Nov 26 2015

Projet de loi de finances 2016 / Budget « Défense »

Extrait du compte-rendu intégral de la séance du 26 novembre 2015 :

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant tout, je tiens à rendre hommage, au nom du groupe Les Républicains, au courage, au dévouement et au professionnalisme des femmes et des hommes de nos armées. Ils font la fierté de notre pays, à l’étranger, sur les théâtres d’opérations extérieurs où la France est engagée, mais également sur le sol national, où ils participent à la sécurité de nos concitoyens. Rentrant d’un séminaire consacré au terrorisme à l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, je peux témoigner que tous les participants ont rendu des hommages appuyés à notre pays et à nos forces.

Concernant la mission « Défense », le projet de loi de finances pour 2016 contraste avec celui de 2015 ; nous nous en réjouissons, car le chemin fut quelque peu ardu.

C’est le premier budget résultant de l’application de la loi du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense, que le Sénat a améliorée et votée.

De fait, il importe de saluer la mise en œuvre de modifications que nous appelions de nos vœux : l’augmentation des crédits, la modification de leur nature, qui se traduit par la fin du recours aux recettes exceptionnelles, les REX, en tout cas pour ce qui concerne les fréquences hertziennes, l’arrêt des déflations des effectifs.

En 2016, le budget des armées s’élèvera à 31,7 milliards d’euros, soit une hausse de 1,8 %.

L’année prochaine, les ressources exceptionnelles ne dépasseront pas 250 millions d’euros : 200 millions d’euros proviendront des cessions immobilières et 50 millions d’euros de ventes de matériels militaires.

Si la très forte diminution des REX était attendue, une pierre d’achoppement demeure concernant le produit des cessions immobilières.

Nous regrettons que, lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances par l’Assemblée nationale, nos collègues députés soient revenus sur le plafonnement de la décote résultant de la loi Duflot pour les immeubles de l’îlot Saint-Germain. Rappelons que cette mesure résultait d’un consensus obtenu en commission mixte paritaire, au mois de juillet dernier. En plus de constituer une mauvaise manière à notre égard, ce retour en arrière fragilise les crédits.

M. Philippe Dominati. Tout à fait !

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. L’îlot Saint-Germain n’est pas un lieu banal, n’en déplaise à Mme le maire de Paris. Aussi serait-il dommageable que les armées, alors qu’elles sont soumises à de fortes pressions, pâtissent de la négation des lois économiques élémentaires.

C’est pour cette raison que notre groupe soutiendra les amendements du rapporteur spécial, Dominique de Legge, et ceux de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Je souhaiterais en outre appeler l’attention sur les crédits d’équipement, qui passeront de 16,7 milliards d’euros en 2015 à 17 milliards d’euros en 2016. Le renforcement de ces crédits est plus que nécessaire, au moment où les OPEX se multiplient et se prolongent. Au-delà de la question du financement des OPEX – parfaitement posée, et depuis longtemps, par le rapporteur spécial –, c’est du maintien en condition opérationnelle dont il s’agit.

Les opérations menées dans la bande sahélo-saharienne constituent un bon exemple à cet égard. Les conditions sont particulièrement éprouvantes pour les matériels, dont le vieillissement et l’usure sont fortement accélérés par une faible disponibilité aggravée par la multiplication des théâtres d’engagement, les conditions climatiques extrêmes, enfin par un état d’usage avancé qui réduit leur marge de régénération et augmente à terme les coûts. Cette surmobilisation des matériels altère nos capacités opérationnelles et a une incidence importante sur les conditions d’entraînement.

N’oublions pas que, après la deuxième intervention en Irak et celle en Afghanistan, la défense britannique avait épuisé ses potentiels de régénération, au point que le Royaume-Uni avait cessé ses participations militaires, en vertu du concept du « at home ».

Dès lors, on ne peut qu’encourager les mesures participant à la régénération et au renouvellement des équipements. Nos trois rapporteurs pour avis du programme 146 nous ayant brillamment présenté les futures acquisitions, j’en viens à un autre sujet, tout aussi important : les ressources humaines.

La révision de la loi de programmation militaire a freiné la déflation des effectifs. Le Président de la République a annoncé qu’elle serait définitivement stoppée en raison du tragique contexte et de nos besoins, tant en OPEX qu’en opérations intérieures. C’est une initiative que nous approuvons. Lors de la révision de la loi de programmation militaire, le relèvement d’effectifs devait profiter à la force opérationnelle terrestre et aux effectifs de la mission de renseignement et de la cyberdéfense. Monsieur le ministre, nous savions que la suppression des effectifs annoncée en 2013 n’était pas soutenable, mais nous aimerions que vous nous éclairiez sur les redéploiements à venir.

Mes chers collègues, cette préservation des effectifs représente un coût, qu’il faudra assumer. Ce sera autant de personnels à entraîner, à équiper et à projeter.

Les rapports de MM. del Picchia et Roger, tant sur la révision de la loi de programmation militaire que sur le projet de loi de finances pour 2016, sont clairs : la manœuvre « RH » doit se poursuivre en dépit du maintien des effectifs. C’est tout le chapitre III de la nouvelle loi de programmation militaire qui est remis en question du fait des impératifs sécuritaires.

Avant de conclure, j’aborderai un sujet qui m’est cher depuis longtemps, celui des réserves opérationnelles et citoyennes. Elles sont un moyen de renforcer notre résilience, en France comme à l’étranger, ainsi que je l’ai souligné dans un rapport d’information, en 2010, et à l’occasion d’une question d’actualité au Gouvernement après les attentats du mois de janvier dernier.

La sécurité nationale doit être l’affaire de chacun. Associer la société civile à cet effort est indispensable. J’ai vivement regretté la parution plus que tardive – quatre ans après son adoption – des décrets d’application de la loi du 28 juillet 2011, qui tend à faciliter l’utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure. Quel bilan pouvons-nous faire ?

Par ailleurs, lors de l’examen du projet de loi d’actualisation de la loi de programmation militaire, j’ai présenté des amendements visant à favoriser le déploiement des réserves parmi nos communautés à l’étranger. Le dernier avait pour objet la mise à disposition de compétences spécifiques des expatriés, au service des besoins de notre défense nationale. Avons-nous un peu avancé sur ce sujet ? S’il est encore trop tôt pour une mise en œuvre effective, monsieur le ministre, sachons user des outils que nous avons créés et inscrits dans la loi.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, les tragiques événements survenus en France, l’extrême instabilité géopolitique et les besoins de la lutte contre le terrorisme exigent que nous votions des moyens qui soient à la hauteur des enjeux et des combats que nous souhaitons mener.

Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, à la lumière des efforts accomplis, sans pour autant oublier ceux qui restent à faire, le groupe Les Républicains votera les crédits de la mission « Défense » pour 2016. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC, du RDSE et du groupe socialiste et républicain.)