Déc 04 2017

LA SÉNATRICE JOELLE GARRIAUD-MAYLAM – Ses nouvelles fonctions aux EAU

Entretien publié dans le Petit Journal Dubai du 2 décembre 2017 :

Rencontre avec la Sénatrice Joelle Garriaud-Maylam, qui vient d’être élue Présidente déléguée du groupe d’amitié France-Pays du Golfe, et présidente pour les Émirats Arabes Unis. Chargée également de la Francophonie et des français établis hors de France, et récemment de passage à Dubaï à l’occasion de l’ouverture du Louvre Abu Dhabi et de l’inauguration du premier cours de français au sein des nouveaux locaux de l’Alliance Française à Knowledge Park.

Lepetitjournal.com/dubaï : Vous défendez depuis toujours la cause de la langue française et de la francophonie avec ardeur, quel est votre vision de son avenir aux Emirats ?

Sénatrice Joelle Garriaud-Maylam: La réinsertion de l’enseignement du français dans les écoles émiriennes publiques dont elle a été supprimée est un projet enthousiasmant,  mais il ne faut surtout pas le voir comme une idée chimérique mais au contraire comme une nécessité– la perception trop courante du français comme langue  d’un passé exclusivement littéraire est insupportable. Sortons de ces clichés qui font dire par exemple aux chinois que le premier mot qui leur vient à l’esprit lorsqu’on évoque la France c’est  celui de « romantique » !

Le français est une langue moderne, c’est une langue utile, une langue de progrès, c’est la langue de l’Union Européenne à Bruxelles – en tout cas il faut qu’elle le redevienne !

Sa pratique contribue à l’élaboration d’une pensée structurée et originale et elle vaut la peine de se donner les moyens et la volonté de renforcer sa présence. C’est aussi un atout pour l’économie, l’entreprise et le commerce, c’est la langue d’une tradition juridique protectrice et fiable et je suis persuadée que les Emiratis sauront vite voir l’intérêt pour eux d’apprendre une langue présente sur les cinq continents, et notamment sur ce gigantesque marché potentiel qu’est l’Afrique.

Lors de sa visite, le discours du Président Macron a fait clairement allusion à l’enseignement du français, quelle est votre réaction ?

Sénatrice Joelle Garriaud-Maylam: Ce discours était remarquable, notamment par sa valorisation de notre langue et notre culture.  Moi qui me bats pour la francophonie et le développement du français dans le monde, je lui ai été très reconnaissante de ses paroles claires et courageuses dans un pays où l’enseignement du français a été retiré du programme des écoles publiques et où il faut le réintroduire. Sans compter que lorsque je l’ai remercié de vive voix un peu plus tard dans la soirée, il m’a répondu un « Vous allez voir, je vais continuer ! » qui me semblait aussi enthousiaste que sincère…

Je connais bien évidemment le contexte  actuel et l’impérieuse nécessité d’économies de grande ampleur. Mais il est essentiel que l’enseignement français à l’étranger, notre audiovisuel extérieur et notre réseau culturel soient préservés, car ils sont indispensables non seulement à notre rayonnement culturel et notre influence géopolitique, mais aussi à notre développement économique et commercial.  Je ferai évidemment tout mon possible en tant que parlementaire pour lutter contre la baisse de moyens dans ces domaines : après avoir annulé 33 millions d’euros sur le budget 2017 de l’AEFE (Agence pour l’enseignement français à l’étranger), le gouvernement nous annonce une baisse de 5,15% des crédits d’intervention du réseau culturel pour la loi de finances 2018.

Quelles sont vos premières impressions du Louvre !

Sénatrice Joelle Garriaud-Maylam:  J’ai été émerveillée! Pour moi qui ai depuis toujours beaucoup voyagé et visité de très nombreux musées et galeries aux quatre coins du monde chaque fois que je le pouvais, je ne m’attendais pas à être aussi émue par cette réalisation ! Ce n’est pas seulement un réceptacle, c’est une œuvre en soi : ce vaisseau dont la blancheur immaculée se fond dans la lumière bleutée de la mer et du ciel, bercé par le clapotis des vagues, l’évocation d’un Orient traditionnel avec ses dédales d’humbles maisons blanches et la modernité du tout…je n’aime guère employer le terme de magique, trop galvaudé, mais c’est vraiment ce que l’on ressent en pénétrant dans le Louvre Abu Dhabi ! Sans même évoquer tout ce que ce projet représente : ce désir incroyable de culture, de progrès et de paix, cette ouverture à l’Autre et aux autres,  c’est vraiment un message extrêmement fort de tolérance et de progrès par l’apprentissage de la beauté, grâce au bonheur et à l’émotion que celle-ci apporte.  Regardez par exemple les trois statuettes juxtaposées de la maternité : trois traditions, trois cultures, trois interprétations et tant de similarités présentées côte à côte, quel beau symbole !

