Sep 05 2014

Ecosse: un référendum d’importance européenne

Ma tribune publiée par Le Huffington Post :

4 millions d’électeurs suffisent-ils à faire trembler l’Europe? Alors que le gouvernement britannique fait activement campagne pour le « non », les grandes diplomaties européennes attendent avec circonspection le référendum du 18 septembre sur l’indépendance écossaise. L’enjeu dépasse en effet largement la défense du kilt et du whisky… L’indépendance de l’Écosse affaiblirait sensiblement le Royaume-Uni, l’amputant du tiers de son territoire et le privant de 70% de son plateau continental. L’économie serait durement affectée, avec une chute potentielle de 10% du PIB : l’Écosse abrite 97% des réserves pétrolières et 58% des ressources gazières du Royaume-Uni, ainsi qu’une part importante des industries de défense britannique et la totalité de la force de dissuasion nucléaire. Au plan diplomatique, le Royaume-Uni risquerait de voir son siège au Conseil de sécurité de l’ONU contesté.

Un tel affaiblissement britannique représenterait un bouleversement considérable pour la France – notamment en matière de politique de défense, le Royaume-Uni étant notre premier partenaire stratégique – mais surtout pour l’Union européenne, qui aurait à gérer le cas inédit de l’intégration dans l’Union d’un nouvel Etat créé par sécession d’avec un Etat membre.

Les autorités britanniques mettent l’accent sur l’absence d’automaticité de l’adhésion à l’Union européenne d’une Ecosse indépendante. Juridiquement, le raisonnement est exact. De surcroît nombre d’Etat membres pourraient être tentés de ralentir un tel processus d’adhésion, par crainte de créer un précédent qui aviverait les séparatismes ailleurs en Europe, de la Catalogne à la Flandre. Il semblerait néanmoins politiquement difficile de laisser durablement aux portes de l’Europe une région qui faisait jusqu’alors partie de l’Union et demeurera intimement intégrée aux réseaux économiques européens.

Dans l’immédiat, il faut bien sûr laisser les urnes parler. Et saluer la capacité du Royaume-Uni à gérer pacifiquement et démocratiquement ses tendances centrifuges. Mais le référendum écossais doit nous interroger sur la capacité de l’UE à promouvoir une Europe dans laquelle les identités régionales se sentiraient mieux reconnues, respectées et valorisées. La crise ukrainienne actuelle, tout comme le précédent de la Yougoslavie, illustre à quel point la préservation de l’intégrité territoriale des Etats est un facteur de stabilité essentiel dans un monde contemporain marqué par la remise en question des frontières nationales, dans un contexte de violence accru.

Quel que soit le résultat du référendum, l’Ecosse gagnera en autonomie, que ce soit par sa sortie du Royaume-Uni ou en demeurant à l’intérieur de cet Etat, la forte dynamique d’ores et déjà impulsée par les tenants du « oui » ne pouvant que se traduire en évolutions politiques. Suite au référendum de 1997, l’Ecosse avait obtenu la création d’un parlement, légiférant dans tous les domaines non réservés au parlement britannique mais limité par un droit d’amendement du parlement britannique.

Le 18 septembre, quel que soit le résultat, une nouvelle étape s’apprêtera à être franchie, non seulement en termes d’autonomie accrue de l’Ecosse vis-à-vis du Royaume-Uni, mais aussi d’affermissement de sa voix propre au sein de l’Union européenne.

Le cas écossais ouvre des perspectives. L’UE offre l’opportunité que des régions, sans remettre en cause les frontières nationales, deviennent des acteurs autonomes des échanges économiques et culturels intra-européens. Il serait grand temps que les capitales en tirent toutes les conséquences.