Fév 16 2015

Air Cocaïne : la justice française s’invite à Saint-Domingue (Le Point)

Air Cocaïne : la justice française s’invite à Saint-Domingue

Justice, lundi 16 février 2015

Par Marc Leplongeon
EXCLUSIF. Deux semaines avant l’ouverture du procès en République dominicaine, les pilotes vont recevoir la visite de la juge d’instruction française…

Après plus d’un an de détention provisoire et des mois d’interdiction de quitter la République dominicaine, le dénouement est proche pour les quatre Français mis en cause dans l’affaire Air Cocaïne. En attendant leur procès, qui doit se tenir du 9 au 13 mars prochain, les pilotes doivent affronter un dernier rebondissement : la venue à Saint-Domingue fin février de Christine Saunier-Ruellan, juge d’instruction chargée du volet français de l’affaire. Une initiative déroutante à la veille d’une audience capitale…

Dans cette affaire hors du commun, quatre personnes, Bruno Odos et Pascal Fauret (les pilotes), Alain Castany (membre de l’équipage) et Nicolas Pisapia (le passager), sont suspectées d’avoir participé à un vaste trafic international de drogue. Tous quatre sont interpellés en mars 2013 sur le tarmac de l’aéroport de Punta Cana, à bord d’un Falcon 50 appartenant à l’homme d’affaires Alain Afflelou et loué à la compagnie SN THS. À l’intérieur, des centaines de kilos de cocaïne – la quantité précise varie selon les procès-verbaux… – sont saisis par la DNCD, l’agence antidrogue américaine.

Un timing surprenant

Très vite, l’affaire s’embrase. Des têtes tombent dans l’armée et les douanes dominicaines. Plus de cinquante personnes sont envoyées en détention provisoire. Mais les procès-verbaux bâclés, la corruption, une justice aléatoire et les fonctionnaires véreux finissent de jeter un voile opaque sur cette affaire. L’accusation se dégonfle et seule une petite quinzaine de prévenus, dont les quatre Français, s’assiéront finalement en mars sur les bancs du tribunal.

C’est donc dans ce contexte que la juge d’instruction française, deux semaines avant le début du procès dominicain, souhaite interroger les mis en cause. Alors même que ces derniers n’ont pas été interrogés par la justice française depuis leur interpellation en avril 2013, malgré plusieurs demandes de confrontation. Un timing surprenant, d’autant plus que, selon la convocation qui leur est parvenue, l’interrogatoire sera mené par le « magistrat local compétent ». « S’il s’agit du procureur qui a mené l’accusation, c’est un scandale, confie une source proche du dossier. C’est un moyen de pression supplémentaire sur les mis en cause, alors qu’en République dominicaine l’instruction est close depuis l’été dernier. »

La tension monte

Une experte aéronautique, désignée par la justice française, assistera également aux interrogatoires qui s’étaleront du 23 au 27 février. Les avocats français, pour la plupart, ont fait savoir en guise de protestation qu’ils n’assisteraient pas à ces rencontres.

Depuis deux ans, la tension n’a cessé de monter dans cette affaire. Les pilotes crient toujours leur innocence : « Demanderiez-vous à un chauffeur de taxi de vérifier le contenu des bagages de ses clients ? » interrogent-ils. Le Syndicat national des pilotes de ligne, soutenu par les instances internationales, avait menacé de boycotter la République dominicaine. Pendant qu’en arrière-plan le Quai d’Orsay noue un timide contact, voulant s’épargner un incident diplomatique et une nouvelle affaire Florence Cassez. Seuls certains élus, comme la sénatrice Joëlle Garriaud-Maylam, se sont emparés du dossier.

Si les quatre Français venaient à être relaxés en République dominicaine, une autre étape judiciaire les attend en France, où ils sont toujours mis en examen. La juge Christine Saunier-Ruellan enquête depuis de longs mois sur les relations, écoutes téléphoniques et flux financiers des mis en cause. Sans la moindre trace de drogue, c’est un des seuls leviers à sa disposition. Et la magistrate en use abondamment.
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