Oct 31 2014

Situation des femmes en Iran

Iran2A l’occasion du passage à Paris d’Alaeddin Boroujerdi, Président de la Commission des affaires étrangères et de la sécurité nationale du Parlement iranien, j’ai été invitée à un dîner avec lui et sa délégation parlementaire à l’Ambassade d’Iran, où je me suis rendue pour poursuivre le dialogue entamé avec lui lors de mon déplacement en Iran d’octobre 2013. Persuadée que l’Iran a un rôle à jouer dans la lutte contre le Daesh et convaincue qu’un dialogue exigeant est préférable à une politique de sanctions aveugles, j’ai tenu à évoquer également avec lui la question sensible de la condition des femmes en Iran.

Ces dernières semaines, plusieurs attaques à l’acide ont eu lieu – phénomène particulièrement inquiétant car ce type odieux d’agression, courant au Pakistan ou en Afghanistan, avait jusqu’ici relativement épargné l’Iran. Malgré le fait qu’un millier d’Iraniennes aient manifesté à Ispahan pour réclamer une sécurité accrue, le gouvernement n’a pour l’instant pas fait preuve d’une réaction suffisamment ferme pour poursuivre les coupables et mettre en place des mesures de prévention. De même, la pendaison pour meurtre d’une jeune femme ayant poignardé l’homme qui tentait de la violer a soulevé l’indignation de milliers de personnes en Iran et de par le monde, et la mienne en particulier, au point que, comme je l’ai dit à M. Boroujerdi, j’avais failli boycotter ce dîner à l’ambassade d’Iran.. Il m’a semblé cependant important de le rencontrer pour lui dire combien le manque de détermination des autorités pour faire cesser de ces agissements immondes nuisait à l’image internationale de son pays et était un frein supplémentaire dans les négociations sur le nucléaire.

Ces faits extrêmement choquants sapent les efforts du président modéré Hassan Rohani qui, il y a un an, quelques mois après son élection, avait demandé à la police de faire preuve de clémence concernant les obligations vestimentaires. La réplique des forces conservatrices est violente, tant au travers de ces attaques sauvages que par la mise à l’ordre du jour du Parlement d’une proposition de loi sur la « morale islamique ». Le fait qu’Hassan Rohani ait choisi pour vice-présidente Masoumeh Ebtekar, ancienne porte-parole des étudiants contestataires de 1980, témoigne aussi de sa sensibilité aux problématiques de la jeunesse et des femmes. Mais l’Ayatollah Khamenei, actuel Guide suprême de la Révolution islamique et numéro un du régime, active, lui, les leviers les plus extrémistes.

Ces tensions politiques interviennent dans une société en ébullition. L’Iran, contrairement à la plupart des pays voisins et malgré les méfaits du « régime des mollahs », possède un système éducatif performant, et une jeunesse éduquée très connectée à Internet, capable de contourner la censure pour accéder aux informations, et contestant la rigueur de la police religieuse. Si les femmes ont l’obligation de porter le foulard en public, le port du niqab ou de la burka restent très marginaux. Surtout, nombre d’entre elles ont pu accéder à de longues études et travaillent, parfois à des postes élevés. N’oublions pas que l’Iran est un pays de belle et très ancienne culture.. Suite à l’échec des mouvements étudiants de 2009, les jeunes et les femmes semblent s’être détournés de la contestation politique frontale au profit d’un contournement des interdits religieux.

La société iranienne et le pouvoir iranien sont donc traversés par des mouvements extrêmement contradictoires, sources de fortes crispations. Dans cette situation délicate, à la croisée des chemins, il me semble essentiel de favoriser un dialogue exigeant mais constructif. Face à Daesh, nous avons besoin de l’Iran en tant que puissance régionale et pôle de stabilité potentiel. Comme sur d’autres dossiers sensibles, j’assume de ne pas être dans la posture – pourtant bien plus confortable – de la seule condamnation morale. Vis-à-vis de l’opinion publique, il est certainement mieux vu de refuser de parler aux régimes « infréquentables ». Mais en tant que responsable politique, il me semble plus responsable de tenter d’utiliser les leviers de la diplomatie parlementaire pour faire progresser la situation des droits de l’homme, de la paix et de la sécurité dans le monde.