Chargée par l’Assemblée parlementaire de l’OTAN d’un rapport sur la lutte contre le terrorisme, j’ai auditionné ces derniers mois de multiples experts internationaux. Un constat s’impose, face à des menaces nouvelles, croissantes et asymétriques : les démocraties occidentales doivent élargir le cercle de leurs interlocuteurs, et ne peuvent se complaire dans une posture autiste, en ostracisant d’emblée des régimes ou des partis étiquetés –pour des raisons plus ou moins étayées – comme infréquentables.
La doctrine de « l’axe du mal » a vécu. Le poids, le rôlet et l’influence de l’Iran, trop longtemps qualifié d’Etat voyou, ne peuvent plus être négligés dans le cadre d’une lutte efficace contre un « Etat islamique » (EI) qui n’est certainement pas un Etat et qui n’est guère islamique non plus.
Ainsi les Emirats arabes unis et l’Arabie saoudite, dont le respect des droits humains sur leur propre territoire pose hélas question, sont-ils appelés en renfort d’une coalition internationale au Moyen-Orient. Et le fait que le PKK figure sur les listes européennes et américaines d’organisations terroristes n’a pas empêché la livraison d’armes aux Kurdes pour tenter de contrer l’avancée de l’EI.
Il y a un certain nombrilisme et une bonne dose de naïveté à persister à placer d’office tout parti islamiste, même modéré, dans le camp des « terroristes ». Cet amalgame en France entre islam politique et djihad est surtout propre à renforcer le Front National. L’ « Appel de Paris » du Conseil français du culte musulman, en soutien des Chrétiens d’Orient, illustre la volonté d’une majorité de Musulmans de ne pas cautionner les dérives de l’EI.
Bien sûr, la vigilance reste de mise face à des partenaires inhabituels pour les diplomaties occidentales. Mais le pragmatisme s’impose. Les hommes et les formations politiques évoluent. Ainsi en Tunisie, si l’arrivée au pouvoir par les urnes du parti islamiste Ennahdha n’avait pas manqué de soulever de vives inquiétudes, force est de constater aujourd’hui que ce mouvement s’engage à respecter les libertés – notamment celles des femmes et des minorités culturelles ou religieuses – et les procédures démocratiques. Dès lors, comme je l’ai souligné sur dans l’émission d’Audrey Pulvar sur i-Télé, il n’y a pas de raison de ne pas coopérer avec eux pour combattre le fondamentalisme et le terrorisme, dans le respect de la légalité internationale et dans l’intérêt de la sécurité régionale et mondiale.