Juin 16 2015

Fin de vie : 70 sénateurs veulent « aller plus loin » (Public Sénat)

Article publié par Public Sénat :

Alors qu’en séance publique débute l’examen de la proposition de loi sur la fin de vie cet après-midi, plus de 70 sénateurs, de tous bords politiques, considèrent qu’il faut aller plus loin.

La proposition de loi sur la fin de vie, tel qu’elle est soumise au débat, « ne nous donne pas satisfaction », a martelé Corinne Bouchoux, sénatrice écologiste de Maine-et-Loire. Plusieurs sénateurs de droite comme de gauche, ont défendu ce matin devant la presse, ce qu’ils considèrent comme « un nouveau droit ».

La liberté, c’est celle de choisir. Choisir une fin de vie digne. « Choisir toute sa vie, y compris dans les derniers instants », explique Alain Neri, sénateur socialiste du Puy-de-Dôme. Réunis autour de Jean-Luc Roméro, président de l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD), également présent ce matin, ils portent ce « combat de conviction» depuis longtemps.

Au Sénat, déjà 7 propositions de lois ont été enregistrées depuis 2008 sur la fin de vie. S’agissant de ce texte, plus de 70 sénateurs*, plus ou moins minoritaires au sein de leur groupe, ont cosigné un amendement instaurant « l’assistance médicalisée pour mourir », « l’aide active à mourir » ou « l’assistance médicalisée pour l’aide active à mourir », etc. Si les termes diffèrent d’un groupe à l’autre, tous partagent la même conviction. Au cœur de la réflexion, ils placent les « directives anticipées » avec la nécessité de désigner une « personne de confiance », celle sera « consultée en priorité » pour « porter la parole » du malade.

La plupart des sénateurs, présents ce matin, ont en commun « des expériences douloureuses ». « J’en sors à peine » confie Annie David qui refuse de s’étendre davantage sur le sujet. Pour la sénatrice CRC de l’Isère, on a le droit « de tenir la main de ceux qu’on aime jusqu’au bout et de choisir ce bout ». « C’est à l’épreuve de la vie qu’on évolue » fait remarquer la sénatrice Joëlle Garriaud-Maylam. C’est la seule membre du groupe Les Républicains à s’être ralliée à ce combat. « J’ai reçu une éducation très chrétienne », évoque-t-elle, et, à ce titre comprend les interrogations de ses collègues. Mais, « j’ai vu des personnes souffrir », insiste-t-elle avec émotion. « On voit l’appel au secours dans les yeux mais on ne peut rien faire ». Ce « droit » existe en Belgique, au Luxembourg, aux Pays-Bas et en Suisse. On ne peut accepter pour une question d’ « égalité républicaine », que pour y accéder il faille « payer 10 000 euros pour intégrer clinique en Suisse » a-t-elle rétorqué.

Le président de l’ADMD, plus vindicatif, dénonce « l’hypocrisie » de ce texte. La « sédation profonde et continue » jusqu’au décès mise en avant est déjà pratiquée. « C’est à la limite de l’euthanasie » sauf que « vous mourrez à petit feu ». Parfois, « ça peut durer trois semaines » poursuit Jean-Luc Romero, et dans certains cas, s’avérer « cruel » puisque Vincent Lambert, 31 jours après l’arrêt de l’alimentation, et une hydratation réduite, n’était toujours pas mort. Lui condamne la démarche du gouvernement de vouloir « améliorer une loi qui ne fonctionne pas » – la loi Léonetti de 2005, et sa volonté « de nous enfermer dans un débat médical » quand les citoyens devraient être au cœur.

Ceci dit, très peu ce matin parmi les sénateurs ont annoncé qu’ils n’adopteraient pas le nouveau texte qui marque tout de même « une étape ». Les textes qui « touchent à l’humain sont très difficiles » à soumettre au débat commente Annie David, mais la sénatrice communiste est certaine d’être « dans le vrai ». Malgré des propos qui risquent d’être « durs », les défenseurs du droit à l’assistance médicalisée pour l’aide active à mourir se disent « sereins » et « dignes ». Bien sûr, « on se fait à l’idée qu’il y aura d’autres textes » souligne Corinne Bouchoux qui conclut sur une note « féministe ». « On attend notre Simone Veil, j’espère qu’elle se réveillera au Sénat cette nuit ».