Juil 28 2016

Proposition de loi tendant à la création d’un fonds de solidarité pour les Français établis à l’étranger victimes de catastrophes naturelles ou de crises politiques graves

Dans un monde fragilisé par la multiplication des facteurs de risques (catastrophes naturelles, pandémies, de conflits géopolitiques, attentats terroristes), la protection et la sécurité des personnes et des biens sont un enjeu majeur pour tout État. Elles font partie de ses missions régaliennes.

Des 2 500 000 Français résidant hors de France, beaucoup vivent dans des pays « à risque » et sont particulièrement vulnérables, parfois même du simple fait d’être Français. Leurs biens personnels, mais aussi, notamment dans le cas des TPE et des PME, leurs investissements professionnels, peuvent être anéantis du jour au lendemain.

Alors que sur le territoire national de nombreux dispositifs permettent une indemnisation et un nouveau départ; à l’étranger, nos compatriotes ne peuvent compter que sur une hypothétique indemnisation de la part de leur État de résidence, le plus souvent inexistante. Comme le rappelle le guide du MAEDI « Être victime à l’étranger », « aucun fonds public en France ne permet, à ce jour, d’indemniser les propriétaires de biens à l’étranger. En droit international la protection des biens ou des personnes incombe aux autorités locales. »

La présence de compatriotes dans le monde entier, et en particulier dans les pays dits « à risque » est pourtant essentielle à notre commerce extérieur et à notre rayonnement politique et culturel. Il importe donc de sécuriser leurs parcours en mettant en place un dispositif d’indemnisation ou, a minima, un fonds de solidarité.

La création en 2008 du Centre de Crise du Ministère des Affaires étrangères, qui coordonne la réponse aux crises à l’étranger impliquant des ressortissants français ou appelant une réponse humanitaire, a constitué un véritable progrès. Mais ce centre n’a pas vocation à aider financièrement les particuliers ou petites entreprises affectés par les crises.

La proposition de loi n° 224 déposée le 4 mars 2008 visant à créer un fonds de solidarité pour les Français établis à l’étranger victimes de catastrophes naturelles ou de crises politiques graves n’ayant jamais été mise à l’ordre du jour du Sénat, il nous a semblé nécessaire de déposer une nouvelle proposition de loi avec le même objet.

En dépit à la fois d’un rapport du Conseil économique social et environnemental de 2009 proposant « la mise en place d’un système d’indemnisation des expatriés pour perte de biens » et se déclarant « favorable dans le respect du principe d’équité entre tous les citoyens, à un système d’indemnisation au bénéfice des Français établis hors de France », et d’une réponse du Ministre des Affaires étrangères à la question écrite n° 18110 du 07/04/2011 indiquant que la suggestion de création d’un fonds de garantie au niveau européen retenait son attention et qu’il allait commander une étude de faisabilité, le projet de fonds d’indemnisation ne s’est jamais concrétisé, ni à l’échelle française ni au plan européen. Nous n’avons d’ailleurs jamais vu l’étude de faisabilité annoncée. Si la protection consulaire européenne a fait quelques progrès, avec l’adoption le 31 mars 2015 de la proposition de directive du Conseil relative à la protection consulaire des citoyens de l’Union à l’étranger (2011/0432 CNS), aucun fonds de soutien n’a été créé et les négociations sur ce dossier semblent au point mort.

Il semble également irréaliste d’espérer la mise en place d’une assurance-indemnisation privée pour les Français de l’étranger. Dès sa création en 1948, le Conseil supérieur des Français de l’étranger s’était préoccupé de la question des dommages de guerre et de la possibilité de couverture des risques afférents. Ce dossier de mise en place d’une assurance-indemnisation pour la perte des biens des expatriés a été repris au début des années 1980, sous l’impulsion notamment des sénateurs des Français établis hors de France Paulette BRISEPIERRE, Charles de CUTTOLI, Jacques HABERT, Paul D’ORNANO et Xavier de VILLEPIN. Des années plus tard, à la suite d’un voeu unanime du CSFE, une enquête d’opinion a été réalisée par le Ministère des affaires étrangères, prouvant l’intérêt de nos compatriotes pour une telle protection. Mais, malgré des tentatives réitérées, aucune société d’assurance ne semble avoir voulu aller jusqu’au bout de la mise sur le marché d’un tel produit, même si le nombre de Français s’expatriant croît régulièrement et de façon importante.

Il ne s’agit pas, bien entendu, de demander à l’État français de se substituer à la responsabilité des autorités du pays dans lequel les pertes sont constatées, mais de soutenir des ressortissants dont la présence à l’étranger est bénéfique à notre Nation. La mise en place d’un fonds public permanent de solidarité pour les Français expatriés victimes de catastrophes naturelles ou troubles géopolitiques graves dans leur pays de résidence traduirait les principes d’égalité et de solidarité de tous les Français devant les charges résultant de catastrophes énoncés dans le préambule de notre Constitution.

Le fonds de solidarité pourrait être alimenté par des dons et legs, par une fraction du produit des successions appréhendées par l’État à titre de déshérence, ainsi que par une fraction du produit de l’établissement des passeports. Ce serait ainsi un témoignage de la solidarité nationale envers ceux de nos compatriotes expatriés victimes de circonstances graves et imprévisibles.

Tels sont, Mesdames et Messieurs, les motifs de la présente proposition de loi que nous vous demandons de bien vouloir adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Il est créé un fonds de solidarité pour les Français établis à l’étranger, particuliers ou petites entreprises, privés de tout ou partie de leurs ressources ou ayant perdu tout ou partie de leurs biens à la suite d’une catastrophe naturelle ou d’une crise politique grave. Ce fonds est notamment destiné à les aider à se réinsérer en France ou dans le pays étranger de résidence.

Article 2

Le fonds, doté de la personnalité morale, est alimenté par des dons, legs et subventions publiques éventuelles, par le produit d’une majoration de 10 % du tarif des passeports et par un prélèvement de 10 % sur le produit des successions en déshérence dans des conditions fixées par la loi de finances. Il est subrogé à concurrence des sommes versées, dans les droits que possèdent les victimes contre toute personne physique ou morale responsable des dommages à indemniser.

Article 3

Un arrêté interministériel détermine les lieux et dates des catastrophes naturelles ou événements politiques graves dont ont été victimes nos compatriotes, ainsi que la nature des dommages résultant de ces événements et donnant droit à indemnisation ou secours.

Article 4

Lorsque, en fin d’exercice, il est constaté un reliquat disponible non utilisé et non susceptible de l’être sur les ressources du fonds, tout ou partie de ce reliquat peut être affecté par fonds de concours au budget de la Mission Action extérieure de l’État afin d’abonder les fonds mis à la disposition des postes diplomatiques au titre de l’action sociale au bénéfice des Français de l’étranger se trouvant dans des situations difficiles.

Article 5

Les éventuelles conséquences financières résultant pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.