Oct 04 2016

PJL Egalité et citoyenneté – amendement réserve citoyenne (1)

Extrait du CR intégral du débat portant sur la défense de mon amendement, cosigné par Jacky Deromedi, Robert del Picchia et Jean-Pierre Cantegrit :

Article 2

(Non modifié)

La réserve civique peut comporter des sections territoriales, instituées par convention entre l’État et une ou plusieurs collectivités territoriales.

En cas de méconnaissance des principes énoncés aux articles 1er et 3 à 5 de la présente loi, ainsi que dans la charte de la réserve civique, notamment en ce qui concerne l’affectation des réservistes, ces conventions peuvent être dénoncées par l’État, par décision motivée et après mise en demeure de la collectivité concernée.

[…]

M. le président. L’amendement n° 347 rectifié ter, présenté par Mmes Garriaud-Maylam et Deromedi et MM. del Picchia et Cantegrit, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

La réserve civique peut également comporter des sections à l’étranger, instituées sous le contrôle des consulats et des conseils consulaires.

La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Cet amendement vise à étendre le bénéfice de la réserve citoyenne aux Français de l’étranger. Notre commission spéciale n’avait pas voulu de la première rédaction de cet amendement, la jugeant mal adaptée ; j’ai évidemment tenu compte de l’avis de la rapporteur Françoise Gatel et modifié la rédaction de mon amendement, dans l’espoir qu’il soit adopté.

Je tiens tout d’abord à saluer le souci de rigueur de nos deux rapporteurs. Je suis moi-même très préoccupée par l’emballement législatif que nous constatons souvent ; j’ai également le souci de parvenir à une loi qui soit la plus précise et la plus rigoureuse possible.

Cela dit, mes chers collègues, refuser cet amendement reviendrait à dénier aux Français de l’étranger un droit citoyen, le droit de rejoindre la réserve citoyenne. Les Français de l’étranger, eux aussi, et peut-être plus encore que sur le territoire français, ont soif d’engagement ; il est donc important que nos compatriotes aient la possibilité de s’engager.

Des amendements visant à étendre à l’étranger ce droit de réserve citoyenne ont bien déjà été adoptés. Néanmoins, je suis persuadée qu’il serait digne de la Haute Assemblée d’adopter cet amendement et d’introduire ainsi dans ce texte une disposition qui n’entraîne aucun coût supplémentaire et n’a aucune dimension réglementaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Ma chère collègue, je salue la qualité de votre intervention et je sais que vous avez effectivement eu à cœur d’améliorer la rédaction de votre amendement.

Je rappellerai tout d’abord que le cadre légal actuel n’interdit pas le déploiement de la réserve citoyenne en dehors de nos frontières. Cela signifie qu’il est possible de mettre en œuvre une réserve citoyenne à l’étranger. Je suis navrée de devoir revenir aux fameux six points de notre méthode, mais, dès lors que les choses sont possibles en l’état du droit, nous avons jugé utile de ne pas inscrire dans la loi cette faisabilité. Il ne s’agit pas de nier l’importance du sujet que vous évoquez, mais de convenir que cette possibilité existe déjà.

Je rappellerai encore que l’article 6 bis du présent projet de loi ouvre le service civique, auprès des postes consulaires, aux Français établis hors de France. À ce sujet, selon des critères de réalisme, nous nous interrogeons sur la capacité des consulats, compte tenu de leurs moyens humains et financiers, à assurer le développement du service civique dans les villes où ils sont implantés.

Par conséquent, ma chère collègue, vous me voyez navrée – je vais devoir passer la semaine à être navrée et à m’excuser ! –, mais je suis au regret de vous dire que je reste très sceptique et que, vous l’aurez compris, je maintiens l’avis défavorable émis par la commission sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrick Kanner, ministre. Rigueur pour rigueur, il me faut préciser à Mme la rapporteur que ce n’est pas le service civique qui est concerné par l’article 6 bis du texte : c’est la réserve civique.

