Juil 26 2016

Bientôt une commission d’enquête parlementaire sur l’apologie de la violence sur Internet ?

Article de NextInpact :

Comme pour les événements tragiques du 13 novembre 2015, le récent attentat de Nice a conduit certains internautes à diffuser des images difficilement soutenables. Face à « la montée d’une violence débridée », une sénatrice demande l’instauration d’une commission d’enquête parlementaire sur l’apologie de la violence dans les médias audiovisuels et sur Internet.

« Les images, vidéos, bandes sonores et textes diffusés par les médias véhiculent des messages susceptibles de modifier la conception de la valeur de la vie humaine et d’altérer la notion de respect envers l’Autre. Certaines applications, certains jeux vidéo mais aussi des émissions de télévision banalisent les atteintes à la dignité de la personne et assimilent la violence à un acte ludique. » Le ton emprunté par Joëlle Garriaud-Maylam se veut grave, un peu plus de dix jours après les actes sanglants de Mohamed Lahouaiej Bouhlel. « Combattre la banalisation de la violence est une urgence éducative et civique. La survie de nos valeurs républicaines et de notre modèle de société en dépend. »

L’élue Les Républicains a manifestement en tête les images macabres ayant circulé – notamment sur les réseaux sociaux – peu après les événements tragiques de ces derniers mois, à l’image de cette photo de personnes décédées, gisant au sol suite aux attentats du Bataclan. Sur YouTube, de nombreuses vidéos sont également disponibles en lien avec le drame de Nice (camion qui fonce sur la foule, piétons qui filment des victimes sur la Promenade des Anglais…).

Joëlle Garriaud-Maylam ne pense toutefois pas qu’à ces attaques terroristes. « Une véritable culture de la violence se construit depuis des décennies, constate-t-elle. Outre le terrorisme islamique, la montée d’une violence débridée est constatée dans de nombreuses autres sphères – on pense notamment à l’assassinat d’Ilan Halimi par le « gang des barbares » en 2006, ou à celui de Clément Méric par des skinheads en 2013, ou encore à de multiples sordides faits divers. »

L’élue déplore la montée en puissance d’une culture de l’ultraviolence

Au travers d’une proposition de résolution déposée jeudi 21 juillet, la sénatrice demande à ce qu’une commission d’enquête soit instaurée afin d’évaluer « le rôle de la télévision, des médias en ligne et des réseaux sociaux dans la banalisation de la violence extrême ». Ses 21 membres pourraient mener à cet effet différentes auditions et/ou exiger la communication de certains documents. Ils seraient surtout chargés de « formuler des propositions pour, dans le respect de la liberté d’expression et du droit d’informer, éviter que cela ne nourrisse et n’accentue des phénomènes de radicalisation ».

Joëlle Garriaud-Maylam a d’ores et déjà quelques pistes derrière la tête… « Plutôt que de flatter les bas instincts de domination et de contrainte et l’émotion malsaine des téléspectateurs ou des internautes (notamment parmi les jeunes), les médias peuvent créer une nouvelle culture du respect d’autrui et de la résilience » avance la parlementaire. « Il ne s’agit bien sûr pas de prétendre mettre les médias aux pas mais de redéfinir les limites au sein desquelles ils peuvent exercer leur liberté de divertir et d’informer, assure-t-elle. Ces dernières années ont porté de véritables révolutions en matière d’information – notamment avec l’émergence d’Internet et des médias sociaux. Il est donc logique que de nouveaux codes de conduite soient établis et il est nécessaire que cela fasse l’objet d’un large débat. » Encore faut-il que les sénateurs adoptent sa proposition de résolution, ce qui n’arrivera désormais pas avant la rentrée de septembre (dans le meilleur des cas).

Restera surtout à voir quel sera l’avis des parlementaires sur ce texte, sachant que la récente loi prorogeant l’état d’urgence contient (suite à l’adoption d’un amendement de Joëlle Garriaud-Maylam) un article en vertu duquel le Conseil supérieur de l’audiovisuel se voit chargé d’élaborer « un code de bonne conduite » spécifiquement relatif à « la couverture audiovisuelle d’actes terroristes ». Si jamais cette commission d’enquête sénatoriale voyait le jour, ses travaux pourraient durer jusqu’à six mois.