Dans le cadre de l’examen du projet de loi de santé, mon amendement visant à davantage intégrer la question de la prise en charge de la douleur au processus de suivi des patients a été adopté par le Sénat. Je remercie mes collègues Pascal Allizard, Jacky Deromedi, Marie-Annick Duchêne et Louis Duvernois qui ont accepté d’en être cosignataires, ainsi que le Professeur Alain Serrie et l’Association Douleurs Sans Frontières avec lesquels je travaille de longue date sur cette question.
La prise en charge de la douleur reste, en France, très insuffisante, que ce soit en fin de vie, dans le cadre de pathologie de longue durée, ou lorsque celle-ci affecte des enfants ou des personnes handicapées n’étant pas en capacité d’exprimer pleinement leur souffrance. Si la priorité de la médecine est, bien sûr, de soigner les maladies, il est indispensable qu’elle prenne mieux en compte la douleur. Le traitement de la douleur est non seulement un impératif moral, mais aussi un facteur d’efficacité pour faciliter la guérison des malades. C’est aussi un enjeu pour nos finances publiques : les traitements anti-douleurs non-curatifs, peuvent limiter l’impact des pathologies de longue durée sur le bien être et l’autonomie des patients et ainsi limiter les coûts pour l’assurance maladie et la perte d’activité chez les patients.
Actuellement, la douleur est surtout prise en charge dans les unités de soins palliatifs (alors qu’il est extrêmement réducteur de ne traiter la douleur que dans le cadre de la fin de vie) et dans certains cas de souffrance aiguë ponctuelle. Si tout médecin doit pouvoir prendre en charge la douleur aiguë, la prévention et la prise en charge des douleurs chroniques nécessitent des compétences spécifiques. Administrer un médicament n’est pas l’alpha et l’oméga du traitement de la douleur chronique, loin de là. Il faudrait plutôt favoriser l’intervention de spécialistes formés au différentes disciplines pouvant contribuer à la réduction de la douleur – et ce pas forcément uniquement par des moyens chimiques ou en combinant la médication avec d’autres traitements pharmacologiques et non pharmacologiques. Des structures spécialisées de lutte contre la douleur sont reconnues par les agences régionales de santé (ARS), mais elles ne peuvent prendre en charge qu’environ 300 000 patients par an, avec des délais d’attente de plus en plus conséquents. Il est nécessaire d’ouvrir davantage de structures et donc de former davantage de praticiens spécialisés.
Paradoxalement, la France peut s’enorgueillir de posséder parmi les meilleurs spécialistes mondiaux sur la question, tant en termes de recherche fondamentale que de clinique. Mais leur action est minée par le manque de coordination avec les autres professionnels de santé, et entre les généralistes et les établissements de santé. Par ailleurs un gros effort de formation est indispensable, tant du côté des généralistes que pour former un effectif suffisant de véritables spécialistes de ces questions. A cet égard, il est indispensable d’éviter que les formations à la douleur ne soient rétrogradées à un niveau de formation spécialisée transversale (FST) mais créer au contraire un diplôme d’études spécialisées, comme je le soulignais il y a quelques mois par une question écrite.
Si je me réjouis de l’adoption de mon amendement, il est clair que le chemin à faire est encore long pour passer des ambitions à la pratique en matière de prise en charge effective de la douleur.