Fév 18 2016

PPLO élection présidentielle – inscription électorale des Français de l’étranger (amendement)

Le gouvernement avait proposé que toute radiation du registre des Français établis hors de France se traduise automatiquement par une radiation de la liste électorale consulaire. Je me suis battue contre cette proposition en déposant un amendement de suppression de cette mesure. Celui-ci a hélas été rejeté, malgré le soutien des sénateurs des Français de l’étranger. Un amendement de repli a été adopté, limitant l’automaticité de la radiation de la liste consulaire aux seuls cas où où un citoyen demande lui-même au consulat d’être radié du registre consulaire.

Extrait du compte-rendu des débats :

Article 8

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 1 est présenté par M. Leconte.
L’amendement n° 7 est présenté par Mmes Garriaud-Maylam, Deromedi et Kammermann et MM. Cantegrit, del Picchia, Duvernois et Frassa.
L’amendement n° 40 est présenté par MM. Cadic et Détraigne et Mme Joissains.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour présenter l’amendement n° 1.

M. Jean-Yves Leconte. Madame la présidente, je défendrai en même temps les amendements nos 1 et 41, au cas où le premier ne serait pas adopté.
Les arguments ayant été déjà largement développés par Robert del Picchia, j’ajouterai simplement deux points.
Tout d’abord, compte tenu des fermetures de consulats, la caducité des enregistrements consulaires est de plus en plus importante. La distance moyenne entre les Français vivant à l’étranger et les consulats est de plus en plus grande et, par conséquent, les consulats sont d’autant plus éloignés de la réalité de ces derniers, qui ont de moins en moins le réflexe de s’inscrire.
Ensuite, cette automaticité risque de conduire, en vertu de l’article 9 de la loi organique du 31 janvier 1976, à de nombreux recours juste avant une élection présidentielle, ce qui engorgerait le tribunal d’instance du Ier arrondissement de Paris. C’est la raison pour laquelle il convient de supprimer l’article 8.
À la limite, je ne vois pas d’inconvénient à l’automaticité d’une demande de radiation exprimée par un Français qui quitte une circonscription consulaire avec la radiation sur la liste électorale. Mais l’automaticité ne doit pas entraîner la radiation de la personne qui n’a pas renouvelé sa demande d’enregistrement, parce qu’elle a oublié, parce que son adresse a changé, parce que la lettre de relance du consulat n’est pas arrivée.
La commission est, je le sais, défavorable aux deux amendements identiques. Aussi, l’amendement n° 41 prévoit de ne rendre cette radiation automatique que dans le cas où la personne demande elle-même au consulat d’être radiée du registre des Français établis hors de France. Dès lors, cela entraîne automatiquement sa radiation de la liste électorale consulaire, ce qui est une mesure de simplification

Mme la présidente. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour présenter l’amendement n° 7.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Nombre des arguments ont déjà été présentés par mes collègues. Permettez-moi cependant d’insister sur le fait que la radiation automatique est inutile dans l’immense majorité des cas.
Une personne qui demande sa radiation du registre consulaire parce qu’elle quitte la circonscription est en toute logique radiée en même temps de la liste électorale consulaire. Nul besoin de légiférer pour cela !
Je rappelle par ailleurs que l’article L. 39 du code électoral dispose déjà que, en cas d’inscription sur deux listes, l’électeur « sera maintenu sur la liste de la commune où il s’est fait inscrire en dernier lieu et rayé d’office des autres listes ».
Les seuls cas réellement délicats sont ceux des radiations effectuées par les consulats sans que les intéressés aient explicitement demandé cette radiation. Cela peut être le cas, comme il a été rappelé, lorsqu’une personne ne peut être jointe par le consulat – pour cause, par exemple, de déménagement ou de dysfonctionnement de la poste –, lequel en déduit qu’elle a quitté la circonscription.
Ce type de radiation est extrêmement délicat, et l’expérience montre que les erreurs sont très nombreuses – j’en ai moi-même été victime à Londres.
En 2008, plus de 8 000 électeurs radiés par erreur par les postes diplomatiques et consulaires avaient dû être réintégrés dans leurs droits à la suite d’un recours individuel ou collectif. Il serait grave qu’une erreur administrative vienne priver un citoyen de ses droits civiques à son insu.
Pour répondre aux préoccupations légitimement soulevées par le Conseil constitutionnel, il convient de mieux encadrer et sécuriser le processus d’inscription et de radiation sur la liste électorale consulaire, la LEC, mieux informer périodiquement les électeurs expatriés de la spécificité de leur situation électorale plutôt que d’établir un lien artificiel entre radiation du registre et radiation de la liste électorale.
C’est pour cette raison que nous plaidons, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, pour la suppression de cet article.

