Sep 08 2015

Réfugiés et Syrie: François Hollande rattrapé par ses contradictions

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Tribune publiée dans le Huffington Post:

Lors de sa conférence de presse du 7 septembre, François Hollande a annoncé la mise en place d’un dispositif européen de « répartition » obligatoire des réfugiés, « conçu avec Angela Merkel ». L’Europe a bon dos: François Hollande prétend que ce mécanisme forcera les Etats récalcitrants à accueillir des réfugiés… alors même que la France n’en a accueilli que très peu depuis le début du conflit et que certains Chrétiens d’Orient sont, depuis des mois, encore en attente de visas. Si la volonté politique avait été là, il n’y aurait eu nul besoin d’attendre un dispositif obligatoire européen pour agir.

L’Allemagne et la France ont toutes deux de bonnes raisons démographiques .. et politiques pour appeler aujourd’hui à la « solidarité » européenne… mais elles jouent avec le feu en avivant les tensions au sein de l’Europe, tant avec les pays d’Europe du Sud et de l’Est, encore une fois placés au banc des accusés, qu’avec le Royaume-Uni, où le dernier sondage montre pour la première fois une majorité de Britanniques favorables à un Brexit. Certes nous avons tous été bouleversés par la photo du petit Aylan, mort sur une plage turque, mais est-ce une raison pour faire fi de cette vigilance élémentaire à laquelle appellent depuis des mois nombre d’experts, persuadés que des djihadistess, grâce au principe de la dissimulation (« Taqiya ») se seraient glissés dans les rangs des réfugiés pour mener à bien leur but d’extension du califat en Europe?

Plutôt que de monter une telle opération de communication, François Hollande aurait simplement pu utiliser les outils européens existants, en demandant l’activation du dispositif prévu par la directive européenne du 20 juillet 2001 relative à la protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées. Cette directive prévoit notamment que les bénéficiaires de la protection temporaire se voient accorder le droit d’exercer un travail, condition indispensable à une vie digne. Mes amendements en ce sens avaient pourtant été refusés lors de l’examen du projet de loi sur l’asile en mai 2015. La Suède garantit pourtant un tel droit à ses demandeurs d’asile. Plutôt que de se complaire dans des comptes d’apothicaire sur les quotas de migrants, pourquoi ne pas avancer vers une vraie politique européenne de l’asile qui favoriserait l’indépendance économique des réfugiés?

François Hollande a également annoncé une « aide humanitaire massive » aux Etats voisins de la Syrie débordés par l’afflux de réfugiés (Turquie, Jordanie, Liban, pays de la Corne de l’Afrique) et aux organisations qui aident les exilés. Ces pays, comme j’ai pu m’en rendre compte en me rendant dans des camps de réfugiés, ont un besoin urgent d’aides substantielles, de petits pays comme la Jordanie ou le Liban risquant à tout moment une grave déstabilisation du fait de la présence de ces camps gigantesques mais insuffisamment financés. Dans un contexte de baisse constante de l’aide publique au développement, il est légitime de s’interroger sur le financement de cette promesse. S’agit-il d’une simple posture de communication sans lendemain ou d’une réorientation de l’APD, au détriment d’autres projets?

Quant à une éventuelle intervention militaire, la confusion règne. François Hollande refuse depuis des mois d’envisager une force d’interposition ou même une saisine de la Cour Pénale Internationale contre Daech, tout en continuant à prôner le renversement de Bachar El-Assad (voir sa réponse à ma question écrite n°15500 de mars 2015). Cette posture devenant difficile à tenir, il ordonne des « vols de reconnaissance » en Syrie, en préambule à des frappes aériennes éventuelles. De telles frappes auraient été très utiles quand, alors que nous savions tous que Daech projetait de se rendre à Palmyre, une attaque ciblée sur les forces de Daech en route pour ce site aurait été relativement facile et aurait pu changer le cours de l’histoire ou tout au moins sauver ce joyau de notre patrimoine universel.

Hélas, personne n’a bougé, sans nul doute parce que de telles frappes auraient été vues comme aidant Bachar El-Assad. Aujourd’hui, d’un point de vue humanitaire, de telles frappes risqueraient d’être plus dangereuses que libératrices pour les civils et accroîtraient immanquablement le flux de réfugiés. D’un point de vue stratégique, en risquant de viser autant, voire davantage, Bachar El-Assad que Daech, ces frappes pourraient accélérer l’embrasement du conflit, alors même que les Russes semblent de plus en plus actifs en Syrie.

Les arguments du Président pour refuser une force d’interposition, pourtant réclamée dès août 2014 par de nombreux parlementaires, sont maigres et fallacieux, que ce soit la crainte que la France « y aille seule » (une coalition internationale sous égide de l’ONU et associant des pays tels que la Russie ne laisserait certainement pas la France isolée !) ou encore l’idée selon laquelle l’envoi de forces au sol équivaudrait à celui d’« une force d’occupation » (le Mali et la Centrafrique apprécieront sans nul doute…).

Les non-dits de la politique de François Hollande vis-à-vis des gouvernements syrien et russe , de même que sa crispation sur des postures artificielles inadaptées, condamnent François Hollande à une stratégie hasardeuse au Moyen-Orient, avec le risque de terribles répercussions tant pour les millions de civils qui y vivent que pour les sociétés d’Europe confrontées à la double crise des réfugiés et du terrorisme.