Tribune parue que j’ai corédigée avec le Général Jean-Paul Palomeros, parue dans Le Figaro, no. 22459, mardi 25 octobre 2016, p. 14 :
La sénatrice des Français établis hors de France et le général (2S) de corps d’armée aérienne plaident pour le renforcement de jeunes volontaires auprès des forces de défense et de sécurité, tant dans l’Hexagone qu’à l’étranger.
Les attaques terroristes subies par notre pays en 2015 et 2016, de Paris à Nice, et de manière générale la lutte engagée par notre pays contre l’extrémisme fondamentaliste ont entraîné dans la population une prise de conscience des enjeux de sécurité et de défense, ainsi qu’en témoigne l’afflux de jeunes volontaires pour rejoindre les forces de défense et de sécurité. Il est urgent de permettre aux citoyens de concrétiser leur soif d’engagement en faveur de la sécurité nationale et de la défense des valeurs républicaines qui fondent notre vivre-ensemble. De surcroît, et même si la déflation d’effectifs considérable subie par nos armées depuis près d’une décennie est arrêtée, il est clair que nos forces armées professionnelles ne peuvent couvrir à elles seules les besoins de résilience et de compétences qu’entraîne ce nouveau contexte sécuritaire.
Avant même de réfléchir à la mise en œuvre des idées récentes émises en réaction des attentats de Paris, nous pouvons d’ores et déjà mieux tirer parti des dispositifs existants.
La réserve citoyenne, telle qu’elle existe depuis 1999, vise justement à renforcer l’esprit de défense et la participation des civils à l’effort de résilience dans le cadre du continuum sécurité/défense. Victime d’un sous-investissement chronique mais aussi d’un manque d’intérêt politique, elle n’a jamais pu se développer réellement. Son potentiel est pourtant considérable. D’abord pour réagir à des crises majeures telles qu’un acte terroriste, une catastrophe naturelle ou un accident industriel. Mais aussi pour permettre à des professionnels de mettre au service de notre nation, à temps partiel mais de manière pérenne, des compétences rares, par exemple en matière linguistique, d’accès à certains réseaux, de veille stratégique ou encore de cybersécurité. Enfin, la réserve citoyenne peut renforcer notre maillage sécuritaire et relayer la culture de défense dans des territoires où nos forces armées ne peuvent assurer une présence adéquate.
Comme souligné dans le rapport au Sénat Boutant/Garriaud-Maylam de 2010 « Pour une réserve de sécurité nationale » , il est indispensable de définir une véritable stratégie de montée en puissance des réserves. Parmi les défis à relever : la définition et l’encadrement des missions des réservistes citoyens, la simplification administrative de l’accès au statut de réserviste ou encore la dynamisation du recrutement au sein des entreprises et des administrations – l’exemple britannique pouvant être sur ce point source d’inspiration. La pleine intégration du réserviste au sein d’une force armée choisie permettrait à la fois qu’il puisse mieux comprendre et anticiper les besoins du commandement en matière de conseil ou d’expertise et qu’il se sente mieux reconnu et valorisé dans sa mission. Sur tous ces points, la marge de progression est énorme, avec un impact marginal sur le budget de l’État.
Peu développée dans l’Hexagone, à l’exception d’un petit cercle de décideurs (colonels de la réserve citoyenne), la réserve citoyenne est quasiment inexistante parmi nos communautés à l’étranger, où le vivier de compétences est pourtant considérable. L’intérêt d’une réserve citoyenne française à l’étranger, en lien avec nos postes diplomatiques et consulaires, est pourtant considérable, à un moment où ces derniers se voient demander des efforts budgétaires drastiques. Ces réservistes pourraient ainsi contribuer à assurer une veille sécuritaire de protection de la communauté française et des intérêts français dans le pays, assurer le lien armée-nation en contribuant par exemple à l’organisation de Journées défense et citoyenneté pour nos jeunes mono ou binationaux, apporter des expertises spécifiques à notre défense nationale et prêter main-forte en cas de crise majeure. Dans cette perspective, il faut sensibiliser les Français de l’étranger à l’existence de la réserve citoyenne et préparer sa montée en puissance. Les Journées défense et citoyenneté, en coopération avec les attachés de défense et les responsables des plans de sécurité, pourraient être l’occasion de faire connaître les réserves aux jeunes expatriés. Il est indispensable de dialoguer avec les entreprises françaises à l’étranger, pour qu’elles facilitent l’engagement de leur personnel au titre de la réserve citoyenne. Les comités de liaison réserve-entreprise ou le pacte Défense-PME devraient également avoir des traductions au niveau local, avec une implication des élus consulaires. Des actions doivent également être menées en direction des professionnels français de la sécurité et de la santé publique à l’étranger, qu’ils soient en activité, à la retraite ou en disponibilité.
L’Allemagne, la Grande-Bretagne, les États-Unis ou la Chine ont depuis longtemps compris l’utilité d’entretenir l’esprit de « réserve » et de volontariat, ainsi que l’intérêt de mobiliser les intelligences et les bonnes volontés hors de leurs frontières. La France ne peut plus se permettre de posture attentiste. Des synergies doivent être mises en place, vite. À nous de les dynamiser pour faire des communautés françaises à l’étranger le laboratoire à partir duquel un nouvel élan pourra être donné à la réserve citoyenne française. Telle est en tout cas l’ambition de l’Association internationale des réservistes citoyens (AIRC) qui vient d’être créée.