rapporteure du texte à l’Assemblée. « Les prostituées ne parlent pas car elles ont peur. Ce dispositif n’est donc pas du tout probant », poursuit-elle. Pour la députée socialiste, il faut plutôt miser sur la responsabilisation du client, proposition qui fait polémique depuis plusieurs mois, et exercer sur lui « une pression pour obtenir des renseignements sur les réseaux par lesquels il passe », car « il aura tout intérêt à être coopératif. »

Et de détailler d’autres moyens de lutter contre les réseaux : doter l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle (OCRET) et les forces de police de moyens supplémentaires, bloquer les sites de prostitution via les fournisseurs d’accès Internet, « comme cela existe déjà pour les sites pédophiles », mais aussi mettre en place une coopération au niveau internationale. « Avec la Roumanie et la Bulgarie, on a déjà de bons résultats », constate Maud Olivier, « mais cela risque d’être beaucoup plus difficile avec des pays comme le Nigeria », note-t-elle. Elle préconise par ailleurs de travailler sur la confiscation des biens des proxénètes : « Ils ne font ça que pour l’argent, il faut donc les toucher au porte-monnaie », conclut-elle.

En mars dernier, les sénateurs ont déjà adopté le texte de loi en première lecture. Le texte, qui prévoit, en plus de la suppression du délit de racolage, une amende pour sanctionner le client et un « stage de sensibilisation » comme « alternative aux poursuites », sera de nouveau débattu les 25 et 27 novembre par les députés.

Thomas Roure – leJDD.fr