Mon amendement relatif à la prise en charge de la douleur a été adopté. Voici l’extrait du compte-rendu de la séance :
Mme la présidente. L’amendement n° 669 rectifié, présenté par Mme Garriaud-Maylam, M. Allizard, Mmes Deromedi et Duchêne et M. Duvernois, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après le 5° de l’article L. 4130-1 du code de la santé publique, il est inséré un 5° bis ainsi rédigé :
« 5°bis Administrer et coordonner les soins visant à soulager la douleur. En cas de nécessité, le médecin traitant assure le lien avec les structures spécialisées dans la prise en charge de la douleur ; ».
La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le traitement de la douleur, notamment de la douleur chronique liée aux pathologies de longue durée, est un enjeu majeur de santé publique.
Je rappelle que le soulagement de la douleur est reconnu comme un droit fondamental depuis les lois de santé publique de 2002 et de 2004, et que les médecins eux-mêmes, souvent très démunis, réclament une meilleure coordination et une approche plus globale de cette question.
Pour ces raisons, je déplore la suppression de l’article 12 quater et je vous propose de le rétablir dans une rédaction légèrement différente. Il s’agit de confier un rôle plus clair aux médecins dans la définition et dans la mise en place du parcours de santé, afin de concrétiser ce droit.
Cet amendement vise en outre à offrir un moyen d’identifier les acteurs impliqués dans la prise en charge de la douleur, ce que demandent avec insistance de très nombreux médecins.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, corapporteur. Ma chère collègue, l’article 12 quater ajoutait à la liste des missions du médecin généraliste l’administration et de la coordination des soins visant à soulager la douleur.
Cette précision apparaît redondante, car les médecins doivent déjà prendre en charge la douleur au titre des obligations qui leur incombent en vertu du code de la santé publique et du code de déontologie. L’article L. 1110-5 du code de la santé publique prévoit en particulier que « toute personne a le droit de recevoir des soins visant à soulager sa douleur. Celle-ci doit être en toute circonstance prévenue, évaluée, prise en compte et traitée. »
La commission a donc jugé préférable de supprimer l’article 12 quater. Elle maintient sa position et vous demande de retirer votre amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Favorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour explication de vote.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Je connais bien évidemment cet article du code de la santé publique. L’amendement que nous présentons vise précisément à corriger ses lacunes.
M. Alain Milon, corapporteur. Il n’en a pas !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. La rédaction que nous proposons permet de préciser le parcours de santé et de souligner l’importance, pour les médecins, qui se disent eux-mêmes démunis devant cette question, d’identifier ses acteurs et de mettre en œuvre une prise en charge globale. Tel est, me semble-t-il, l’objet du projet de loi dans son ensemble.
À mon sens, cet esprit doit également s’appliquer à la question de la douleur. Je maintiens donc mon amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Milon, corapporteur. Les médecins ne sont pas démunis face à la douleur ! La médecine, elle, peut l’être. Les praticiens disposent d’une panoplie de médicaments leur permettant de la traiter. Peut-être est-elle insuffisante pour traiter toutes les douleurs, mais le métier de médecin consiste à soigner le patient dans toutes ses dimensions, y compris la douleur.
Si vous précisez dans la loi que le médecin doit soigner la douleur, il faudra ajouter dans la liste toutes les missions qui incombent à ce dernier, ainsi que d’autres obligations. Or si vous en oubliez, le médecin n’aura plus l’obligation de les remplir.
Le code de santé publique existe et le code de déontologie médicale oblige le médecin à soigner le patient le mieux possible. Le médecin a une obligation de moyens et non – heureusement encore ! – de résultat. Il soigne la douleur – c’est évident ! – avec les moyens dont il dispose actuellement. S’il a besoin de moyens supplémentaires, que l’industrie et la recherche lui en donnent !
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Il est compliqué d’examiner un tel amendement – et de nombreux amendements de cette nature viendront en discussion ultérieurement ! – parce que nous devenons en quelque sorte des prescripteurs, à la place des professionnels.
M. Alain Milon, corapporteur. Tout à fait !
Mme Catherine Génisson. Néanmoins, il est vrai que la prise en charge de la douleur en France – j’évoque là un sujet général, social et sociétal – reste très insuffisante, …
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Oui !
