Sur la route de l’Australie, j’ai jugé pertinent de faire un détour par la Papouasie-Nouvelle-Guinée, pays d’Océanie longtemps ignoré où il me semble pourtant indispensable de renforcer notre présence économique et culturelle, très insuffisante au regard du potentiel du pays.
Aujourd’hui notre présence est en effet réduite au minimum. L’Alliance française a disparu et nous n’avons qu’un simple PPD, poste à présence diplomatique réduite avec un Ambassadeur et un adjoint et une centaine de personnes à peine, dont une majorité de membres d’ONG et de cadres pétroliers.
- Etat des lieux
La Papouasie-Nouvelle-Guinée (PNG) territoire de près de 463 000 km², approximativement la taille de l’Espagne, est un pays d’une grande richesse naturelle, avec les plus grandes forêts tropicales après celles des bassins de l’Amazone et du Congo, et plus de 70% d’espèces endémiques de plantes. C’est aussi une puissance en devenir de la région océanienne, avec ses 8M d’habitants, ses ressources considérables, qu’elles soient minières (or, cuivre, nickel), pétrolières et gazières. Plus de quarante ans après avoir acquis son indépendance de l’Australie, elle reste confrontée à de nombreuses difficultés structurelles mais a acquis une vraie stabilité politique. Sir Michael Somare, « Père de l’indépendance », confirmé comme Premier ministre lors d’élections générales en 1977 a occupé ce poste quatre fois jusqu’en 2012, suivi par Peter O’Neill que j’ai eu l’honneur de rencontrer pendant ce déplacement et la PNG dispose d’un Parlement monocaméral de 111 représentants élus, dont seulement 5 femmes.
Il y a dans ce pays un vrai potentiel d’implantation d’entreprises françaises (il n’y a par exemple aucun hôtel, aucun restaurant français, pas même une boulangerie) et nul endroit où apprendre le français!
Pourtant les relations avec les autorités papouasiennes se sont développées récemment. La PNG suit avec intérêt la politique française d’insertion des collectivités d’outre-mer dans leur environnement régional et souhaite développer les coopérations avec les territoires français, notamment la Nouvelle-Calédonie, avec laquelle elle partage une frontière maritime.
Le Premier ministre Peter O’Neill s’est rendu -pour la première fois – en France en juin 2015 et y est retourné en décembre pour la COP21.
Les forces papouasiennes ont participé aux exercices multinationaux « Croix du Sud » conduits en Nouvelle-Calédonie et le gouvernement papouasien a choisi la compagnie TOTAL pour un grand projet gazier. Ainsi Total a signé en 2013 des accords avec Oil Search et InterOil pour acquérir des droits d’exploitation sur les nouveaux gisements de gaz naturel des champs d’Elk et d’Antelope, dont les réserves sont évaluées à plus de 175 milliards de mètres cubes et son président Patrick Pouyanné, s’est rendu en avril 2016 à Port Moresby pour réaffirmer son intention de construire une usine de gaz liquéfiée dans le golfe de Papouasie.
Dans le domaine aéronautique, PNG Air (compagnie aérienne de Papouasie-Nouvelle-Guinée) a commandé sept appareils de la série ATR-600 en 2014 auprès du groupement d’intérêt économique ATR dont Airbus possède 50 % des parts. Le premier a été mis en service en novembre 2015 et les six autres appareils seront livrés d’ici à 2017.
La coopération entre la France et la Papouasie-Nouvelle-Guinée se fonde aussi sur une coopération scientifique axée sur la recherche pour le développement (agronomie, sciences de l’environnement, gestion des risques naturels, géologie), en liaison avec les instituts de recherche français dans la région. .
La Papouasie-Nouvelle-Guinée bénéficie du financement du Fonds Pacifique (Fonds français pour le Pacifique pour des projets de coopération économique, sociale et culturel). Il a notamment participé en 2016 au financement du projet Ambitle, d’adaptation des coraux au changement climatique mené par l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) et devrait financer les cours de français destinés aux diplomates.
- Un programme de deux jours seulement, mais très intense
Arrivée du Brunei via Manille le 15 septembre à 5h du matin, l’Ambassadeur de France à Port-Moresby, Monsieur Pascal Maubert m’emmenait aussitôt à une réunion de travail à l’Ambassade pour faire le point sur les enjeux et les opportunités de notre présence en PNG, avant de nous rendre à la cérémonie de remise des diplômes de relations internationales aux jeunes fonctionnaires issus de différents départements ministériels.
Une cérémonie où notre présence fut particulièrement appréciée et qui fut également l’occasion de m’entretenir des enjeux et du rôle de la PNG en Océanie, avec notamment M. Amena Yauvoli, Directeur Général du Groupe de Fer de Lance Mélanésien, le Chief Secretary, l’Ambassadeur Isaac Lupari, et le Secrétaire général des Affaires étrangères, M. William Dihm et de renouveler l’assurance de notre engagement en matière de formation des diplomates en soulignant l’importance de l’enseignement des langues dans ce domaine.
