Extrait du compte-rendu intégral de la séance du 8 juin 2016 :
Mme la présidente. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collèges, il est toujours plus difficile de défendre une position nuancée que de fustiger des sanctions ou au contraire de se draper dans la défense vertueuse des droits de l’homme pour en réclamer le maintien.
Pourtant, la diplomatie est l’art du compromis. Un compromis n’a pas à être une compromission, et une négociation fructueuse nécessite l’existence d’un dialogue. Au contraire, les sanctions positionnent la négociation sous l’angle du seul rapport de force. C’est une vision bien pauvre et binaire des relations internationales. C’est aussi une vision dangereuse, qui pourrait aisément glisser vers le rapport de force militaire. Certains États membres de l’OTAN pourraient d’ailleurs être tentés de défendre une telle évolution lors du prochain sommet de Varsovie.
Il me semble pour ma part indispensable de travailler sur toute la palette d’outils dont nous disposons pour défendre la souveraineté de l’Ukraine tout en renouant des relations constructives avec la Russie.
Face aux violations manifestes du droit international dont s’était rendue coupable la Russie à la fin de 2013 et au début de 2014, et que j’avais pu constater directement en me rendant à Kiev sur la place Maïdan, j’avais réclamé une réaction vigoureuse, sous forme de sanctions personnelles et ciblées.
De manière générale, et pas seulement en Russie, je suis favorable au gel d’avoirs de dirigeants criminels ou corrompus. C’est d’ailleurs une position que je défends aux côtés d’autres collègues du GOPAC, l’Organisation mondiale des parlementaires contre la corruption.
En revanche, quelques mois plus tard ont suivi des sanctions économiques. Je me méfie toujours de ces mesures « punitives », dictées sous le coup de l’émotion, à la portée plus symbolique qu’effective, a fortiori lorsqu’elles entraînent de graves effets collatéraux, en particulier sur nos agriculteurs et nos entrepreneurs français en Russie. En Europe, 900 000 emplois ont été perdus, soit un manque à gagner de 11 milliards d’euros pour l’Union européenne.
Le renouvellement perpétuel des sanctions économiques ne me paraît pas adapté à l’évolution du contexte géopolitique, en Ukraine comme au Moyen-Orient. Quels sont les objectifs de ces sanctions ? Si la priorité est de défendre la souveraineté de l’Ukraine, alors il nous faut investir davantage dans la formation des élites locales et leur rappeler qu’elles doivent par exemple voter, elles aussi, certaines lois et tenir leurs engagements.
En effet, la faiblesse du Gouvernement actuel est, autant que les ingérences de la Russie, responsable de la mauvaise application des accords de Minsk. Le groupe d’amitié France-Ukraine, sous la houlette d’Hervé Maurey, réalise un formidable travail de coopération parlementaire. Toutefois, il faut aller plus loin, car c’est de la faiblesse et de l’instabilité politique que se nourrissent les séparatismes et les ingérences étrangères.
Vous l’aurez compris, je suis favorable à la poursuite des sanctions personnelles et ciblées, y compris sur les parlementaires, dont beaucoup sont responsables de l’état de fait actuel. Je suis donc hostile à l’alinéa 19 de la résolution dans sa rédaction actuelle. En revanche, je suis pour un assouplissement graduel des sanctions économiques.
M. Bruno Sido. Très bien !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Cela permettrait en effet de concilier fermeté et dialogue, et d’adapter notre positionnement en fonction des progrès constatés dans l’application des accords de Minsk.
La Russie est un allié incontournable dans la lutte contre le terrorisme. Mais nous ne devons pas être naïfs quant aux ambitions territoriales de ce grand pays. Nous devrions également écouter ses voisins européens en Europe du Centre-Est, mais aussi les États baltes.