Avr 18 2016

Salvador (15-17 avril 2016)

SalvadorAu Salvador, le plus petit mais le plus densément peuplé des États d’Amérique centrale, notre délégation a pu rencontrer plusieurs hautes personnalités politiques, les ambassadeurs européens et représentants de l’ONU, d’ONU-Femmes et l’OAE, ainsi que divers membres de communauté française notamment actifs en matière économique et éducative.

Le Salvador a été déchiré de 1980 à 1992 par une guerre civile opposant le pouvoir conservateur, soutenu par les États-Unis, et une guérilla marxiste, qui a provoqué la mort de 75 000 Salvadoriens et l’exil de plus d’un million d’entre eux. Le rôle qu’elle a joué dans la résolution négociée de cette crise permet à la France de jouir d’une réelle estime dans ce pays. Un quart de siècle après l’arrêt des hostilités, le Salvador demeure un pays en grande difficulté, marqué par un taux élevé de pauvreté et une forte délinquance, le crime organisé et le narcotrafic infiltrant l’ensemble de la société et des institutions et les conditions de sécurité ne cessant de se dégrader.

L’économie salvadorienne – la quatrième d’Amérique centrale – demeure aussi très dépendante de la conjoncture des États-Unis (45% des exportations et 39% des importations), des transferts de ses ressortissants installés à l’étranger (16% du PIB!) et de la volatilité du prix des matières premières et des hydrocarbures. Depuis la crise de 2009, la croissance demeure atone, et trop faible pour compenser l’accroissement naturel de la population.

Nos échanges avec la communauté diplomatique étrangère au Salvador, à l’occasion d’un déjeuner de travail organisé par l’ambassadeur David Izzo dans sa résidence, font ressortir une certaine inquiétude face à cette situation, aggravée par la difficulté du gouvernement à faire passer des réformes indispensables dans un climat de très forte polarisation de la vie politique. J’ai également pu évoquer la situation des femmes, avec notamment beaucoup de mariages précoces avec les représentants des Nations-Unies. Néanmoins, la qualité du dialogue avec les autorités locales a été unanimement saluée. A noter également de récentes avancées en matière de lutte contre la corruption, de bonne gouvernance et de transparence.

Plusieurs réunions nous ont permis de dialoguer avec les députés salvadoriens de l’Assemblée législative – chambre unique du Parlement – notamment avec la Présidente de l’Assemblée législative Lorena Pena, le Vice-Président de l’Assemblée législative également ancien maire de San Salvador et président du groupe interparlementaire d’amitié avec la France Norman Quijano, et la Vice-Présidente de l’Assemblée législatives et ancienne Vice-Présidente de la République Ana Vilma de Escobar. Nos discussions ont largement porté sur la consolidation du système démocratique et des droits de l’homme au Salvador et sur les difficultés à mettre en œuvre des politiques publiques capables de répondre au besoin de sécurité tout en favorisant le développement économique et l’inclusion sociale. La communauté de valeurs entre nos deux pays a également été soulignée, avec notamment l’exemple de l’envoi par le Salvador de deux contingents au sein de la Minusma et de la Finul. Comme l’a souligné l’Ambassadeur David Izzo, la diplomatie parlementaire a ici pris tout son sens, en ce qu’elle permet de renforcer les messages de nos diplomates, de porter une parole plus libre et plus facilement acceptée par des interlocuteurs sensibles au dialogue avec leurs pairs.

Notre coopération éducative, linguistique et culturelle a également été évoquée. Elle s’appuie sur un réseau dynamique :
Salvador_LyceeFrancais2bis– le lycée Consuelo et Antoine de Saint-Exupéry (Consuelo, l’épouse et la Muse de l’écrivain, était salvadorienne), que nous avons eu le plaisir de visiter. Avec plus de 1 300 élèves, il est le plus grand établissement d’enseignement du français en Amérique centrale, et ses actions culturelles et éducatives rayonnent au-delà du cadre scolaire. Créé en 1971, il est géré par une association de parents d’élèves avec de grands succès : 100% de réussite au bac dont 25% de mentions TB. Ses locaux sont superbes (piscine semi-olympique, théâtre de 500 places..) mais devraient encore être restructurés prochainement. Parmi les élèves, 8,6% sont français, dont 29% de boursiers.
– l’Alliance française de San Salvador, qui compte elle 1 320 élèves, assure également la formation des professeurs de français. Par ailleurs le Salvador est très demandeur de nouvelles actions de coopération, avec notamment l’introduction du français dans l’enseignement public.

Salvador_cafe2A l’initiative de l’Ambassadeur David Izzo, notre délégation a pu visiter une plantation de café de la région d’Ataco et rencontrer plusieurs chefs d’entreprises français établis au Salvador,  qui ont souligné l’intérêt du marché salvadorien pour notre commerce extérieur : des opportunités existent et devraient être davantage explorées. Les investissements français publics et privés annoncés dans des secteurs stratégiques pour le développement du pays, comme l’eau et les énergies renouvelables, illustrent le renforcement de notre relations économique. Les lourdeurs administratives et l’insécurité ne doivent pas être ignorées mais prises en compte dans la stratégie des investisseurs étrangers. Le marché en vaut la peine, surtout s’il est analysé comme part d’un marché régional plus vaste, de près de 45 millions de personnes. L’absence d’opérateurs français freine considérablement l’implantation de nouvelles entreprises françaises sur place, y compris dans le cadre des appels à projet lancés par l’UE.

Dans ce contexte, le transfert de la section consulaire au Guatemala est un coup dur supplémentaire. Alors que les restrictions budgétaires frappent le Quai d’Orsay, il est impératif de réfléchir aux meilleures possibilités d’accompagnement de nos entrepreneurs sur ce marché .

Mais c’est surtout dans leur vie quotidienne que les quelques 624 Français enregistrés au consulat vont être pénalisés par le transfert de la section consulaire au Guatemala, comme l’a souligné tant leur excellent conseiller consulaire Alain Kahn que les Français et Franco-Salvadoriens rencontrés sur place. Outre les complications pratiques (durée et temps de trajet pour se rendre au consulat), c’est la dangerosité de la routé Salvador-Guatemala qui inquiète. Le développement de l’administration électronique, l’organisation ponctuelle de tournées consulaires ou le déploiement d’une valise Itinera2 (suite aux nombreuses insuffisances du dispositif Itinera1…) ne suffiront certainement pas à pallier la dégradation du service public rendu à nos compatriotes du Salvador.