Mme la présidente. L’amendement n° 40 n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 1 et 7 ?

M. Christophe Béchu, rapporteur. L’avis est défavorable, même si j’ai caressé un instant l’espoir de pouvoir donner satisfaction à notre collègue Joëlle Garriaud-Maylam en acceptant la suppression de l’article.
Quel est le point de départ ?
D’après le ministère de l’intérieur, 40 000 personnes n’ont pas pu voter lors de la dernière élection présidentielle : lorsqu’elles se sont présentées dans des bureaux de vote en France, on leur a dit qu’elles étaient toujours inscrites au registre des Français établis hors de France.
C’est pourquoi on nous a demandé d’adopter une mesure de simplification. Aussi, nous devons rejeter les amendements identiques nos 1 et 7. À l’inverse, j’émettrai un avis favorable sur l’amendement n° 41, qui a le mérite de clarifier la situation, en évitant les cas de caducité. Il répond d’ailleurs totalement à la préoccupation de Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Je le répète, l’article 8 marque un progrès par rapport à la situation constatée à l’issue de la dernière élection présidentielle. Il doit être complété par l’amendement n° 41, qui tient compte de l’expérience et des retours d’expérience de nos collègues représentant les français de l’étranger.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 1 et 7.
Dans la continuité des arguments avancés par le rapporteur, je veux rappeler que l’inscription au registre consulaire entraîne une automaticité de l’inscription sur les listes électorales. Par parallélisme des formes, il convient de prévoir que la radiation au registre consulaire entraîne également la radiation sur les listes électorales, pour les raisons qui ont été précédemment précisées. D’ailleurs, beaucoup de personnes pensant que tel était le cas ont été privées du droit de s’inscrire dans la commune dans laquelle elles souhaitaient voter.
Monsieur Leconte, l’inscription au registre des Français établis hors de France est valable cinq ans. Il y a des mesures de concertation contradictoires pour établir la radiation des administrés. Trois mois avant l’échéance, l’administré reçoit à son adresse postale ou à l’adresse électronique connue par le poste consulaire une lettre ou un message précisant les formalités de renouvellement.

M. Robert del Picchia. Ou il ne reçoit rien !

Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. L’électeur est radié du registre s’il ne se manifeste pas dans les trois mois suivant la réception de ces messages.
Enfin, avec la mise en place du registre en ligne, l’électeur a la possibilité de renouveler son inscription ou de signaler son départ sans avoir à se déplacer au consulat. Cette mesure de simplification importante permettra de pallier les difficultés que les uns et les autres ont soulevées.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe-André Frassa, pour explication de vote.

M. Christophe-André Frassa. Monsieur le rapporteur, vous avez réalisé un excellent travail ; nul ne peut vous en blâmer.
Mais on ne peut pas contenter tout le monde, il est vrai. Sur ce point, nous avons un désaccord, majeur certes. Ce que vous venez de dire, monsieur le rapporteur, madame la secrétaire d’État, n’est pas très exact.
L’inscription au registre des Français établis hors de France n’entraîne pas l’inscription sur liste électorale, tant s’en faut, puisque les deux ne sont pas liées.
En effet, lorsque la personne s’inscrit au registre des Français établis hors de France, on lui demande si elle veut s’inscrire sur la liste électorale ; c’est donc elle qui le choisit. Il s’agit donc de deux démarches différentes. Pour employer un terme commun, ces deux registres sont gérés différemment. Le registre des Français établis hors de France est entièrement géré par l’administration consulaire, tandis que la liste électorale l’est par une commission administrative, qui est instituée par la loi.
Avec le système d’automatisation de la radiation, on dépossède cette instance, qui, dès lors, ne servira plus à grand-chose. Pour ma part, je l’avoue, cela me dérange un peu. Mais, surtout, on ne règle pas le problème en systématisant la radiation.
J’entends les arguments des uns et des autres, notamment celui selon lequel 40 000 personnes n’ont pas pu participer à l’élection présidentielle. Mais je ne vois pas en quoi la systématisation de la radiation pourra régler cette situation. On ne fera que déplacer le problème, monsieur le rapporteur. Certes, cela évitera peut-être que 40 000 personnes ne soient radiées à tort, mais cela entraînera peut-être aussi 40 000 contentieux déposés par des personnes qui auront été radiées pour d’autres raisons et qui estimeront, pour leur part, qu’elles n’auraient pas dû l’être. Peut-être n’ont-elles pas pu répondre à l’administration consulaire tout simplement parce que celle-ci avait mal saisi leur adresse électronique ?… Sur ce point, je pourrais m’épancher, mais il ne me reste plus que dix secondes…
Pour toutes ces raisons, je voterai les amendements identiques nos 1 et 7.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. L’amendement n° 41 sur lequel le rapporteur a donné un avis favorable répond à notre préoccupation, mon cher collègue.

