Article de Nextinpact du 2 mai 2016 :
Les sénateurs ont adopté un amendement signé de la sénatrice Garriaud-Maylam visant à mettre fin au geoblocking, cette technique qui interdit aux acheteurs situés à l’étranger d’acheter des ebooks vendus en France.
L’amendement 419 en question s’attaque à la législation sur le prix du livre numérique. En résumé, il propose que « les professionnels commercialisant des livres numériques ne puissent ni exiger de leurs acheteurs qu’ils règlent avec une carte bancaire française, ni limiter la possibilité d’achat aux clients dont l’adresse IP est située en France ». Dans la situation actuelle, le prix unique de l’ebook est géolocalisé à la France.
Diffuser le patrimoine culturel français à l’étranger
« Beaucoup de pays n’ont pas de librairies francophones. C’est une situation discriminatoire envers les Français de l’étranger » a estimé en séance Joëlle Garriaud-Maylam. « La plupart des éditeurs diffusant des livres numériques refusent les achats passés depuis une adresse IP géolocalisée à l’étranger ou ne permettent le paiement qu’avec une carte bancaire française, empêchant de facto les francophones et Français établis à l’étranger d’acquérir des œuvres littéraires françaises sur support numérique. Alors que la numérisation des œuvres constitue une formidable opportunité de diffusion de notre patrimoine culturel hors de nos frontières, ces freins commerciaux pénalisent non seulement les consommateurs français à l’étranger, mais aussi notre commerce extérieur et la francophonie. »
Selon elle, il s’agit d’une violation de la directive européenne 2006/123/CE où un article 20 interdit les « discriminations fondées sur la nationalité ou le lieu de résidence » au sein du marché intérieur européen.
Axelle Lemaire s’est opposée à une telle réforme. Témoignant de l’engagement du gouvernement pour accompagner l’essor de la culture et de la langue française à l’étranger, elle a considéré surtout qu’une modification de la loi sur le livre pour appliquer mondialement le prix du livre numérique unique est impossible. « La territorialité de la loi française l’empêche, ce n’est pas une disposition d’ordre public ». Faute de mieux, elle a suggéré de travailler le sujet à Bruxelles sur le dossier relatif à la directive sur le droit d’auteur afin de faire lever les obstacles par géoblocking.
Du côté de la commission des lois, même avis. Le rapporteur a considéré en particulier que la demande de livre numérique francophone depuis l’étranger était faible. Un argument balayé par la sénatrice : « comme pourrait-il en être autrement si les acheteurs savent qu’ils ne peuvent pas acheter ces ebooks ? »
« Apprenez à pirater »
L’amendement a finalement été adopté contre l’avis du gouvernement et de la commission. On retiendra au passage les propos du sénateur Leconte : lorsqu’on est victime de ces contraintes, « vous apprenez à pirater. J’ai appris à faire du P2P car [tel site] refusait les cartes bancaires étrangères ! ». Sur le géoblocage en particulier, il a conseillé en toute simplicité d’utiliser un proxy. « Il faudrait quand même que tous ces gens comprennent qu’on ne peut plus pratiquer le droit d’auteur au XXIe siècle comme au XIXe siècle ! »