Extrait du compte-rendu intégral du 21 février 2018 :
Mme Joëlle Garriaud-Maylam, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons, au travers de cette proposition de résolution européenne, les directives de négociation proposées par la Commission en vue de la conclusion d’accords de libre-échange avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande.
Nous nous réjouissons bien sûr de la publication de ces directives, qui témoigne des progrès de la transparence. Mais la transparence suffira-t-elle à obtenir l’adhésion des peuples au projet européen, singulièrement en matière de négociations commerciales internationales ? Sur le fond, les mandats de négociation proposés par la Commission sont-ils de nature à nous rassurer ?
Ils susciteront de ma part trois remarques.
La première portera sur le périmètre proposé pour les accords. L’objectif prioritaire de la Commission européenne, figurant en tête des deux directives de négociation, semble être de restreindre ce périmètre : ainsi, les accords ne devraient contenir que des dispositions relevant des domaines de compétence exclusive de l’Union européenne, à l’exclusion de tout domaine de compétence partagée avec les États membres, et donc à l’exclusion de toute ratification des futurs accords par les parlements nationaux.
Nous approuvons, à ce sujet, le texte de la proposition de résolution européenne visant à demander des négociations concomitantes sur les sujets de compétence partagée. Nous nous interrogeons sur l’opportunité d’un découpage en plusieurs accords, qui nous conduirait à n’examiner in fine pour ratification qu’une partie d’un ensemble dont la logique globale nous échapperait.
Ma deuxième remarque concernera la transparence. Celle-ci est un devoir non seulement pour la Commission européenne, mais aussi pour le Gouvernement, en amont et en aval des réunions du Conseil. Mais les négociations internationales de ce type sont, par nature, à la main de l’exécutif et peu propices à la publicité.
On peut légitimement s’interroger sur la portée des informations qui nous sont transmises lorsque l’on apprend dans la presse, par exemple, que la Commission propose au Mercosur des quotas d’importation de viande de bœuf augmentés de 40 %, en échange de concessions dans d’autres secteurs, sans analyse approfondie de l’impact d’une telle proposition, ce qui donne l’impression que l’on sacrifie les intérêts agricoles de l’Union européenne à ses intérêts industriels. On ne saurait ensuite s’étonner d’une certaine défiance de l’opinion, et d’une certaine perplexité, devant la volonté d’ouvrir de nouvelles négociations avec d’autres grands États agricoles.
Cela m’amène à ma troisième et dernière remarque, relative à la multiplication des négociations commerciales.
La Commission est aujourd’hui présente sur tous les fronts. Tout en ne délaissant pas les pays émergents, elle se tourne aussi vers d’autres pays industriels. Au total, une quinzaine d’accords de libre-échange sont en cours de négociation, dont cinq sont proches d’un aboutissement : avec le Canada – c’est le CETA, sur lequel nous devrons nous prononcer dans les prochains mois –, mais aussi avec le Japon, Singapour, le Vietnam et le Mercosur. Tous ces accords sont sensibles. Quant aux relations avec la Nouvelle-Zélande et l’Australie, deux accords ont été signés par l’Union européenne avec ces pays, en 2016 et en 2017. Ce sont des accords mixtes, dont nous n’avons pas encore autorisé la ratification. Peut-être pourrait-on, déjà, se donner le temps de les examiner ?
En conclusion, je me demande si la machine n’est pas en train de s’emballer et si la Commission maîtrise vraiment les effets cumulés de tous les accords qu’elle négocie. À ce propos, les dispositions de la proposition de résolution européenne en faveur d’une évaluation renforcée des effets des accords commerciaux et d’une meilleure gestion de leurs impacts redistributifs me paraissent tout à fait bienvenues. Je voudrais en tout cas remercier ses auteurs de nous permettre de débattre aujourd’hui de ces questions essentielles. Je remercie également notre excellent président de la commission des affaires européennes, Jean Bizet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Union Centriste.)