Le Sénat débattait hier de la loi sur la Vente à distance de livres, visant « à rétablir une juste concurrence » entre les libraires, les vrais, et les plateformes internet, soulignait la ministre de la Culture. La proposition de loi, adoptée à l’unanimité des suffrages exprimés, vise l’interdiction de fournir le service de livraison à domicile à titre gratuit, lorsque le livre est commandé sur un site de vente en ligne. De la sorte, les sociétés de e-commerce ne pourront, s’agissant du livre, ni proposer une remise de 5 % sur le prix fixé par l’éditeur, ni offrir les frais de port.
Comme prévu, la PPL a été adoptée sans trop de discussions, permettant à la ministre de se réjouir.
Cette PPL apporte une modification de la loi Lang, les rédacteurs ne pouvaient à l’époque pas envisager l’existence même du e-commerce soulignait la rapporteure, Mme Khiari. Chacun défendra bien entendu l’existence des librairies indépendantes, des lieux de relations humaines, et l’attachement des sénateurs aura été inversement proportionnel au nombre de personnes présentes pour ces discussions.
Pour le sénateur Jacques Legendre, UMP, « les offres avantageuses d’Amazon sont un facteur de déstabilisation supplémentaire de nos librairies ». Et cette concurrence menace les libraires indépendants, sur le long terme.
Soulignons toutefois l’intervention de Nathalie Goulet, seule peut-être à envisager que la législation n’aura que peu ou pas d’incidence réelle. « Je comprends que la concurrence est violée par Amazon, mais quelle efficacité de ces dispositions ? », interrogera-t-elle.
C’est qu’en légiférant sur les pratiques, pour améliorer, ou rustiner la loi Lang, on passe à côté des questions de fiscalités, bien plus importantes. Les sénateurs ont conscience de ce point, mais la sénatrice le clame : « On ne peut pas intervenir que sur les frais de port, il faut une réflexion sur la fiscalité numérique. » Et de voir dans la PPL une « mesure importante, mais surtout psychologique et cosmétique ».
Joëlle Garriaud-Maylam ne dira pas autre chose : « Je ne crois pas que la diabolisation de la vente de livres par internet soit une réponse. » Elle évoquera également les difficultés rencontrées pour l’achat de livres depuis les pays francophones. Dans tous les cas, l’article aura été adopté sans peine avec un délai de trois mois pour sa mise en application. La PPL nécessitera, pour être opérationnel, des adaptations techniques.
On pourra se demander avec humour si Guillaume Champeau, de Numerama, n’a finalement pas bien résumé les choses avec ce tweet
L’autre point, ce fut l’article additionnel habilitant le gouvernement à procéder par ordonnance aux modifications des dispositions du code de la propriété intellectuelle relatives au contrat d’édition tirant les conséquences de cet accord.
Là, on va sourire : plusieurs sénateurs indiqueront que le procédé est un peu audacieux, on parle même de cavalier législatif. Étrangement, le fil Twitter du Sénat n’en touche pas un mot.
« Vous m’embarrassez. Vous découvrez au Sénat qu’il y a urgence à donner force obligatoire à un accord signé en mars 2013 ! Nous sommes d’accord sur le fond, mais demander à des parlementaires, dans le cadre d’une proposition de loi, de se déposséder de leurs prérogatives, c’est plus qu’audacieux, presque insupportable ! Nous ne vous suivrons donc pas sur ce point », explique le sénateur Legendre.
Mais en dépit des protestations d’usage, visant surtout le gouvernement, personne ne s’opposera, sur le fond, à cet article.
La Petite loi est publiée à cette adresse (document provisoire)
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