Je voudrais d’ailleurs vous en lire le texte de cette disposition, afin de rassurer l’ensemble des sénateurs et sénatrices ici présents : « Une réserve civique est accessible aux Français établis hors de France auprès de chaque poste consulaire à l’étranger, selon les modalités définies aux articles 1er à 5 de la présente loi. »

Cet article, fruit de l’adoption par l’Assemblée nationale d’un amendement porté par le député Philip Cordery, répond parfaitement à votre préoccupation, madame la sénatrice. Ce débat est quelque peu abscons, si vous me permettez l’expression…

Par conséquent, madame la sénatrice, je vous demande de retirer cet amendement, qui est satisfait par le texte issu de l’Assemblée nationale.

M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour explication de vote.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Pardonnez-moi, mais l’article 2, à son premier alinéa, mentionne que la réserve civique « peut comporter des sections territoriales instituées par convention entre l’État et une ou plusieurs collectivités territoriales ».

Je ne vois pas pourquoi les Français de l’étranger seraient exclus du bénéfice de cet article, même si, effectivement, ils sont évoqués un peu plus loin dans le texte. Il s’agit selon moi d’une question d’égalité entre tous les citoyens, qu’ils résident ou non à l’étranger.

J’étais justement ce matin au ministère des affaires étrangères pour parler de cette réserve citoyenne. Il existe à ce sujet une attente considérable, et je crois vraiment que nos concitoyens de l’étranger ne comprendraient pas, monsieur le ministre, votre refus de cet amendement. Voilà pourquoi je souhaite le maintenir ; nous verrons la suite qui lui sera donnée, mais cette question me paraît néanmoins extrêmement importante.

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.

M. Jean Louis Masson. Je veux bien qu’un Français de l’étranger fasse partie de la réserve citoyenne. Pour autant, si nous créons des sections de la réserve citoyenne sur le territoire de pays étrangers, pourquoi alors nos amis algériens ne viendraient-ils pas créer chez nous des sections de la réserve citoyenne algérienne ? (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

C’est un réel problème ! Nous devons certes respecter l’Algérie dans ses limites territoriales, mais il faut aussi que chacun reste chez soi pour s’y occuper de ses problèmes ; on évite ainsi à l’évidence bien des difficultés.

Pour ma part, il me paraît invraisemblable qu’un État veuille créer des sections de réserve citoyenne organisées sur le territoire d’un autre État.

C’est à la mode maintenant : tout le monde s’occupe de tout, il n’y a plus de citoyenneté, il n’y a plus rien ! Quant à moi, j’ai une conception très stricte de la souveraineté nationale et, de même que je souhaite que la souveraineté nationale de la France soit respectée, je pense qu’il convient que la France respecte celle des autres États.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Requier. Je suis d’accord sur le principe concret de ces réserves : il est bon que tous les Français, où qu’ils se trouvent dans le monde, puissent venir aider s’il y en a besoin.

Cela dit, prenons le cas de Français installés en Australie ou en Nouvelle-Zélande : s’il se passe un événement grave en France, il faut quand même ne pas en être trop éloigné pour pouvoir aider ! Comment pensez-vous qu’un Français situé au fond du bush australien puisse venir aider les forces de l’ordre à Paris, par exemple, ou à Nice ? (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage, pour explication de vote.

Mme Claudine Lepage. Je ne soutiendrai malheureusement pas l’amendement de Joëlle Garriaud-Maylam, non pas parce que je ne serais pas d’accord avec elle, mais parce que les Français de l’étranger sont bien mentionnés à l’article 6 bis.

J’aimerais néanmoins rassurer nos collègues : monsieur Requier, monsieur Masson, les Français qui intégreront la réserve civique à l’étranger n’iront pas se mêler des affaires locales ; ils iront dans les écoles françaises, dans les alliances, là où ils sont utiles. Créer la réserve civique des Français de l’étranger ne revient pas à constituer des milices à l’étranger !

M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, rapporteur.

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Vous constaterez, mes chers collègues, que le Gouvernement et les rapporteurs peuvent être complètement en phase : nous le sommes dans le cas présent, parce que chacun de nous a bien indiqué que cet amendement était satisfait.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 347 rectifié ter.

(L’amendement n’est pas adopté.)