Mme Catherine Génisson. … même si des progrès ont été réalisés. Je ne parle pas de la fin de vie où la douleur est autant physique que psychologique, je pense surtout à la douleur des enfants, qui reste mal prise en compte.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. En effet !
Mme Catherine Génisson. Comme les enfants, surtout les tout-petits, s’expriment très peu, on a longtemps considéré qu’ils ne souffraient pas. (Oui ! sur le banc des commissions.) Ce sujet est donc particulièrement important.
Le problème est générique, il n’est pas lié à une spécialité médicale.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Absolument !
Mme Catherine Génisson. Même si nous nous montrons un peu trop prescripteurs, je voterai l’amendement n° 669 rectifié.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Cet amendement appelle deux observations de ma part.
En premier lieu, il me semble – je parle sous le contrôle de M. le rapporteur et du Gouvernement – que la formation des médecins généralistes au traitement de la douleur est insuffisante. Ce fait n’est pas nouveau ; on en avait déjà fait état voilà plusieurs années. Certes, des progrès ont peut-être été réalisés. Les médecins généralistes, à condition qu’ils en prennent l’initiative, peuvent peut-être suivre une formation dans ce domaine dans le cadre de la formation continue afin d’être plus opérationnels que par le passé. Il n’en demeure pas moins qu’un déficit demeure en la matière.
En second lieu, on le voit bien, il y a un problème de coordination patent entre les médecins généralistes et les structures spécialisées, notamment les établissements de santé.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Exactement !
M. Alain Vasselle. Aujourd’hui, l’information entre les médecins libéraux, qui sont sur le territoire, et les établissements de santé circule vraiment mal. Si nous avons engagé la réforme de la médecine de ville, nous n’avons pas procédé à celle des établissements de santé. La coordination ne se fait pas dans les deux sens, ce qui explique d’ailleurs le dérapage important des dépenses d’assurance maladie. La coordination n’est pas opérationnelle.
L’intérêt de l’amendement n° 669 rectifié est qu’il permettrait peut-être de booster un peu les choses, si je puis dire. Son caractère provocateur incitera peut-être les acteurs à se pencher réellement sur la question de la douleur et à se donner les moyens d’améliorer la situation.
M. Milon a souligné qu’il y avait peut-être un problème de moyens. Mais alors que faire pour permettre aux médecins de traiter la douleur ? Certes, cet amendement est un peu provocateur, je le répète, pour les médecins – on le sait, ils font leur travail et interviennent chaque fois qu’ils le peuvent –, mais le problème est réel.
Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.
M. Gilbert Barbier. L’amendement tel qu’il est rédigé ne sous-entend pas que les médecins ne savent pas, à titre personnel, traiter la douleur.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Bien sûr que non !
M. Gilbert Barbier. Les médecins savent la traiter.
Mais, comme vient de le souligner mon collègue Alain Vasselle, on constate un hiatus entre les médecins libéraux et les services spécialisés dans la prise en charge de la douleur, notamment en matière de soins palliatifs. Lorsqu’un médecin n’a pas la possibilité de traiter correctement la douleur, il doit non pas l’abandonner, mais l’orienter vers une structure adaptée.
Préciser dans le texte que le médecin a le devoir d’essayer de soigner la douleur de son patient et de l’orienter vers une structure spécialisée ne me semble donc pas dénué d’intérêt.
Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour explication de vote.
Mme Aline Archimbaud. Je voterai moi aussi l’amendement n° 669 rectifié.
Certes, de très nombreux progrès ont été réalisés. En effet, les médecins se préoccupent de soigner la douleur et ont les moyens de le faire. Mais il fut une période lointaine – nous en sommes sortis ! – où la vision philosophique et morale était différente : soigner la douleur n’était pas l’objectif principal de la médecine.
Je partage les arguments avancés par plusieurs de mes collègues : une plus grande coordination entre les différents services et les différentes structures spécialisées dans la prise en charge de la douleur est nécessaire. Il ne s’agit pas de faire une loi bavarde, ni, surtout, d’adresser des reproches aux médecins ou de les soupçonner de ne pas vouloir suffisamment traiter la douleur. Mais, dans une loi sur la santé, nous devons rappeler quelles sont les priorités. La mesure ici proposée ne doit donc pas être considérée, je le répète, comme un reproche adressé aux professionnels.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 669 rectifié.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, l’article 12 quater est rétabli dans cette rédaction.