J’ai également abordé avec le Ministère et sa Directrice des affaires consulaires, la question sensible des visas, une certaine intransigeance de notre part empêchant notamment les visites en France de délégations officielles. L’occasion de la rassurer, suite à l’engagement pris par le Président de la République, de nous efforcer de trouver des solutions adaptées pour la France mais aussi au niveau européen comme la formule de l’exemption, déjà accordée aux voisins de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, Vanuatu et Salomon.
Je fus ensuite reçue pour un long entretien par le Premier Ministre. Peter O’Neill qui me redit combien il souhaitait un renforcement de la présence économique française, mais aussi culturelle et scientifique en Papouasie-Nouvelle-Guinée, nos entreprises pouvant lui apporter leur savoir-faire, leur connaissance des enjeux climatiques, le respect de l’environnement et une certaine éthique.
Peter O’Neill s’est également félicité du rapprochement récent entre nos deux pays et de la toute récente admission de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie au Forum des Îles du Pacifique en tant que membres de plein droit, et avec le soutien appuyé de la PNG dont je l’ai bien sûr remercié. « Il y a des domaines dans lesquels nous avons des intérêts communs, y compris la promotion du tourisme », me dit-il, ajoutant au nombre de ces intérêts communs la réduction des émissions de CO2 et la lutte contre la pêche illégale dans le Pacifique.
J’ai profité également de cet échange pour le sensibiliser à des projets d’autres entreprises françaises en Papouasie-Nouvelle-Guinée, notamment Bolloré-Ports et Oberthur Technologies. Le Premier ministre s’est ainsi félicité de voir l’entreprise Bolloré contribuer au développement des deux principaux ports du pays et me promit de recevoir dans les meilleurs délais les représentants de ces deux entreprises (ce qui fut fait aussitôt pour Oberthur)
Après cet entretien nous nous rendîmes à un déjeuner de travail avec des Français membres de Médecins sans frontières sur le programme de lutte contre la tuberculose.
Puis ce fut une visite très enrichissante, celle du Musée national d’art de Papouasie en compagnie de son Directeur, M. Andrew Moutu.
- Moutu me rappella le soutien apporté par notre pays à cette institution, se félicitant de l’invitation du musée du Quai Branly d’un sculpteur en France l’an prochain et du Palais de Tokyo, dont il avait reçu le conservateur la veille, de recevoir un jeune créateur en résidence sur financement de la Fondation TOTAL. Il renouvelait également son souhait de voir se développer aussi à l’avenir des coopérations avec les partenaires naturelles que sont les institutions de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française.
Cette riche journée s’est terminée par une soirée organisée par l’ambassadeur dans sa Résidence afin que je puisse rencontrer la petite communauté française présente à Port-Moresby.
Le lendemain 16 septembre était le jour de la fête nationale de Papouasie-Nouvelle-Guinée. A 4 heures 15 l’Ambassadeur passait me prendre à mon hôtel pour participer aux cérémonies du 41ème anniversaire de l’Indépendance. Des cérémonies liées au lever du soleil avec le lever des couleurs sur la Colline de l’Indépendance, processus durant de 4h45 à 7h00 avec une foule en liesse, vêtue aux couleurs de leur pays.
A 7 heures, petit-déjeuner officiel où j’eus le plaisir de revoir le Premier Ministre, le Président du Parlement , maintes autres personnalités papouasiennes dont dont le général Toropo, Chef d’État- major des Armées. J’eus aussi le privilège inattendu de rencontrer le Chef d’Etat-Major de l’armée australienne, le Général Angus Campbell et d’évoquer avec lui non seulement les liens entre son pays et la Papouasie, mais le développement de notre relation franco-australienne de Défense, avec notamment la vente de sous-marins .Coïncidence amusante, j’avais déjà eu le plaisir de rencontrer en juillet 2014, à l’occasion de sa réception des insignes d’Officier de la Légion d’honneur aux Invalides, son prédécesseur direct, le Général David Morrison…
Les liens entre l’Australie et la Papouasie sont restés très étroits malgré l’indépendance de cette dernière, l’Australie en est le principal partenaire politique, économique et commercial et 100 000 ressortissants australiens y vivent… La Papouasie-Nouvelle-Guinée abrite aussi, sur l’île de Manus, un centre de détention pour 1000 immigrants illégaux venus du Proche et du Moyen-Orient…
Il est cependant clair que la Papouasie veut aujourd’hui diversifier ses réseaux et est à la recherche de nouveaux partenaires. La France, par sa présence stratégique en Océanie et par sa tradition historique et culturelle serait pour elle un partenaire idéal. A nous de savoir saisir cette chance !