M. Christophe-André Frassa. J’y reviendrai ultérieurement !

M. Jean-Yves Leconte. Mme la secrétaire d’État a exposé la théorie, mais, en pratique, on le sait bien, la poste ne fonctionne pas toujours bien ; certaines personnes, faute d’attention, ne répondent pas toujours aux courriers ; les consulats n’envoient pas toujours les documents. De nombreuses personnes vont sortir des listes électorales si l’on crée une automaticité absolue à la caducité de l’enregistrement sur les listes consulaires. Or il faut absolument éviter cette situation.
D’une part, vous avez raison, mon cher collègue, on retire la compétence de la commission administrative. D’autre part, on va engorger les tribunaux avec les contentieux. C’est vraiment inutile.
Toutes les difficultés soulevées seront traitées si nous adoptons l’amendement n° 41.

M. Robert del Picchia. Cela ne règle pas le problème !

M. Jean-Yves Leconte. C’est, me semble-t-il, l’amendement de la raison.
Par ailleurs, je veux dire au rapporteur que nous n’avons pas épuisé nos réflexions sur la simplification. (M. le rapporteur opine.) Les difficultés que vous avez évoquées avec les 40 000 personnes qui n’ont pas pu voter en France alors qu’elles croyaient qu’elles pouvaient le faire ne sont pas totalement traitées. Se pose là la question du choix pour les Français établis hors de France de pouvoir voter en France ou à l’étranger lors de l’élection présidentielle. Cette exception au droit commun rend effectivement les choses compliquées pour les communes.
Certains Français de retour dans l’Hexagone imaginent pouvoir s’inscrire sur les listes électorales de leur commune parce qu’ils pouvaient y voter lors des élections municipales, mais la commune ne prend pas en compte leur demande au motif qu’ils sont inscrits et elle ne modifie pas les options. Aussi, même si ce n’est pas le sujet qui nous occupe aujourd’hui – nous ne sommes pas tous d’accord sur la manière d’y répondre –, il faudra un jour que nous revenions sur cette question.
Le retrait de l’automaticité en cas de caducité est au minimum un impératif, et tel est l’objet de l’amendement n° 41.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christophe Béchu, rapporteur. Permettez-moi de répondre brièvement à nos collègues : je suis attaché à l’horaire de dix-neuf heures, y compris s’il pouvait constituer le terme de notre débat sur cette proposition de loi organique, sachant que nous devrons ensuite consacrer quelques minutes à l’examen de la proposition de loi ordinaire, sur laquelle plusieurs amendements ont été déposés.
Je ne voudrais pas que le Journal officiel fasse état d’un contentieux oral entre Christophe-André Frassa et moi-même, compte tenu de l’amitié que je lui porte. Il m’excusera de simplement dire que je maintiens l’avis défavorable de la commission, malgré la qualité des arguments qu’il a avancés.
Je suis d’accord avec notre collègue Jean-Yves Leconte, il est certain que cela ne règle pas tout. Mais, avec l’article 8, nous faisons un pas dans la bonne direction. Si nous le supprimons, nous ne tenons pas compte d’un principe de réalité, d’observations qui nous ont été remontées de multiples sources. C’est pourquoi il faut voter contre les deux amendements identiques.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. Je veux dire à M. Frassa que l’article 4 de la loi organique de 1976 prévoit une automaticité entre l’inscription au registre consulaire et l’inscription sur les listes électorales, sauf opposition de la part de l’intéressé.
Si, comme l’a rappelé notamment M. le rapporteur, l’article 8 ne règle pas toutes les situations ; il en règle une grande partie. La préoccupation du Gouvernement est non pas de voir si nous vidons de sa substance la commission administrative, mais plutôt d’apprécier la possibilité pour les Français résidant à l’étranger qui reviendraient en France ou quitteraient leur résidence de s’assurer qu’ils peuvent accéder dans de bonnes conditions au vote sur le lieu de leur nouveau domicile, ce qu’ils pensent possible quand ils font une demande de radiation du registre consulaire.
Telles sont les informations que je souhaitais apporter, en maintenant l’avis défavorable du Gouvernement sur ces deux amendements identiques.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 et 7.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. L’amendement n° 41, présenté par M. Leconte, est ainsi libellé :

Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Lorsqu’un Français demande sa radiation du registre des Français établis hors de France, celle-ci entraîne de plein droit sa radiation de la liste électorale consulaire, sauf opposition de sa part. »

Cet amendement a été précédemment défendu.

La commission a émis un avis favorable.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 41.
(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 8, modifié.
(L’article 8 est adopté.)

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