Vous êtes également à l’origine d’un prix particulier dédié à la présence française à l’étranger : de quoi s’agit-il ?

Sénatrice Joelle Garriaud-Maylam: Il s’agit du Prix du Rayonnement français, que j’ai créé en 2009, qui s’est beaucoup développé sous le patronage de trois présidents successifs, Messieurs Sarkozy, Hollande, et Macron et qui récompense au Quai d’Orsay les personnalités ou les initiatives qui font rayonner la France à l’étranger dans tous les domaines, de l’humanitaire à la gastronomie en passant par l’entreprise.  Il m’a toujours semblé essentiel de montrer aux Français de France tout ce que fait notre pays à l’étranger afin de leur donner (ou redonner) la fierté de leur appartenance nationale et le goût d’entreprendre. C’est le pari de l’audace et de l’engagement positif sur cette morosité qui gangrène trop souvent  notre pays. Parmi nos lauréats de cette année, l’astronaute Thomas Pesquet et le président de la Fondation Alliance française Jerôme Clément, qui a reçu le Prix du Rayonnement francophone des mains de Michaëlle Jean, secrétaire général de la Francophonie, au nom de ce magnifique réseau culturel de 815 Alliances de par le monde.

Nous sommes aujourd’hui dans les nouveaux locaux de l’Alliance Française, à Knowledge Park, à l’occasion de l’ouverture de leurs premiers cours, voici donc un exemple concret du développement de la Francophonie aux Émirats ?

Sénatrice Joelle Garriaud-Maylam : L’ambition du Sheikh Mohammed bin Rashid al Maktoum pour son pays, son ouverture d’esprit et sa passion pour la culture et l’éducation se traduisent par des gestes très concrets, comme son soutien à la Sorbonne Abu Dhabi ou le don de ces terrains situés face à son palais pour construire tout ce quartier dédié a l’éducation, ce « Parc de la Connaissance » qui est un merveilleux pari sur la jeunesse. C’est aussi un pari pour le français qui s’implante dans cette terre pourtant anglophone de par son histoire, c’est encore la marque d’un pays jeune, dont les dirigeants ont bien compris que le niveau d’éducation est la seule vraie mesure de la réussite d’un pays. Je suis donc d’autant plus fière de participer aujourd’hui à l’ouverture des cours de l’Alliance Française dans ces locaux flambants neuf, avec une équipe très professionnelle et de parrainer leur toute première classe! C’est un plaisir d’autant plus fort pour moi car j’y ai retrouvé Bernard Frontero, un Directeur d’Alliance exceptionnel dont l’engagement infatigable au service de notre langue et de notre culture lui a d’ailleurs valu de se voir nommé au grade de Chevalier de la Légion d’Honneur, insignes que j’ai eu le plaisir de lui remettre au Sénat au printemps dernier.

Après Dubai, quelle est la prochaine étape de votre voyage?

Sénatrice Joelle Garriaud-Maylam: En tant que Secrétaire de la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat, je suis aussi présidente de la Commission sur la dimension civile de la Sécurité de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN et notre commission se réunit à partir de demain au Koweït, où je dois donc me rendre.  Nous travaillerons notamment les questions liées à la sécurité et à la stabilité dans le Golfe et aux tensions et conflits en cours ainsi que la stratégie antiterroriste du Koweit et la coopération entre ce pays et la communauté euro-atlantique. A titre personnel, j’essaierai d’aller voir les chercheurs du CEFAS (le Centre Français d’Archéologie et de Sciences Sociales) qui travaillent sur l’ensemble de la péninsule arabique et du Golfe, centre qui vient d’être rapatrié du Yemen pour s’installer à Koweit. Et bien sûr, je profiterai de ce déplacement pour faire le point avec notre ambassade sur les dossiers en cours pour notre communauté française dans le pays.