Mon arrivée au Koweït a été marquée par les secousses d’un séisme de magnitude 7.3 dont l’épicentre était à la frontière irano-irakienne et qui y a fait plus de 300 victimes. Pour ma part plus de peur que de mal, mais des impressions fortes, depuis ma chambre d’hôtel au 27e étage…
Mon séjour au Koweït s’est organisé autour d’un séminaire de la commission sur la dimension civile de la sécurité de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN que je préside, avec des débats passionnants sur la sécurité des pays du Golfe et la manière de résoudre au mieux les tensions et conflits en cours. Ce séminaire se tenait au parlement koweïtien en présence du Ministre des Affaires étrangères Cheikh Sabah Khaled Al Hamad Al Sabah, du Premier ministre adjoint et ministre de la Défense Cheikh Mohammad Khaled Al-Hammad Al-Sabah, du Président du parlement Marsouq Al-Ghanim et de plusieurs députés.
Bien que le Koweït soit reconnu comme l’un des pays du Golfe les plus libéraux et ouverts en matière d’égalité femmes-hommes (les femmes n’ayant par exemple pas d’obligation de porter le voile et beaucoup occupant des positions très importantes dans les affaires et la haute administration), sur les 50 députés que compte le Parlement ne figure qu’une seule femme. Il faut dire que les femmes n’ont le droit de vote que depuis 2005…. et qu’il n’y a aucune femme parmi les 15 ministres. J’ai rappelé à nos amis koweitiens, très fiers à juste titre de leur Parlement, qu’une démocratie se mesurait aussi par la place qu’elle laissait aux femmes… nous avons d’ailleurs eu une très intéressante session avec des représentants de la société civile et d’ONG, et notamment Ghada Al Ghanim, membre du conseil d’administration de la Société culturelle et sociale des femmes Koweït, Alanoud Alsharekh, à l’origine de la campagne « Abolish » et Salah AlGhazali, président de la Kuwait Transparency Society.
En matière de politique étrangère, le pays a fait le choix d’une politique mettant en avant des considérations de bon voisinage, de modération et de médiation. L’Emir du Koweït est ainsi très actif dans le processus de médiation de la crise opposant le Qatar à plusieurs autres pays de la région (Arabie Saoudite, Bahreïn, EAU, Egypte) et s’efforce d’apaiser les relations avec l’Iran…
Sur les grands sujets régionaux (Syrie, Daech, Egypte), le Koweït se distingue par son implication humanitaire. Le pays a ainsi fait partie des principaux donateurs pour le Yémen. Dans le cadre de notre séminaire de l’AP-OTAN, nous avons rencontré les responsables du Red Crescent du Koweit et du KRCS (centre de direction des situations de catastrophe et d’urgence), remarquables structures d’aide humanitaire créées respectivement en 1965 et 2012, opérant dans de nombreux pays du monde, avec une expertise plus particulière en matière de prévention et de gestion du suivi des séismes et autres catastrophes naturelles ou liées aux guerres, tout en aidant sur le territoire koweïtien les personnes les plus vulnérables (5000 familles aidées en 2017). Elles s’intègrent parfaitement dans la stratégie humanitaire du Koweit qui l’a fait ainsi devenir un des principaux donateurs pour le Yémen, avec notamment la promesse récente d’une aide de 100 M$ pour ce pays.
J’ai saisi l’occasion de ce passage au Koweït pour y rencontrer les chercheurs du CEFAS (Centre français d’archéologie et de sciences sociales) rattaché au CNRS et ayant pour zone de compétence l’ensemble de la péninsule arabique. Ce centre initialement basé au Yémen, a dû en être rapatrié suite à la terrible guerre qui y sévit. Parmi les travaux en cours, des fouilles sur l’île de Failaka, juste en face de la capitale koweïtienne, où l’on a retrouvé en particulier, sur le site d’Al-Qusur, les traces d’un monastère chrétien et de ses deux églises
Comme déjà noté aux Emirats lors de l’inauguration du Louvre Abu Dhabi, la culture est devenue un enjeu majeur dans tous les pays du Golfe et d’impressionnantes initiatives s’y concrétisent. A Koweit, c’est un gigantesque centre culturel, le plus grand du Moyen-Orient, qui a ouvert ses portes Il y a un an (après seulement 22 mois dédiés à la conception et construction) en plein centre-ville sur un espace de 214 000 mètres carrés (la superficie de trente terrains de football !) avec une salle d’opéra de 1800 places, ainsi qu’un centre musical, un centre de conférence et une bibliothèque de documents historiques sous le nom de l’ancien émir Cheikh Jaber al-Amad, mais parfois aussi surnommé « diamants du désert » en référence à la forme des bâtiments brillant de mille feux. Sans compter un gigantesque lustre, le plus grand du monde, d’un poids de 25 tonnes. Avec plusieurs autres auditoriums et salles de théâtre, ce sont 5 700 personnes qui peuvent être accueillies chaque jour dans cet ensemble pharaonique.
Enfin, réunion bilan avec l’Ambassadeur Christian Nakhlé, excellent spécialiste de la Région et son équipe (et notamment le Colonel Patrick Piquier, attaché de défense, le conseiller économique Philippe Galli, la conseillère Véronique Bertrand-Galli, et le Consul Hicham Baba Ahmed) sur les tensions et enjeux géostratégiques au sein du GCC depuis mon dernier passage au Koweit Il y a deux ans -où j’avais assisté à l’ouverture officielle du Parlement-, et bien sûr sur notre présence française. 1200 Français sont inscrits au registre, avec un magnifique lycée homologué par l’AEFE accueillant plus de 400 élèves dont 15% de Koweïtiens -que je n’ai hélas pas eu le temps de revoir cette fois-ci- et une excellente conseillère consulaire en résidence dans le pays, Brigitte Allemand. Quel plaisir, après en avoir visité le chantier il y a deux ans, de découvrir les magnifiques bureaux de notre ambassade, au 40eme étage de la plus haute tour du pays, bureaux que nous partageons avec l’ambassade d’Allemagne !
Notre relation bilatérale est solide, les koweïtiens étant encore aujourd’hui reconnaissants à la France pour notre implication dans la libération de leur pays en 1991 et pour la fermeté dont notre diplomatie fait preuve pour faire appliquer par l’Irak les résolutions de l’ONU sur la reconnaissance de la frontière, le paiement d’indemnités, la restitution d’archives ou encore le retour de restes de soldats koweïtiens. L’image de la France au Koweït passe aussi par la vitalité de notre langue. Le français a été introduit comme LV2 dans les collèges publics et la Garde Nationale l’a même intégré au cursus de formation de ses officiers.