Ma tribune dans le Huffington Post :
Législative partielle dans le Doubs, élection européenne… Chaque élection lance un nouveau signal d’alerte, avec un vote aux extrêmes et une abstention croissant inexorablement. L’incapacité à réformer et la récurrence des scandales politico-financiers nourrissent le rejet du système.
Si les griefs à l’encontre de la Ve République sont largement établis, les solutions sont loin de faire consensus. Concilier efficacité, stabilité, garanties démocratiques, représentativité et participation des citoyens est tout sauf une sinécure. Appeler à une VIe République ne revient-il pas à brandir l’étendard du changement, tout en remettant à plus tard les réformes ? Nombre de mesures pourraient être votées dès à présent par voie législative ou via une simple révision constitutionnelle, comme cela a déjà été fait 24 fois depuis 1958. Si les lois votées jusqu’ici ne vont pas assez loin, la faute n’en revient pas à la Ve République mais à un manque de volonté politique.
Il y a aujourd’hui trois urgences. Retrouver une capacité à réformer le pays, c’est-à-dire à voter des lois audacieuses mais acceptées car élaborées en association avec toutes les parties concernées, des milieux économiques aux représentants de la société civile ; garantir que le processus d’amendement, de vote et d’application des lois ne puisse être dénaturé par l’influence d’intérêts particuliers ; renforcer l’éthique de la vie économique et politique.
Cela commence par un changement de méthode. De Vedel à Jospin, les comités d’experts appelés au chevet de la Ve République ont tous suivi le même mode opératoire, auditionnant un cercle restreint de personnalités. A l’heure où les réseaux sociaux et les plateformes de pétitions révolutionnent le rapport des individus à l’information et à la politique, il faut en tirer parti pour associer plus fortement les citoyens à la réflexion sur la réforme des modes de représentation et de gouvernement.
La mobilisation citoyenne via Internet présente également l’avantage d’une vigilance accrue sur le processus d’élaboration et d’application des lois. Mais cet aspect très positif a aussi une face sombre : le poids nouveau des réseaux sociaux, leur immédiateté et leur diffusion virale peuvent pousser à adopter des postures démagogiques et faire primer la communication politique sur le courage réformateur. Une réflexion sur les liens entre les citoyens « connectés » et les représentants politiques est donc indispensable.
Le débat institutionnel doit être ouvert, y compris à des idées iconoclastes. Ainsi, un recours au tirage au sort pourrait avoir le mérite de prévenir les accusations de représentation inadéquate de la diversité des citoyens et les batailles d’ego si nuisibles à la vie politique. Par exemple, afin de réduire l’abstention et de renforcer la portée du vote blanc – aujourd’hui sans effet, un tirage au sort pourrait être organisé si le nombre de votes blancs venait à dépasser les suffrages recueillis par le candidat arrivé en tête.
Plutôt que d’espérer qu’une VIe République vienne par magie, au termes des longs travaux d’une Constituante, résoudre les écueils sur lesquels bute notre système, faisons preuve d’imagination et promouvons d’urgence des mécanismes institutionnels pour revivifier notre démocratie !
Source : Huffington Post