Question écrite n° 12286 adressée à Mme la secrétaire d’État, auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargée du développement et de la francophonie (JO du 26/06/2014) :
Mme Joëlle Garriaud-Maylam interroge Mme la secrétaire d’État, auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargée du développement et de la francophonie sur les mesures qui pourraient être prises pour empêcher l’agence française de développement (AFD) et ses filiales d’accorder des financements destinés à l’aide au développement via des fonds domiciliés dans des paradis fiscaux.
D’après le « Canard enchaîné », plus de 400 millions d’euros d’aide au développement auraient, ces dix dernières années, été investis par Proparco dans des sociétés offshore. Aucune transparence n’est faite sur ces investissements qui transitent par des paradis fiscaux figurant sur la liste noire de l’organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), puisque les rapports annuels ne mentionnent que les pays des bénéficiaires finaux des fonds auxquels l’AFD apporte son concours et non les fonds d’investissements eux-mêmes. Des mesures de transparence seraient également nécessaires au sujet de ces bénéficiaires finaux.
S’il n’est en soi pas condamnable que l’AFD cherche à faire fructifier les fonds qui lui sont confiés afin d’accroître les montants disponibles pour l’aide publique au développement, il importe que ces investissements répondent à des critères de responsabilité sociale et environnementale minimaux.
Elle demande que l’AFD s’engage à ce que ses filiales n’investissent plus dans des paradis fiscaux et qu’elle mette en place des mécanismes de transparence quant à sa politique d’investissements, comprenant à la fois les bénéficiaires finaux et les intermédiaires.
Réponse de Mme la secrétaire d’État, auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargée du développement et de la francophonie (JO du 6/11/2014, page 2494):
La secrétaire d’État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargée du développement et de la francophonie, accorde une grande importance à la transparence de l’aide française au développement. Cette transparence est essentielle pour nouer des relations de confiance avec les partenaires de la France, améliorer l’efficacité de ses actions et éclairer les contribuables. C’est pourquoi le Gouvernement a souhaité en faire une orientation forte de la loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale. Celle-ci dispose en particulier que : « la France s’engage à faire de la transparence de son aide une priorité. Conformément aux conclusions du forum de haut niveau de Busan de 2011 sur l’efficacité de l’aide, qui visent à l’établissement d’un standard commun, elle améliore le nombre et la qualité des informations sur son aide publiées sur les sites gouvernementaux. Elle lance également des projets pilotes destinés à publier en temps réel les informations sur les projets qu’elle finance, à l’instar de celles qu’elle a commencé de publier sur ses activités au Mali. » La secrétaire d’État veillera à la déclinaison de la loi dans l’ensemble des activités menées au titre de l’aide au développement, quels que soient les acteurs qui la mettent en œuvre.
Dans ce contexte, l’Agence française de développement (AFD) a engagé des démarches spécifiques visant à renforcer sa politique de transparence, de sécurité financière et de responsabilité sociale et environnementale (RSE). Le 8 novembre 2012, l’Agence française de développement a présenté à son conseil d’administration une série de mesures et de dispositions destinées à renforcer sa politique de sécurité financière. Cette refonte s’est traduite par un renforcement des exigences du groupe AFD en matière de lutte contre la corruption et la fraude. Elle a conduit à renforcer la politique générale de l’Agence française de développement et de Proparco (filiale de l’AFD dédiée aux investissements privés dans les pays en développement) en matière de lutte contre la corruption, la fraude, les pratiques anticoncurrentielles, le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Concernant plus particulièrement la possibilité d’intervenir dans les juridictions non-coopératives (JNC), un projet ne peut y être financé que s’il est réalisé dans la JNC, ce qui exclut les prises de participation dans des fonds d’investissement immatriculés dans des juridictions non-coopératives.
Il est important de noter que la politique de sécurité financière de l’Agence française de développement va plus loin que la loi française dans sa définition des juridictions non-coopératives. Les JNC sont, en effet, définies pour le groupe AFD par le code général des impôts, et incluent, depuis avril 2013, les pays que le forum mondial de l’OCDE sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales considère comme ne pouvant pas passer à la phase II de la revue par les pairs. Les juridictions mentionnées dans l’article de presse (Île Maurice, Îles Caïmans, Luxembourg, Chypre) ne font partie d’aucune de ces deux listes. La politique de responsabilité sociale et environnementale de l’AFD, à la mise en œuvre de laquelle la secrétaire d’État chargée du développement et de la francophonie est très attentive, vient d’être renforcée, de même que l’a été celle de Proparco. Proparco s’assure que les fonds dans lesquels il investit ont une politique et des procédures en matière d’évaluation et de maîtrise des risques environnementaux et sociaux, et suit annuellement ces impacts. Proparco renforce également sa politique de transparence dans la limite de ce qu’il peut communiquer, eu égard au respect du secret bancaire, c’est-à-dire avec l’accord des bénéficiaires ; et surtout eu égard aux possibilités techniques de connaître les bénéficiaires finaux (ce qui est particulièrement complexe dans des projets de financement de fonds qui toucheront, en bout de chaîne, des petites, voire des microentreprises). Mais le conseil d’administration de Proparco est informé de l’ensemble des opérations financées par Proparco.
La loi sur la politique de développement et de solidarité internationale, adoptée récemment, consacre l’interdiction d’investir dans des montages artificiels logés dans des juridictions non-coopératives. Cela permettra d’éviter à l’avenir ces montages dans les paradis fiscaux. Le contrat d’objectifs et de moyens que les tutelles ont validé avec l’Agence française de développement, après prise en compte des avis du Sénat et de l’Assemblée nationale, fait référence à la loi, renforçant l’attention qui doit être prêtée à ces mécanismes relevant de la transparence et de critères de responsabilité sociale et environnementale. La secrétaire d’État chargée du développement et de la francophonie sait que l’Agence française de développement et Proparco veilleront à appliquer rigoureusement ces directives et à faire toute la transparence sur leurs activités. Elle y portera toute l’attention que ce sujet mérite.