La loi Macron signera-t-elle la fin du notariat à la française ?
Caricaturés en ultra-privilégiés de l’ancien système, les notaires sont les garants d’un ordre juridique à la française qui résiste encore au droit anglo-saxon. Schématiquement, le principe est de faire intervenir l’expert juridique en amont des opérations financières importantes, pour en assurer la légalité, alors que dans le système anglo-saxon, aucune obligation n’est fixée en amont, les éventuels problèmes se réglant par un procès, en aval. Prévention d’un côté, répression de l’autre. Avec un impact direct sur la sécurité juridique des particuliers, mais aussi des acteurs économiques.
Exposer les professions juridiques françaises à la concurrence internationale, dans un environnement où le droit anglo-saxon domine très largement aurait non seulement des conséquences négatives directes pour les justiciables, mais saperait aussi une ressource culturelle importante de la francophonie.
En effet, en Afrique francophone et ailleurs dans le monde, le droit continental est perçu comme un véritable trésor, qui continue à être enseigné et diffusé. La Conférence internationale des Barreaux de tradition juridique commune (CIB) rassemble ainsi 87 Barreaux et associations de Barreaux francophones. Ne serait-il pas absurde que la France prenne ses distances avec un levier de rayonnement aussi apprécié ?
Les Français de l’étranger servent parfois de cobayes à certaines réformes. Ils ont ainsi pu tester depuis plusieurs années les inconvénients de la disparition des services de notariat dans les consulats. L’accompagnement par un notaire de la rédaction d’un contrat de mariage est par exemple particulièrement précieux en cas de mariage mixte, pour éviter de potentiels conflits de lois en cas de divorce. Le Conseil supérieur du notariat étant très sensible à ces difficultés, j’avais ainsi pu recourir aux services de notaires éminents lorsque j’étais élue à Londres, pour des conférences à destination des Français de Grande-Bretagne. Des informations particulièrement utiles continuent d’ailleurs à être fournies, gratuitement, via le site des Notaires d’Europe. De même, des conseils gratuits sont prodigués aux quatre coins de France à l’occasion de permanences.
Ce rôle pédagogique continuera-t-il d’être assuré lorsque le notariat ne sera plus un service public mais un service entièrement dérégulé ?