Mar 15 2018

Qatar (12-14 mars 2018)

C’est pour participer un séminaire sur la crise au Moyen-Orient de la commission de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN que je préside que j’ai effectué un déplacement au Qatar.

Le contexte géopolitique de ce séminaire était complexe, marqué notamment par les fortes tensions entre Doha et Ryad. Après que l’Arabie saoudite, le Bahreïn, le Yémen et l’Egypte, jugeant ses relations avec l’Iran, le Hamas, le Hezbollah et les Frères Musulmans un peu trop complaisantes, le Qatar a annoncé en juin 2017, 15 jours après une visite de Donald Trump à Ryad, la rupture de leurs relations diplomatiques avec l’Arabie Saoudite. Les exigences saoudiennes, comme la fermeture de la chaîne Al- Jazeera ou celle de la base turque- sont jugées disproportionnées par le Qatar, petit pays de 2,4 millions d’habitants – dont 90% d’étrangers – mais un des plus riches du monde qui abrite le Commandement central des forces aériennes américaines sur la base d’Al-Udeid, la plus grande du Moyen-Orient (avec compétence sur l’Afrique, le Moyen-Orient, l’Afghanistan et une partie de l’Asie du Sud-Est). Suite à des allégations de soutien au terrorisme qu’il juge mensongères, le Qatar a rétabli ses relations diplomatiques avec l’Iran pays avec lequel il partage le plus grand champ gazier du monde.

Notre première journée débuta par une passionnante table-ronde à huis-clos (« Chatham House Rule »), présidée par l’Ambassadeur d’Espagne et réunissant les ambassadeurs des pays OTAN au Qatar, dont la France, les USA, l’Allemagne, le Royaume-Uni et la Turquie.

Avec le Cheikh Mohammed bin Abdulrahman Al-Thani, ministre des affaires étrangères et vice premier ministre du Qatar

Dans l’après-midi, nous avons eu l’honneur de débattre avec l’Emir du Qatar, Son Altesse le Cheikh Tamim bin Hamas Al Thani, quelques jours après son passage dans les bureaux de l’OTAN à Bruxelles pour signer avec Jens Stoltenberg un accord renforçant les facilités d’accès au territoire Qatari et à la base Al-Udeid pour les missions et opérations OTAN dans la région. Cette rencontre nous a permis d’évoquer plusieurs thématiques telles que, les relations entre le Qatar et la communauté euro-atlantique, la sécurité dans le Golfe ou encore les perspectives de Doha vis-à-vis de la guerre en Syrie et en Iraq. Nous avons pu poursuivre le dialogue avec les autorités qataries, reçus cette fois par S.E. Ahmed Bin Abdullah Bin Zaid Al Mahmoud, président du Conseil consultatif et des membres du Conseil consultatif.

Le lendemain, nous avons rencontré le ministre des Affaires étrangères et le secrétaire d’Etat à la défense. Le dialogue s’est concentré sur la coopération en matière de défense entre le Qatar et la communauté euro-atlantique, ainsi que les défis régionaux en matière de sécurité. Ce séminaire a permis à notre délégation de mieux appréhender le positionnement de Doha dans un contexte régional particulièrement instable. Les nombreux échanges avec les autorités qataries ont été fructueux et mèneront certainement à l’avenir vers plus de collaboration entre l’OTAN et le Qatar.

En marge du séminaire, j’ai tenu à faire une rapide escapade au salon « Dimdex » pour saluer nos treize industriels français présents dont l’excellente équipe Dassault, qui a réalisé en décembre dernier une belle vente de 12 avions Rafale supplémentaires au Qatar et Nexter, sur le point de concrétiser la vente pour 1,5 milliard d’Euros de 490 VBCI à Barzan holdings, détenue par le ministère de La Défense du Qatar.

Après un débat passionnant de géopolitique avec les spécialistes du Moyen-Orient de la Brookings Institution, j’ai visité au pas de charge le sublime musée d’art islamique de Doha – musée ouvert il y a dix ans et qui a sans nul doute, par sa situation sur la mer, son architecture moderniste mais d’inspiration traditionnelle (Ming Pei se serait inspiré de la mosquée Ibn Touloun du Caire), servi partiellement de modèle au Louvre d’Abou Dhabi.

La journée s’est conclue par un dîner de travail très instructif chez notre Ambassadeur Éric Chevallier avec qui j’ai pu échanger en profondeur sur les évolutions du Qatar depuis mon dernier passage, il y a une dizaine d’années, la relation bilatérale et la situation de la communauté française. J’ai également pu m’en entretenir avec le Conseiller consulaire Georges Abou Saad.

On compte actuellement plus de 5300 expatriés français, avec une augmentation de 7.5% depuis 2016. Les lycées Bonaparte et Voltaire reçoivent également de plus en plus de nouveaux inscrits. Ainsi, malgré les derniers évènements ayant secoués le pays, la France et le Qatar poursuivent leurs efforts de coopération.

En matière de politique intérieure et extérieure du pays, on observe d’importantes évolutions. L’économie gazière reste florissante malgré le blocus des autres pays du Golfe, avec une croissance de 2,6% et des efforts de diversification. Depuis janvier le Qatar, plutôt frileux auparavant, a annoncé que les étrangers pourraient détenir 100% des parts d’une entreprise dans quasiment tous les secteurs, et l’autosuffisance en tout est devenue l’objectif à atteindre. En fait, il semble que le blocus des Saoudiens (en proie eux-mêmes à une grave crise économique avec un déficit de 17,3% du PIB et une probable récession en 2017) n’ait fait que renforcer le Qatar… pour le moment du moins car la crise si elle se maintenait, pourrait affecter durablement l’ensemble des pays du Golfe. Il est à signaler également un rapport du Haut-Commissariat des droits de l’homme de l’ONU (HCDDH) qui juge la décision du Quartet du GCC arbitraire, disproportionnée et discriminatoire, avec notamment l’ultimatum lancé par les pays du Quartet à leurs milliers de ressortissants pour qu’ils quittent le Qatar en quelques jours avant la mise en place du blocus. Ces accusations semblent largement infondées. Les Etats-Unis et le Qatar ont signé en juillet un accord visant à empêcher le financement du terrorisme. Mais il faut bien sûr aller au-delà des apparences et c’est bien cela que j’ai eu l’occasion de faire lors de ce séminaire.

J’ai malheureusement dû quitter le Qatar un peu avant la fin du séminaire de l’AP-OTAN pour retourner à Paris où j’organisais un diner-débat sur la défense et la sécurité à l’international avec les élus des Français de l’Etranger et ai donc manqué la suite du programme. Celui-ci consistait en une visite de la base aérienne Al-Udeid , qui est le Centre de coordination des opérations aériennes (CAOC). Différents exposés sur les missions du CAOC nous ont été présenté, ce dernier assure le commandement et le contrôle des forces aériennes dans la zone de responsabilité du commandement central des États-Unis (une région couvrant 20 pays et qui s’étend de l’Afrique du Nord-Ouest à l’Asie centrale et méridionale, en passant par le Moyen-Orient).