Fév 08 2017

Prévention du terrorisme : une ratification française cruciale

conventionterrorismeLa Commission des Affaires étrangères et de la Défense du Sénat a adopté à l’unanimité mon rapport sur le projet de loi autorisant la ratification du protocole additionnel à la convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme.

La convention du Conseil de l’Europe de mai 2005, que ce protocole vient compléter, avait été élaborée suite aux attentats du 11 septembre 2001. Elle est le premier instrument international à aborder la lutte contre le terrorisme sous l’angle préventif. Elle oblige notamment les parties à qualifier d’infractions pénales divers actes susceptibles de conduire à la commission d’infractions terroristes, notamment la provocation publique, le recrutement et l’entraînement, ainsi qu’à renforcer leur coopération.

Le protocole additionnel, signé par la France en octobre 2015, à Riga, fait suite à la Résolution 2178 des Nations Unies « Menaces contre la paix et la sécurité internationales résultant d’actes de terrorisme ». Il vise à améliorer les mesures de prévention du terrorisme :

– en endiguant le flux de combattants terroristes étrangers vers les zones de conflit, notamment en encourageant les États à modifier leur droit interne pour ériger en infraction pénale le fait de se rendre à l’étranger « dans le dessein de commettre, d’organiser ou de préparer des actes de terrorisme, ou afin d’y participer ou de dispenser ou recevoir un entraînement au terrorisme », ainsi que la fourniture, la collecte délibérée de fonds ainsi que toute autre activité qui facilite de tels voyages. Ce phénomène des combattants étrangers, auquel j’avais d’ailleurs consacré un de mes rapports pour l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, constitue une véritable menace.
Sur les 12 000 combattants étrangers en zone irako-syrienne, il y aurait aujourd’hui près de 700 Français, dont environ 300 femmes et mineurs combattants.
Plus précisément, selon le Quai d’Orsay, le nombre total de combattants étrangers au sein de Daech et du Jabhat Fatah al-Cham (ex-Jabhat al Nosra) s’est stabilisé en 2015, plafonnant autour de 15 000 combattants, puis s’est progressivement contracté pour atteindre 12 000 individus actuellement. Les contingents des CTE européens actuellement en zone syro-irakienne seraient d’environ 690 Français, 500 Allemands, 400 Belges, 190 Néerlandais, 125 Espagnols et 120 Suédois. Il faut y ajouter un contingent russophone très important de près de 5 000 djihadistes, dont entre 1 500 et 2 000 Nord-Caucasiens, ainsi que la présence de 700 Turcs qui combattraient au sein de Daech ou du Jabhat Fatah al-Cham. Ce sont les pays arabes, hors Syrie et Irak, qui fournissent le plus grand nombre de combattants étrangers à Daech : environ 4 000 Tunisiens, 2 500 Saoudiens, 2 000 Jordaniens, 2 000  Marocains, 900 Libanais et 600 Libyens.
Parmi les Français ou résidents en France présents en Syrie et en Irak, on dénombrait 287 femmes et 22 mineurs combattants. Près de 460 mineurs de moins de 15 ans ont été emmenés sur zone par leurs parents ou sont nés sur place.

– en criminalisant plusieurs autres actes considérés comme préparant une attaque terroriste, tels que l’association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme et le financement d’une entreprise terroristes. Le code pénal français (notamment ces articles 421-2-1 et 421-2-2) permet d’ores et déjà de poursuivre de tels comportements.
Début janvier 2017, le parquet général de Paris fait état des données suivantes relatives au contentieux dit « des filières irako-syriennes » (tous comportements confondus : velléitaires, départ et retour de zone en lien ou non avec un projet d’action violente) :
– 492 procédures judiciaires en lien avec la zone Syrie/Irak ont été ouvertes au pôle anti-terroriste de Paris depuis 2012 ;
– 385 dossiers sont toujours en cours dont 173 informations judiciaires et 212 enquêtes préliminaires ;
– 344 individus sont actuellement mis en examen ;
– 214 individus sont placés en détention provisoire et 130 sous contrôle judiciaire ;
– 163 individus jugés ou visés dans des informations judiciaires clôturées (86 en attente d’un jugement et 77 condamnés) ;
– et 21 affaires concernant au total 77 personnes ont été jugées.
À cette même date, s’agissant plus précisément du phénomène des combattants étrangers, on recensait 172 individus de retour de zone irako-syrienne, parmi lesquels 50 ont été condamnés par les juridictions répressives, 113 ont été mis en examen, 8 sont en attente de jugement et 1 a le statut de témoin assisté.
Parmi les 121 returnees mis en examen ou en attente de jugement, 35 sont sous contrôle judiciaire et  86 sont en détention provisoire. Sur les 50 returnees condamnés, 28 sont actuellement incarcérés et 16 sont visés par des mandats d’arrêt, ayant été jugés par défaut et se trouvant toujours sur zone. Les 6 returnees condamnés mais non écroués sont pour l’essentiel des mineurs.

– en obligeant les Parties à faciliter la coopération internationale à travers l’échange d’informations en désignant un point de contact disponible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Pour la France, c’est l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste, l’UCLAT, qui sera ce point de contact.

La ratification par la France de ce Protocole a avant tout une valeur d’entraînement pour la communauté internationale. En effet, notre législation interne satisfait déjà les principales exigences du Protocole. En revanche, notre ratification est essentielle pour que ce texte international entre en vigueur. S’il a pour l’instant été signé par 33 États membres du Conseil de l’Europe, seuls l’Albanie, le Danemark et Monaco l’ont pour l’instant ratifié alors que 6 ratifications sont requises pour permettre l’entrée en vigueur. Une ratification française dans les meilleurs délais sera donc une impulsion essentielle pour mobiliser nos partenaires au Conseils de l’Europe et je me réjouis que mes collègues de la Commission des affaires étrangères aient, à l’unanimité, soutenu ma position et qu’ils aient accepté que, pour gagner du temps, le texte passe en discussion simplifiée dans l’hémicycle dès le 16 février prochain.

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